Crise migratoire: le V4, « un mur très difficile à craqueler »

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Après la réunion des vingt-huit ministres de l’Intérieur ce mardi, Bruxelles accueillera un sommet extraordinaire des vingt-huit chefs d’Etat ou de gouvernement mercredi pour tenter de trouver des solutions à l’actuelle crise migratoire. Pour faire accepter le principe des quotas obligatoires aux pays récalcitrants du groupe de Visegrád (V4), il est question d’une réduction des fonds structurels alloués à ces pays. Martin Michelot est chercheur en relations internationales, basé à l’institut Europeum de Prague, et il a d’abord évoqué pour Radio Prague la réalité de ces menaces budgétaires :

Martin Michelot,  photo: Europeaum
« Pour l’instant il n’y a aucune base légale qui permette des sanctions budgétaires importantes, par exemple des coupes importantes dans les fonds structurels qui alimentent les projets européens dans les pays d’Europe centrale. Donc pour l’instant on en est seulement au stade de la rhétorique. Mais s’il y a des décisions qui ne vont pas dans le sens de ce que souhaitent les Allemands ou les Français, il pourrait y avoir un plan d’action qui serait mis en œuvre. L’objet de la visite du ministre des Affaires étrangères luxembourgeois lundi était justement d’essayer de faire le lien entre ces deux camps et de prévenir qu’il pourrait y avoir des conséquences fâcheuses voire désagréables si l’opposition du V4 se trouvait être permanente dans le cas de l’accueil des réfugiés. »

Sur cette question des quotas obligatoires de réfugiés, est-il envisageable d’avoir lors du sommet extraordinaire mercredi à Bruxelles une décision prise à la majorité et non à l’unanimité ?

« Sur le papier, oui, un vote à la majorité qualifiée est tout à fait possible. Toutefois, il faut bien faire une distinction entre ce que permettent les textes européens et ce qu’il va se passer en réalité. Sur un sujet où il y a une division comme on l’a rarement vu entre pays européens, je pense que le message du Conseil européen serait vraiment très difficile à accepter en Europe centrale et risquerait de creuser encore plus le fossé. »

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« D’autant plus que les politiciens en Europe centrale ne font pas véritablement d’efforts pédagogiques pour expliquer les ressorts de la crise et pour ancrer leurs pays au cœur d’une véritable solution européenne. A titre personnel, je pense que s’il y avait une décision à la majorité qualifiée pour obliger la mise en place des quotas, ce serait vraiment une victoire à la Pyrrhus pour le Conseil européen et pour la Commission européenne, dans la perspective d’une Europe unie sur d’autres dossiers dans les années à venir. »

Avez-vous l’impression qu’il s’agit avant tout dans cette crise d’un manque de pédagogie, d’un problème de communication ?

« Ce n’est pas seulement un manque de pédagogie, ce sont aussi des réticences culturelles qui sont évidentes mais sur lesquelles il y a très peu d’efforts de communication faits par les politiques. On est quand même dans une région où le sentiment d’adhésion à l’UE est beaucoup plus limité par rapport à d’autres pays de l’Europe de l’Ouest ou du Sud. Donc il y a un vrai effort de pédagogie qui est à faire par les politiciens pour expliquer en quoi la République tchèque, la Pologne, la Slovaquie et la Hongrie, en tant que membres de plein droit de l’UE, sont aussi astreints à ces obligations de solidarité. Ils ont été bénéficiaires dans le passé de cette solidarité européenne et là on est véritablement dans le premier cas où l’UE demande à l’Europe centrale de faire des efforts sans qu’il y ait quelque chose en retour. »

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« On se retrouve véritablement face à un mur. Le V4 est un mur qu’il est très difficile de craqueler. Le Premier ministre tchèque Bohuslav Sobotka a fait quelques pas rhétoriques en avant vers un accueil volontaire des migrants, suivis en cela par la cheffe du gouvernement polonais. Mais pour l’instant, il est vraiment très dur de mettre fin à ces réticences et de trouver les moyens qui pourraient permettre de parvenir à un compromis. »

En cas d’adoption de ces quotas obligatoires à Bruxelles, le vice-Premier ministre tchèque et chef du parti chrétien-démocrate (KDU- ČSL), Pavel Bělobrádek, a même évoqué la possibilité de se tourner vers la Cour de justice de l'Union européenne à Strasbourg. Qu’en pensez-vous ?

« Je pense que c’est un moyen de tourner la population contre l’UE et un très mauvais moyen de dialoguer et de trouver un compromis absolument nécessaire à l’heure actuelle. Ces menaces, tout comme les menaces de réduction des fonds structurels, ne sont pas utiles en ce moment. En plus dans ce cas, ce serait une procédure longue qui serait plus dommageable pour la République tchèque que pour l’UE. Le chef de la diplomatie tchèque a rappelé lundi que le principe des quotas n’avait pas marché il y a plusieurs années quand il avait fallu prendre en charge des réfugiés localisés à Malte. Je pense qu’il faut vraiment séparer les procédures judiciaires des discussions entre ministres ou entre chefs d’Etat. La procédure judiciaire doit être utilisée en tout dernier recours. La République tchèque aurait du mal à ressortir grandie d’une telle procédure. »