« Panama Papers » : en Tchéquie aussi on cache son argent dans des paradis fiscaux
Les révélations des « Panama Papers », ces fichiers qui font l’objet d’une enquête d’une centaine de médias à travers le monde, permettent d’établir des liens entre de très nombreuses personnalités et des sociétés implantées dans des paradis fiscaux, des territoires bien pratiques pour échapper au fisc de son propre pays ou pour blanchir de l’argent sale. En République tchèque, 283 individus, tels que Petr Kellner, Radovan Krejčíř ou Daniel Křetínský, sont cités dans environ 250 000 de ces millions de documents et le gouvernement semble devoir réagir.
Pourtant Petr Kellner est tout de même l’un des hommes les plus riches de République tchèque. Propriétaire à près de 99% du groupe PPF, il a fait fortune lors du processus de privatisations opérées en Tchéquie dans les années 1990. Radovan Krejčíř est un gangster, récemment condamné à 35 ans de prison en Afrique du Sud pour une tentative de meurtre, qui avait fui l’Europe et la justice tchèque en 2005. Daniel Křetínský est un important homme d’affaires, multimilliardaires en couronnes tchèques, et notamment connu pour être le copropriétaire du club du Sparta Praha.
Autant dire que l’affaire est suffisamment importante pour que Bohuslav Sobotka, depuis San Francisco où le premier ministre achevait ce lundi sa tournée étatsunienne de cinq jours, réagisse en face de journalistes et juste devant le Golden Bridge :
« Pour commencer, le Bureau d’analyse financière (FAÚ), et en particulier les services fiscaux de l’administration fiscale, devraient pouvoir exploiter au maximum les informations qui ont été dévoilées au public. Je compte sur l’administration fiscale pour se pencher sur la question de façon minutieuse et pour que cette affaire fasse l’objet d’une enquête poussée en fonction des individus en République tchèque sur lesquels des informations sont révélées. »Car les personnalités citées ne sont pas forcément les auteurs d’actes répréhensibles. Des porte-paroles de sociétés liées à Petr Kellner ou Daniel Křetínský ont d’ailleurs rapidement tenu à nier cette éventualité. Autre milliardaire de son état, le ministre des Finances Andrej Babiš, dont dépend l’administration fiscale, est d’ailleurs peu optimiste sur la suite des événements :
« Le Panama est connu pour être un pays qui partage peu ses informations donc nous verrons bien. Nous devons nous assurer dans une certaine mesure de la véridicité de ces informations. »Alors que le monde politique tchèque semble devoir être épargné par ces révélations, les propos du ministre des Finances peuvent être interprétés comme un défaut de volonté du pouvoir politique tchèque de traiter le problème de l’évasion fiscale et des paradis fiscaux. C’est en tous les cas ce que semble penser David Ondráčka, qui dirige la branche tchèque de Transparency International, joint par Radio Prague :
« Pour moi, cette affaire ‘Panama Leaks’ n’est ni la première ni la dernière sur les questions des paradis fiscaux où les riches élites cachent leurs biens et éventuellement volent leurs concitoyens. C’est un problème mondial, gargantuesque, qui affecte le citoyen et qui brasse des centaines de milliards de dollars. »
Pensez-vous qu’en République tchèque, il y a suffisamment de volonté politique et de moyens pour pouvoir enquêter et travailler sur les cas d’évasion fiscale ?
« Je suis un peu sceptique parce que cette volonté manque à l’heure actuelle. Mais j’espère que des cas comme ce Panama Leaks peuvent ouvrir un espace potentiel pour des solutions plus conséquentes. Maintenant, nous devons ouvrir un registre public pour connaître les véritables propriétaires des entreprises. Nous devons aussi travailler avec l’Union européenne sur les échanges d’informations avec les paradis fiscaux. J'espère que nos dirigeants, notre gouvernement, feront preuve d’une plus grande volonté pour résoudre cette situation. »En République tchèque, c’est le Centre tchèque pour le journalisme d’investigation qui a gagné le droit d’éplucher les informations contenues dans ces milliers de documents et qui devrait progressivement publier le résultat de ses recherches. Selon la société de conseils Bisnode, environ 13 000 firmes domiciliées dans des paradis fiscaux, le plus souvent aux Pays-Bas ou à Chypre, mais aussi aux Seychelles, appartiendraient à des ressortissants tchèques.