750 ans ! Bon anniversaire České Budějovice
750 ans, c’est déjà un bel âge. C’est celui que célèbre cette année la ville de České Budějovice, la capitale de la Bohême du Sud. Sur ordre du roi Přemysl Otakar II, son chevalier vassal Hirzo crée officiellement cette cité en l’an 1265 à la confluence de la Vltava et de la Malše. Retour aujourd’hui sur l’histoire de cette ville connue notamment sous son nom allemand « Budweis », à travers le divin breuvage qui y est produit, la bière Budweiser Budvar.
Ce n’est toutefois pas pour des considérations bucoliques que le roi Přemysl Otakar II décide de sa fondation au XIIIe siècle. Dans le cadre de sa politique de puissance, il s’agit pour lui d’assurer une route vers l’Autriche et de contrebalancer le pouvoir des seigneurs locaux de la famille des Vítkovci, à laquelle appartiennent les Rožmberk, lesquels ont marqué de leur empreinte le territoire de la Bohême du Sud. Historien à l’Institut d’histoire de l’Académie des sciences de République tchèque, Josef Žemlička explique pour la Télévision tchèque l’élévation de Budějovice au rang de ville royale :
« Les considérations de Přemysl Otakar II étaient stratégiques pourrions-nous dire. Jusqu’en 1262, il ne manifestait pas un grand intérêt pour cet espace car il entretenait de bonnes relations avec le noble Vok de Rožmberk. Mais celui-ci meurt en 1262 et Přemysl Otakar II commence à s’intéresser à cet espace. Přemysl Otakar II a choisi l’endroit de la fondation de la ville et il a choisi un fondateur très bon et expérimenté, le seigneur appelé Hircz ou Hrz ou bien Hirzo. »
Cette fondation a laissé des traces dans le plan de la ville. Elle se constitue autour d’une place de forme carrée de 133 mètres sur 133 mètres, qui porte aujourd’hui le nom de place Přemysl Otakar II, et présente une organisation quadrillée de rues rectilignes se croisant à angle droit. Le chevalier Hirzo cède des terres à des frères de l’ordre dominicain qui bâtissent à l’ouest de cet espace une église et un couvent qui ne sera achevé que deux cents ans plus tard.La cité s’entoure également rapidement de murailles, qui deviendront obsolètes au XIXe siècle quand les faubourgs de la municipalité s’étendent. D’ici là, elles auront tout de même bien servi, d’abord à protéger la ville lors des récurrents conflits entre le pouvoir central et les seigneurs locaux, en particulier les fameux Rožmberk, les maîtres de la ville de Český Krumlov, un peu plus au sud, mais également durant les guerres hussites, dans la première partie du XVe siècle. Budějovice soutient alors le roi Sigismond de Luxembourg dans sa lutte contre les « hérétiques ». Václav Bůžek est historien à l’Université de Bohême du Sud, il raconte :
« Budějovice était une ville catholique et les Hussites, basés à Tábor, un peu plus au nord, arrivaient avec de nouvelles idées. Le chef de guerre hussite Jan Žižka a tenté de prendre la ville mais n’y est pas parvenu. Il est arrivé dans les environs de České Budějovice mais il n’a jamais pu rentrer dans la ville. Lors de l’épopée hussite, České Budějovice était une ville fortifiée et elle est devenue une sorte de refuge pour quelques chevaliers qui recherchaient un abri face aux attaques du chef hussite. »Soutien décisif du pouvoir royal au sud de la Bohême, České Budějovice, idéalement située, devient de surcroît un important centre de commerce, ainsi que le développe Josef Žemlička :
« České Budějovice avait d’une certaine façon un monopole sur le sel importé depuis la Bavière puis principalement depuis le pays de Salzbourg. Le sel était une matière première très demandée déjà au Moyen Âge en Bohême. Mais la Bohême ne disposait pas de réserve de sel dont elle était dépendante de l’importation, soit depuis la Pologne avec le sel de Transylvanie, soit donc du sel de la région de Salzbourg. České Budějovice a tiré profit de sa situation géographique avantageuse et les marchands de la ville se sont donc largement enrichis. Mais il n’y avait pas seulement le sel, il y avait aussi le vin autrichien, le poisson et ainsi de suite. Dès sa fondation en tant que ville royale, České Budějovice était donc, non seulement une ville de production, mais aussi un important centre de commerce. »
