Exclusion sociale : le nombre de ghettos a doublé en République tchèque
Même si le niveau de vie moyen tend à croître et que le taux de chômage est l’un des plus faibles en Europe avec une nouvelle baisse à 6,7% en avril, la pauvreté, la misère, la précarité et l’exclusion sociale gagnent elles aussi du terrain en République tchèque. Selon une analyse commandée par le ministère du Travail et des Affaires sociales, dont les données ont été communiquées mercredi, le nombre de localités défavorisées, aussi appelées ghettos, a considérablement augmenté ces dernières années et continue d’augmenter. Depuis 2006, leur nombre a même doublé et s’élève aujourd’hui à un peu plus de 600. Et si la minorité rom constitue l'essentiel de cette population la plus défavorisée, certaines classes de la majorité tchèque sont elles aussi concernées.
« Le problème concerne primordialement quatre régions que sont les régions d’Ústí nad Labem, de Moravie-Silésie, de Karlovy Vary et d’Olomouc. Mais il y a aussi quelques nuances entre ces régions. Tandis que nous pouvons parler de localités plus grandes dans la région d’Ústí nad Labem, qui font souvent partie des villes, on trouve des localités à caractère plus rural dans les régions notamment de Karlovy Vary et d’Olomouc. Et par rapport à la précédente analyse en 2006, il semble que ce soient surtout ces localités rurales ou plus petites qui se sont développées. »
Dans la région de Karlovy Vary, en Bohême de l’Ouest, le nombre de ces localités défavorisés a triplé en l’espace de neuf ans pour s’élever actuellement à un peu plus de soixante. Mais dans la région voisine de Plzeň (Pilsen), en Moravie du Sud et en Moravie-Silésie, le taux d’évolution entre 2006 et 2014 a aussi été de 2,5. Prague, qui est l’une des régions urbaines les plus riches de l'Union européenne en termes de PIB par habitant en parité de pouvoir d’achat, affiche l’indice le plus faible (1,17) avec sept localités défavorisées, soit seulement une de plus que lors de l’analyse précédente.
Par localité défavorisée, les auteurs de l’analyse considèrent tout endroit dans lequel vit un minimum de vingt personnes en situation de détresse. Il s’agit d’une population le plus souvent dépendante des allocations sociales, au chômage, endettée ou encore possédant un faible niveau d’instruction. La ministre du Travail et des Affaires sociales, Michaela Marksová, a été contrainte de reconnaître que, dans l’ensemble, la situation de cette catégorie de la population se détériorait et que le fossé entre les pauvres, de plus en plus nombreux, et les riches continuait de se creuser. Un aveu d’échec pour l’Etat et les responsables politiques, comme le sous-entend Karel Čada :« Ce constat prévaut essentiellement pour le nombre d’habitants de ces localités. Le même modèle d’exclusion se reproduit de génération en génération. Les jeunes fondent une famille dans les mêmes conditions que celles dans lesquelles ils ont grandi. Le système éducatif n’a pas été en mesure de faire évoluer et d’améliorer leur situation. Rares sont ceux qui travaillent et mènent une carrière professionnelle à l’extérieur de ces zones socialement défavorisées en trouvant une place sur le marché ouvert du travail. »
En février dernier, un rapport de l’Agence gouvernementale pour l’intégration sociale avait déjà souligné que la stratégie nationale de lutte contre l’exclusion appliquée entre 2011 et 2015 avait été un échec, avec une situation générale, pouvait-on lire, qui ne s’est « fondamentalement pas améliorée », notamment pour les Roms qui constituent la majorité de cette population. Mais, trois mois plus tard, on voit que les conditions de vie se sont aussi détériorées pour d’autres catégories, notamment les personnes sans emploi et endettées ou encore un certain nombre de retraités, qui représentent pas moins de 7% de la population de ces « ghettos tchèques ». Radek Jiránek, qui devrait être nommé nouveau directeur de l’Agence gouvernementale pour l’intégration sociale la semaine prochaine, a donc du pain sur la planche…