« Il fait bon partout, alors à quoi bon rester à la maison ? »
Le dicton tchèque qui dit « Il fait bon partout, mais il fait meilleur chez soi » (Všude dobře, doma nejlépe) est bien « le » proverbe que les Tchèques aiment prononcer une fois rentrés de voyage. Mais un autre proverbe, quelque peu modifié par la culture orale, dit aussi « Il fait bon partout, alors à quoi bon rester à la maison ?» (Všude dobře, tak co doma ?). La voyageuse tchèque Dana Trávníčková peut sans problème se situer à cheval entre ces deux proverbes. Même si elle avoue aimer revenir de plus en plus dans ce petit pays au cœur de l’Europe, Dana Trávníčková a voyagé dans près de 120 pays du monde entier sur une période d’une vingtaine d’années au total. Revenue d’Albanie il y a quelques jours de cela, elle a révélé au micro de Radio Prague ses débuts dans le tourisme sous le communisme, le lancement de sa propre agence de voyage jusqu’à la rencontre d’une vie, celle avec le plus grand des voyageurs tchèques, Miroslav Zikmund.
« Depuis toujours, je n’ai jamais vraiment tenu en place, mais je vivais sous un régime qui ne favorisait pas cela. J’ai donc tout d’abord très bien connu mon propre pays, qui d’après moi est un des plus beaux au monde. J’ai été externe à l’agence Čedok pendant mes études supérieures et grâce à cela j’ai pu faire visiter aux touristes les coins et recoins de la Tchécoslovaquie de l’époque. A quelques moments j’ai pu me rendre en dehors des frontières, mais il n’était évidemment pas possible de voyager tout à fait librement comme maintenant. »
Devenue au début des années 1980 professeur de systèmes d’analyse à la VŠE, l’Ecole supérieure d’économie de Prague, Dana Trávníčková s’adonne parallèlement au métier de guide. Elle nous explique quelles ont été concrètement les possibilités de voyage la concernant :
« Rares étaient les voyages à l’étranger. Pendant mes études ou plus tard en tant que professeur, j’étais guide, et puis j’ai alors eu la possibilité de me rendre à plusieurs reprises en Bulgarie, ayant appris le bulgare. À l’époque personne ne parlait le bulgare, alors un guide qui parlait une langue peu commune était très demandé. Beaucoup de Bulgares venaient à l’époque dans le pays. Mis à part cela, je suis allée professionnellement en Finlande, et avec l’argent gagné, j’ai fait le tour de la Scandinavie. Puis j’ai obtenu un séjour étudiant en Grande-Bretagne où j’avais effectué justement un séminaire sur les systèmes de tourisme. Et une seule fois j’ai obtenu un ‘devizový příslib’ (promesse de change avec les monnaies étrangères), grâce auquel j’ai pu voyager dans des pays d’Europe de l’Ouest. »A la chute du régime communiste, Dana Trávníčková a d’abord exaucé son rêve: elle s’est lancée dans la création de sa propre agence de voyage axée sur le tourisme de congrès et en provenance de l’étranger. Si elle l’a fait c’est, selon elle, parce qu’elle a voulu faire mieux que ce qu’elle avait vu chez Čedok. Faisant alors partie des premiers qui ont saisi la chance d’intégrer le marché vierge du tourisme en Tchécoslovaquie, Dana Trávníčková se lance et cette aventure lui permet de bien gagner sa vie pendant une décennie. Mais parcourir le globe la démange, elle décide un jour de tirer un trait sur sa carrière professionnelle. Une carrière qui l’a tout de même rattrapée sous une forme quelque peu différente peu de temps plus tard. Dana Trávníčková poursuit :
