Pour l’ONU, la Tchéquie viole systématiquement les droits des migrants
La République tchèque viole de façon quasi-systématique les droits des réfugiés et des migrants ; c’est la critique particulièrement sévère adressée jeudi aux autorités tchèques par le haut-commissaire des Nations Unies pour les droits de l’Homme, Zeid Ra’ad Al Hussein. Les conditions de rétention, la détention d’enfants, les traitements indignes infligés aux réfugiés, la xénophobie ambiante illustrée par les sorties islamophobes récurrentes du chef de l’Etat Miloš Zeman : les motifs d’inquiétude de l’agence onusienne sont nombreux et ont été largement relayés dans les médias européens. Depuis Genève, Cécile Pouilly, qui est chargé de communication auprès du Haut-commissariat, a développé pour Radio Radio :
Qu’est-ce qui a poussé le Haut-commissariat des Nations Unies aux droits de l’Homme à réagir maintenant ?
« Bien sûr, on a suivi ces derniers temps l’évolution de la situation. Nous avons aussi très attentivement lu le rapport de la médiatrice tchèque, Anna Šabatová, qui date du 13 octobre et dans lequel la médiatrice parle vraiment d’une situation très difficile à vivre pour les parents, d’enfants qui sont traumatisés par la présence de personnels armés et puis de conditions de vie très difficiles sur place. Cela nous a poussés à intervenir sur un fond en général préoccupant d’un discours public de plus en plus xénophobe en République tchèque. Il nous a semblé qu’il y avait vraiment plusieurs signaux d’alarmes qui montraient qu’il y avait besoin d’une intervention à ce moment précis. »Les critiques que vous avez adressées à la République tchèque ont suscité beaucoup de réactions, souvent négatives, par exemple du président de la République Miloš Zeman, du premier ministre Bohuslav Sobotka, et notamment de la part de Milan Chovanec, le ministre de l’Intérieur, qui est l’artisan de cette politique à l’égard des migrants et qui dit attendre une formulation écrite de ces critiques…
« La déclaration qu’a fait le Haut-commissaire hier est un communiqué de presse qui est public ! Nous sommes en relation régulière avec les autorités tchèques, notamment ici à Genève avec la représentation permanente, donc nos opinions sont bien connues. Elles sont évidemment transmises à la République tchèque. Et puis il faut noter qu’au sein même du gouvernement tchèque, il y a des eu des autorités qui se sont exprimées. Par exemple le ministre de la Justice tchèque Robert Pelikán, qui a lui-même indiqué que les conditions de détention qui sont imposées à ces migrants et à ces réfugiés, et notamment au camp de rétention de Bělá-Jezová, sont « pires que dans une prison ». Lui-même a indiqué que ces migrants n’avaient finalement commis qu’une infraction administrative pour lesquels ils ne devraient pas être enfermés pour une période qui peut aller jusqu’à 90 jours. Donc au sein même du gouvernement tchèque, on voit bien qu’il y a des voix discordantes qui soulignent elles-aussi qu’il y a un véritable problème et que ce problème doit être réglé. »Milan Chovanec, à l’instar d’autres politiciens tchèques, a déclaré que le haut-commissaire, Zeid Ra’ad Al Hussein, devrait venir en République tchèque pour constater de lui-même la situation dans les camps de rétention. Est-ce quelque chose d’envisageable ? Comment réagissez-vous à ces propos ?
« On accueille bien entendu favorablement une invitation des autorités tchèques à se rendre sur place. Evidemment le commissaire a un agenda extrêmement chargé donc il m’est difficile de vous répondre à la seconde pour savoir si son agenda lui permet de venir immédiatement en République tchèque. Mais je transmettrai bien évidemment cette invitation. Et à défaut, si le haut-commissaire n’est pas disponible, nous pouvons aussi envoyer une équipe sur place pour vérifier les conditions de détention. On a remarqué que les autorités avaient également mis en place, suite au rapport de la médiatrice de la République, un mécanisme de consultation entre le ministère de l’Intérieur et cette médiatrice pour évaluer la situation des migrants et des réfugiés. C’est un pas positif, mais cela ne va pas suffire. Nous prenons en compte cette invitation et nous la transmettrons au haut-commissaire très rapidement. »Comment allez-vous suivre maintenant la situation ? Quelle peut être la prochaine étape si vous constatez qu’il n’y a pas d’amélioration ?
« Notre pouvoir est essentiellement un pouvoir de dissuasion. Nous sommes en dialogue constant avec les gouvernements et nous continuerons à l’être avec celui de la République tchèque. Au-delà, nous menons parfois, comme vous l’avez vu ce jeudi, des dénonciations publiques lorsqu’il nous semble que la situation l’exige. Bien sûr nous continuerons à suivre la situation sur place. Ce que j’aimerais vraiment mentionner, c’est qu’il ne faut pas oublier que ces migrants sont des êtres humains qui ont des droits comme tout un chacun. Le fait que les enfants de ces migrants soient également détenus, c’est vraiment une situation aberrante. Pourquoi détenir ces enfants sur la seule base de leur statut migratoire ou de celui de leurs parents ? C’est une violation des droits de l’homme. On ne peut jamais dire que détenir ces enfants va servir leurs intérêts supérieurs et cela n’est pas justifiable. C’est une situation qui est quand même extrêmement sérieuse, qui s’ajoute au traumatisme que ces gens ont vécu en quittant leur pays en guerre pour la plupart et en menant des voyages extrêmement périlleux, en Europe, à travers la Méditerranée… Ces gens traversent des situations horribles, ils n’ont pas besoin de subir des traumatismes supplémentaires en étant détenus.J’insiste sur le fait qu’il y aussi des pratiques véritablement aberrantes, comme ces fouilles à nu par les autorités qui cherchent à confisquer l’argent des migrants pour qu’ils paient leur détention. C’est quand même quelque chose qui n’est pas acceptable et qui est particulièrement condamnable. Le message que nous envoyons, qui est effectivement fort, est destiné à demander un changement et à demander le respect des droits fondamentaux de ces gens. »