Drogue, enlèvement, tentative de meurtre : la carrière de Radovan Krejčíř se poursuit en Afrique du Sud
Entre l’homme d’affaires Radovan Krejčíř et la justice, c’est une histoire de « je t’aime, moi non plus ». Poursuivi en République tchèque pour fraude fiscale et pour des violences, le milliardaire avait fui le pays en 2005 pour se réfugier aux Seychelles puis en Afrique du Sud. C’est là qu’il a été jugé coupable lundi d’enlèvement et de tentative de meurtre dans une affaire de drogue, une « conspiration » selon cet homme de 46 ans qui n’en a pas terminé avec la justice sud-africaine.
Ainsi, le Tchèque, emprisonné depuis novembre 2013, quelques temps après avoir échappé à une tentative d’assassinat, et mis à l’isolement depuis trois mois, est considéré par la police sud-africaine comme la tête d’un réseau de trafic de drogue. Ce ne serait pas là le moindre de ses exploits et au moins trois procès l’attendent encore au pays de Nelson Mandela. Le verdict rendu lundi apparaît cependant comme une surprise, la justice peinant jusqu’alors à fournir les preuves de sa culpabilité. Porte-parole des forces de l’ordre d’Afrique du Sud, Solomon Makgale évoque pour la Radio tchèque l’enquête et les faits d’armes supposés de l’accusé :
« Ce qui nous aide, c’est que depuis qu’il a été arrêté, nous avons été capables de collecter de nombreuses preuves grâce à des personnes venues témoignées des choses qui leur sont arrivées. Nous ne parlons pas seulement de la possibilité d’une vingtaine de meurtres et d’une quinzaine de cas liés à la drogue, nous parlons aussi de corruption et d’une trentaine de cambriolages. Nous avons collecté des preuves assez sérieuses et nous avons le sentiment que nous en avons assez pour qu’il soit placé derrière les barreaux. »
Au total, Radovan Krejčíř serait lié à une centaine de crimes selon Solomon Makgale, qui explique que ces affaires sont douloureuses pour la police, puisque certains agents corrompus, plus ou moins gradés, y ont été impliqués.
Le Tchèque a donc semble-t-il réinvesti à succès son expérience dans le monde criminel, acquise de haute lutte depuis de longues années. Dès les années 1990, il devient un symbole des enrichissements douteux liés à la transition vers l’économie de marché et aux privatisations par coupons. En 2005, alors que les médias tchèques évaluent sa fortune en milliards de couronnes, il est visé par la justice pour fraude fiscale et association de malfaiteurs mais parvient à prendre la fuite en pleine perquisition de son domicile, un épisode rocambolesque qui conduit à la démission du chef de la police de l’époque.
Le fugitif trouve refuge aux Seychelles, où il prend le temps d’écrire un livre, et réapparaît deux ans plus tard en Afrique du Sud, où son extradition demandée par la République tchèque est refusée. A Prague, Radovan Krejčíř est condamné à dix années et demie de prison par contumace, d’abord en 2008 pour avoir commandité un enlèvement, et plus récemment pour divers délits fiscaux. Mais sa brillante carrière continue en Afrique du Sud, où il a demandé l’asile, ponctuée de quelques passages dans les commissariats locaux, jusqu’à l’arrestation de novembre 2013.
Une vie tellement digne d’un roman qu’elle inspire un film qui sort début septembre sur les écrans tchèques, Gangster Ka. Son réalisateur, Jan Pachl, expliquait à la Radio tchèque :
« J’ai l’impression qu’à l’heure actuelle les réalisateurs de film font seulement des comédies plates, autour des mêmes thèmes, la vie des trentenaires ou des célibataires. Ces films ne reflètent pas du tout notre époque et les créateurs ne trouvent pas les thèmes à aborder. Selon moi, le crime organisé et la corruption du système étatique sont vraiment les thèmes les plus urgents à traiter aujourd’hui. »Il reste toutefois à écrire la fin du film ou de la série de films prévus sur le sujet car la condamnation de Radovan Krejčíř devrait être connue le 11 septembre prochain. Prague espère également à termes pouvoir obtenir l’extradition du fugitif, une demande que doit prochainement étudier la Cour suprême sud-africaine au vue des autres procès qui l’attendent en Afrique du Sud.