Une richesse dont témoigne aujourd’hui par exemple l’entrepôt bâti au XVIe siècle et situé sur la place des Piaristes. Le bâtiment, remarquablement conservé, a servi de grenier à sel mais également d’arsenal et a été utilisé jusqu’en 1960. A peu près en même temps que cet entrepôt est construite la Tour noire, qui domine la place Přemysl Otakar II et tout le vieux centre-ville du haut de ses 72 mètres, et qui assurait une fonction de surveillance. Elle est aujourd’hui une attraction touristique et un des symboles de la ville. A la Renaissance, celle-ci profite également de la production et du commerce du minerai de fer. Sa prospérité ravive les tensions avec la famille des Rožmberk, dont les représentants tentent par exemple de s’emparer du domaine de Hluboká et de son château, à quelques encablures au nord de České Budějovice, pour affaiblir la position de la ville. La rivalité entre ces seigneurs et la ville royale est également aquacole à travers l’aménagement d’innombrables étangs dans la région.Comparativement à d’autres cités à l’échelle européenne, České Budějovice souffre relativement peu de la guerre de Trente ans, dans la première partie du XVIIe siècle. La ville, qui est alors le refuge des joyaux de la couronne de Bohême, est surtout affectée par un terrible incendie en 1641, qui détruit nombre de ses édifices de style Renaissance. Aussi, au sortir du conflit qui ensanglante le Vieux Continent, la métropole du sud de la Bohême n’a plus tout à fait le même visage. Josef Žemlička :
« Vers la moitié du XVIe siècle, il y avait probablement environ 4500 habitants à České Budějovice. Quand on regarde un siècle plus tard, il y a à peu près 3000, 3200 habitants. Donc en un siècle il y a une perte de plus de 1000 habitants. »Cela n’empêche pas České Budějovice d’être élevé au rang d’évêché et d’assurer en conséquence un rôle religieux et éducatif important dans la région. La ville accueille également une importante communauté juive, victime de persécutions notamment au début du XVIIe siècle. Il faut également mentionner les différentes nationalités, tchèque et allemande, qui cohabitent dans la cité depuis sa fondation dans des proportions probablement égales selon Václav Bůžek. Le pouvoir est toutefois d’abord concentré entre les mains de familles d’origine allemande, même si les Tchèques prennent peu à peu de l’importance.
Dans la cadre de la domination des Habsbourg en Europe centrale, České Budějovice est d’ailleurs significativement tourné vers Linz et la Haute-Autriche. Son économie se développe dans ce sens. C’est ce dont témoigne la mise en service en 1832 de la première ligne de chemin de fer hippomobile en Europe entre les deux villes suscitées. L’industrialisation est en marche avec le transfert par exemple depuis Vienne de l’usine de fabrication de crayons Koh-i-noor ou évidemment avec la production de bière, la Samson et bien sûr la Budweiser Budwar qui jouit d’une renommée internationale, peut-être liée en partie au conflit commercial séculaire avec la marque américaine Budweiser. Le dynamisme économique de la ville a aussi été favorisé par la concurrence qui pouvait régner entre Allemands et Tchèques. Josef Grulich, de la Faculté de philosophie de l’Université de Bohême du Sud, poursuit :« En fait, lors de la création de la Tchécoslovaquie, Tomáš Garrigue Masaryk traverse České Budějovice lors de son retour dans sa patrie. Il y effectue même une visite le 20 décembre 1918. Il y est bien accueilli d’autant plus qu’il y a eu en octobre un changement des représentants de la ville qui permet à la partie tchèque de jouer les premiers rôles. En ce qui concerne les relations entre les Tchèques et les Allemands, je dirais qu’elles ont toujours été très correctes. C’est ce qu’illustre le « pacte de České Budějovice », qui était une tentative de se mettre d’accord sur les questions relatives à l’administration de la ville ou à l’éducation. »Selon Josef Žemlička, l’Université de Bohême du Sud, fondée en 1991, est d’ailleurs bien plus orientée vers le monde germanique, la Haute-Autriche et la Bavière, plutôt que vers le reste de la Bohême. Cet isolement géographique au sud de la République tchèque explique d’après lui le fort conservatisme qui règnerait sous ces latitudes.