Emplois saisonniers : les étudiants tchèques travaillent pour des queues de cerise
Les Tchèques, essentiellement les jeunes et les étudiants, appellent cela des « letní brigády », littéralement des « brigades d’été ». En français, on parle plutôt de petits boulots pour étudiants ou de jobs d’été en franglais. Avec le début cette semaine des vacances scolaires, la vague d’intérêt pour ces emplois de saison est la plus forte de l’année en République tchèque. Mais tous les secteurs d’activité ne possèdent pas le même pouvoir d’attraction.
« Si on me donnait 80 couronnes de l’heure, j’en serais très heureux, je pense que ce serait très bien payé pour ce type de jobs. Mais je ne me fais pas trop d’illusions. Je sais bien que, normalement, le salaire proposé est plutôt de 75 couronnes. »
Selon les agences d’intérim, l’offre des emplois saisonniers est plus importante cette année que les précédentes. Responsable d’une de ces agences à Prague, René Kuchár affirme que jusqu’à 250 petits boulots sont proposés quotidiennement, soit 20% de plus environ que l’été dernier :
« Il y a encore deux ans de cela, il pouvait y avoir de cinq à dix candidats pour un poste. L’année dernière, le nombre de candidats intéressés n’était plus que de trois à cinq, et cette année je dirais qu’il y a un à deux candidats pour un emploi saisonnier. Cette moindre demande a pour effet d’augmenter les salaires d’une dizaine de couronnes par heure. »
En moyenne, le salaire horaire des « brigádníci » s'élève donc à quelque 80 couronnes - l’équivalent de 2,90 euros. Selon les agences spécialisées, les emplois administratifs ou dans le tourisme font l’objet de la plus forte demande, alors qu’une main-d’œuvre peu qualifiée dans les entrepôts ou les magasins de grande distribution est recherchée en priorité par les entreprises. Malgré tout, on estime à 90% le nombre d’étudiants tchèques qui voudront se trouver un job cet été. Si pour beaucoup, il s’agit de pouvoir financer, ne serait-ce que partiellement, une partie de leurs vacances, tous n’ont cependant pas les mêmes motivations, comme l’explique Kateřina Zachová, employée dans un bureau de petites annonces à Prague :« Les lycéens notamment dans une très grande majorité sont motivés d’abord par le salaire plutôt que par l’expérience qu’ils peuvent retirer de leur travail. Ce qui les intéresse, c’est clairement de se faire quelques milliers de couronnes. Et travailler reste le meilleur moyen pour cela. Pour les étudiants de l’enseignement supérieur, la motivation n’est parfois plus tout à fait la même. Bien sûr, ils ont toujours besoin d’argent, mais certains souhaitent que l’expérience acquise les aide dans la recherche d’un emploi. »
Les étudiants ne sont pas les seuls demandeurs de ces petits boulots, loin s’en faut. Dans un contexte économique pas facile pour tout le monde, René Kuchár confirme que la concurrence est parfois rude :
« Les deux tiers des ‘brigádníci’ sont des chômeurs de courte durée. Ce sont des gens qui travaillaient quelque part et sont actuellement à la recherche d’un nouvel emploi. Il ne faut pas oublier non plus les retraités qui ont encore besoin de compléter le faible montant de leur pension. Et puis il y a aussi des gens qui sont déjà employés par une entreprise et sont sous contrat, mais souhaitent se faire des à-côtés. »Parmi les secteurs d’activité où les besoins de main-d’œuvre et de « brigádníci » sont constants et primordiaux en saison estivale, figure l’agriculture. Mais si l’offre d’emplois est importante, la demande, elle, est moindre, comme le regrette Vítězslav Houdek, un fruiticulteur de la région de Litoměřice, en Bohême du Nord, qui emploie actuellement vingt-deux personnes pour la cueillette des cerises :
« On ne peut pas dire que les chômeurs soient particulièrement intéressés par ce genre de travail. Nous coopérons avec des agences qui nous fournissent de la main-d’œuvre, mais ce sont des agences bulgares, roumaines ou d’autres pays. »
A en croire Vítězslav Houdek, la cueillette des fruits n’est pourtant pas le job le plus mal payé. A ses yeux, pour les débrouillards et les dégourdis, il est même possible de s’en tirer correctement :« Nous payons neuf couronnes (0,33 euro) par kilo de cerises cueilli. Un bon cueilleur cueille de 50 à 60 kilos par jour, soit huit heures de travail, certains même jusqu’à 80 kilos. Cela dépend de l’ardeur que l'on met au travail. Certains sont plus courageux que d’autres, même si c’est un travail physique qui n’est pas fait pour tout le monde. »
Etudiante employée dans le verger en question cet été, Zdeňka Husáková fait partie de ces quelques Tchèques qui préfèrent ne pas se plaindre. Elle explique pourquoi elle ne crache pas dans la soupe :
« Dans la région il n’y a pas trop d’autre travail qui soit à distance raisonnable de chez moi et je n’ai donc pas trop eu le choix. Et puis les travaux manuels ne me dérangent pas, au contraire. Plutôt que de passer mes journées derrière une caisse ou dans un hangar au milieu de palettes et de cartons quand il fait beau, je préfère être ici en plein air et cueillir des cerises. »Sans compter les économies que Zdeňka, vu le prix du kilo de cerises dans les commerces, peut faire sur sa propre consommation… Après tout, surtout pour les employés saisonniers en République tchèque, il n’y a pas de petits profits.