« Lorsque j’ai décidé en 1998 de mettre un terme à cette entreprise très rémunératrice, afin de profiter de la vie et de voir le maximum possible de choses dans le monde entier, alors à ce moment-là des amis nous ont dit qu’ils ne voulaient plus entendre parler de nos voyages en Australie, dans l’Océan Indien, ou en Afrique, mais qu’ils voulaient eux aussi participer à notre prochain voyage d’un mois en Afrique du Sud. Puis il y avait pleins d’autres facteurs qui m’ont persuadée du fait que c’était en fin de compte très rentable à de nombreux égards d’organiser un voyage pour un groupe de personnes. Même si là, il n’était plus question de bénéfices, mais de dépenses aux frais de chacun. Et étant donné que j’ai cette déformation professionnelle, je me suis lancée dans l’écriture de textes sur le pays où tout était expliqué. J’ai donc tout appris par avance sur le pays grâce à cela, et j’étais bien préparée. »Dana Trávníčková s’est alors lancée dans l’organisation de voyages pour des groupes de personnes, Tchèques ou de nationalité étrangère. Pendant treize ans, elle a préparé 45 voyages à destination de 80 pays du monde entier. Et ce sont peut-être bien ces treize années à sillonner la planète qui l’ont poussée à se lancer dans l’écriture de livres de voyage, qu’elle appelle en tchèque « cesto-faktopis ». Dana Trávníčková dévoile quelle a été l’idée motrice pour se lancer dans cette nouvelle aventure :
« J’avais déjà acheté pas mal de littérature spécialisée et je me suis rendue compte que des livres d’un certain genre manquaient. Cela était peut-être dû aux restes de l’analyste en informatique qui règne en moi. Mais chaque pays existe parce que les autres l’acceptent, il y a donc certains liens entre eux. Chaque pays est situé sur un continent, et de là j’ai donc voulu écrire des types de livres qui n’existent pas chez nous mais qui montrent les différents rapports, contextes et liens tant entre les pays d’un continent qu’entre les continents eux-mêmes. C’est absolument fascinant de voir comment l’Afrique a influencé l’Amérique et l’Europe. Etant donné que les Européens y ont amené des esclaves pendant 300 ans, ils se sont enrichis et l’Amérique encore plus. Tandis que l’Afrique s’est extrêmement appauvrie et a donc été une proie facile. » Son premier livre Rêver du Pacifique (Sen o Tichomoří) est un témoignage sur la Polynésie, la Mélanésie et la Micronésie, son deuxième livre part à la découverte de l’Amérique du Sud jusqu’à l’Antarctique, (Jižní Amerikou na Konec světa a pak dál do Antarktidy), tandis que le troisième entraîne le lecteur vers pratiquement tous les pays du continent africain (Příběh černé Afriky). Une des rencontres les plus marquantes de Dana Trávníčková est celle avec le pionnier du voyage et célébrissime explorateur du début de la seconde moitié du XXe siècle, Miroslav Zikmund, qui a parcouru le monde entier aux côtés de son compagnon de route, Jiří Hanzelka. Miroslav Zikmund a ainsi écrit la préface du premier livre de Dana Trávníčková sur les îles du Pacifique. A ce propos, elle précise :« C’est vraiment la chose que je chéris le plus au monde. Il y a quelques années déjà, Miroslav Zikmund avait entendu parler des voyages personnalisés que j’organisais à travers le monde entier. Il était complètement émerveillé, il m’a invité chez lui à Zlín. Et depuis, on peut dire qu’une amitié est née entre nous. Il m’écrit des lettres magnifiques, qui sont vraiment un trésor et de temps à autres, on a même l’occasion de se voir. Évidemment que j’ai été extrêmement heureuse qu’il ait non seulement écrit la préface de mon livre mais qu’il soit venu en personne de la ville de Zlín où il habite pour le lancement du livre. Lorsque je venais de publier mon dernier livre sur l’Afrique – à l’heure actuelle j’écris un quatrième livre sur l’Himalaya, il m’avait envoyé une carte disant comme j’avais joliment écrit sur « notre Afrique », vu que nous sommes tous les deux très liés à l’Afrique. Evidemment cela m’a émue jusqu’aux larmes. »
Si elle a mis les pieds sur les cinq continents, Dana Trávníčková avoue néanmoins qu’il lui est difficile de définir l’endroit qui a eu le plus d’impact sur elle.« Je ne suis vraiment pas capable de répondre à cette question, car j’aime le monde entier, mais si je devais vraiment choisir un seul pays, ce serait ce petit pays au centre de l’Europe. Je l’avoue volontiers. Mais on ne s’en rend compte qu’une fois après avoir vu le monde. On apprécie encore davantage ce que l’on a chez soi. »