Environnement : les ONG craignent la facilitation de travaux de construction illégaux
Le Sénat a approuvé, la semaine dernière, un amendement à la loi portant sur l’évaluation des impacts environnementaux, ladite « EIA ». Les députés seront prochainement amenés à se prononcer sur cette nouvelle version du texte examinée de près également par la Commission européenne. En effet, son approbation constitue une des conditions préalables à la signature de l’accord avec la République tchèque qui permettra de débloquer les fonds structurels pour la période 2014-2020. Néanmoins, les organisations environnementales craignent que la nouvelle législation facilite les réalisations de travaux illégales et entrave le contrôle démocratique sur le processus.
Cette restriction est contraire à la convention d’Aarhus sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement, signée par la République tchèque en 1998. En vertu de cette convention, chaque individu a le droit de faire valoir ses objections. La loi « EIA » n’accorde pas ce droit à titre individuel, pas plus à ceux qui sont directement touchés par la décision d’entreprendre des travaux de construction ou non. Ainsi, les habitants d’une maison n’ont pas automatiquement le droit de s’exprimer dans le cadre de l’élaboration d’une étude d’impact pour un bâtiment voisin.
Les conclusions tirées de ce processus permettent également de faire appel auprès des tribunaux. Sur ce point également, la nouvelle loi incorpore plusieurs nouveautés :
« L’amendement à la loi introduit une bonne chose : elle limite à 90 jours le délai au cours duquel le tribunal administratif doit se prononcer sur un appel contre une décision relative à un projet de construction. Jusqu’alors, on devait attendre parfois plusieurs années pour avoir les décisions judiciaires en première instance. La nouvelle mesure devrait sensiblement accélérer le processus. »
L’efficacité est le mot d’ordre de ce projet de loi. Néanmoins, les ONG redoutent que la formulation actuelle du texte ouvre la voie à la légalisation des constructions illégales, justement au nom de l’efficacité du contrôle judiciaire. Si un acteur porte plainte contre le déroulement de l’EIA, le tribunal se saisira du dossier mais les autres étapes du processus telles que la demande d’autorisation de construction continueront en parallèle. La Commission européenne a critiqué la République tchèque pour cette situation qui se traduit dans la pratique par un déni de justice, car même si le tribunal finit par annuler l’autorisation de construction, il se peut que le bâtiment soit déjà construit. Le promoteur immobilier sort alors impuni.Pour éviter ces travaux au noir, le projet de loi a prévu l’arrêt automatique de toute procédure administrative ou des travaux de construction lorsque le dossier est traité en justice. La Chambre des députés a limité cet arrêt aux cas de figure où la poursuite des procédures administratives aurait des conséquences irréversibles. Et les sénateurs ont ajouté un complément : il faut des conséquences irréversibles pour l’environnement. Cet ajout qui peut paraître mineur signifie que les juges seront désormais obligés de solliciter un rapport d’expertise afin d’évaluer les conséquences pour l’environnement, un acte couteux et long. Du moins, c’est ce que craignent les ONG. Paradoxalement donc, l’amendement à la loi, qui réagit à une critique de la part de la Commission européenne et sur lequel les députés seront amenés à se prononcer dans les prochains jours, pourrait aboutir à un déni de justice à cause duquel il fallait modifier le texte initial.