Večerníček, aux côtés des grands et des petits depuis 50 ans
La télévision publique tchèque commence à émettre en République socialiste tchécoslovaque le 25 février 1954. Dès 1963, une émission de contes destinés en premier lieu aux plus petits et intitulée « Miroir argenté » (Stříbrné zrcátko) fait son apparition sur les petits écrans. Diffusé d’abord une fois par semaine, ce programme prend le nom de « Večerníček » en 1965, nom dérivé du mot « večer », le soir. Quatre ans seulement après la première diffusion de Večerníček, le nombre de téléviseurs dans le pays franchit la barre du million et Večerníček devient un programme culte dans tout le pays. Et depuis 1973, Večerníček berce les enfants tchèques avant leur sommeil tous les soirs.
Pour Lukáš Jiřička, créateur de compositions radio, la musique accompagnant Večerníček est très significative de l’époque des années 1960. Lukáš Jiřička s’explique :
« Nous y entendons le son d’un vibraphone, ainsi qu’une flûte traversière et un orgue électronique, qui était difficilement accessible à l’époque. »
Dans ce générique d’un peu moins d’une minute, Večerníček descend du ciel étoilé en tourbillon, s’incline en ôtant son chapeau en papier journal et monte les escaliers tout en distribuant des feuilles de papier, représentant très probablement les différentes histoires avec lesquelles il s’apprête à enchanter les jeunes spectateurs. Puis, il se jette dans le vide et atterrit sur un cheval à bascule, qui se transforme en voiture puis en monocycle. C’est alors qu’il s’arrête, une dernière page blanche à la main, et l’animation commence. Jan Simon, fils du compositeur Ladislav Simon et pianiste à l’Orchestre symphonique de la Radio tchèque évoque la pérennité du générique de la façon suivante :« L’idée musicale est tellement typique et pourtant elle contient un élément unique en son genre. Si vous demandez à n’importe qui de chanter ou de reproduire la musique sur un instrument de musique, il vous dira que c’est très difficile. En fait, il semble qu’il est impossible de mémoriser la mélodie. C’est peut-être du fait de sa complexité que la mélodie est si symptomatique, car lorsqu’un enfant se trouve dans la chambre à côté et ne voit pas la télévision, la mélodie est tellement exceptionnelle qu’elle arrive à l’attirer devant l’écran. »
Dessiné par Radek Pilař, qui est notamment l’auteur du fameux dessin animé « Le bon brigand Rumcajs » (O loupežníku Rumcajsovi), le personnage de Večerníček continue de symboliser selon Miloš Zvěřina, l’actuel dramaturge de la chaîne pour enfants « Déčko » de la télévision tchèque, la découverte d’un monde imaginaire et animé. Il a fait savoir pourquoi Večerníček était un phénomène si important :« Il continue d’apporter quelque chose qui se situe entre le conte de fées, le rêve et un messager apportant de bonnes nouvelles. Il demeure un phénomène peut-être justement parce qu’il a réussi à se maintenir et n’a pas cessé de prendre une place toujours plus importante dans le cœur des enfants. Il faisait irruption dans les foyers et est devenu en quelque sorte un élément d’harmonisation. Je crois qu’il est possible de constater que Večerníček est le meilleur lien intergénérationnel. »
Les bonnes nouvelles, ce sont précisément les séries animations télévisées diffusées après ce générique. L’un des premiers contes d’animation télévisés « Kluk a kometa – Le garçon et la comète » est régulièrement diffusé à la télévision tchécoslovaque à partir de l’année 1965, mais sans être encore précédé de Večerníček. Ce n’est qu’avec la série d’animation « Le petit fantôme de la télévision » (« O televizním strašidýlku »), diffusée quelques mois plus tard, que Večerníček, issu donc du pinceau de Radek Pilař, deviendra indissociable du générique de l’émission du soir pour enfants. Si au départ, la plupart des Večerníček présentaient des contes joués par de vrais acteurs, au total près de 300 séries d’animation seront spécialement conçues pour le programme. Parmi les plus célèbres figurent « Krkonošské pohádky – Les contes de Krkonoše », la seule série entièrement jouée par des acteurs, puis « O loupežníku Rumcajsovi – Le bon brigand Rumcajs », « Maxipes Fík - Le grand chien Fík » ou « Pohádky z mechu a kapradí – Les contes de la mousse et de la fougeraie ». A propos de cette dernière animation, qui date de 1968, l’actrice Jiřina Bohdalová, qui a doublé la voix des deux personnages principaux incarnés par des lutins, ainsi que la voix de tous les autres personnages de l’histoire, a précisé comment cette animation a pris forme :« Le lutin Vochomůrka est un petit peu plus godiche et plus gros, tandis que le lutin Křemílek est plus moralisateur. Je m’étais alors inventée une voix différente pour les deux. Le réalisateur Zdeněk Smetana m’a également indiqué les caractéristiques des autres personnages, dont j’avais aussi imaginé les voix. Nous les avons enregistrées, et ce n’est qu’après enregistrement qu’ils ont procédé à la réalisation des dessins. Donc, de la même façon que les spectateurs, j’ai été curieuse lorsque l’animation a été diffusée à la télévision, car je ne la connaissais pas. » Mais la plus longue série télévisée d’animation jamais réalisée, avec notamment la collaboration du grand illustrateur tchèque Vladimír Jiránek, a été celle des deux lapins, Bob et Bobek, avec un joli tableau de chasse de 91 épisodes.A la question de savoir quels sont les critères nécessaires pour continuer à maintenir sans difficultés le poétisme, ce trait de caractère propre au Večerníček, le dramaturge du canal « Déčko » de la télévision tchèque Miloš Zvěřina a dévoilé :
« Les critères sont toujours les mêmes depuis 50 ans : un motif littéraire de qualité, une écriture artistique originale et un point de vue original du réalisateur. »
Par-delà les frontières tchèques et slovaques, ce sont surtout deux animations qui ont remporté un succès international. C’est avant tout la série télévisée d’animation « O krtkovi - La petite taupe ou Taupek » créée par l’illustrateur Zdeněk Miler, qui a fait le tour du monde. Le premier épisode, intitulé « Jak krtek ke kalhotkám přišel » (« Comment Taupek a confectionné son pantalon ») est sorti en 1957. Les épisodes suivants ont été produits entre 1963 et 2002 par la société tchèque Krátký Film Praha. Très populaire en Tchécoslovaquie, la série a principalement été exportée en Allemagne, en Pologne et au Japon, mais a connu par la suite le succès dans le monde entier, et donc également en France. Ce succès est notamment dû à Zdeněk Miler lui-même lequel souhaitant que ses dessins animés soient compris dans le monde entier, a décidé de réduire à de très courtes exclamations et onomatopées les dialogues de ses personnages.Si à l’heure actuelle, c’est la petite-fille de Zdeněk Miler, qui est la détentrice des droits d’auteur du plus célèbre des personnages animés tchèques, précisons que Taupek, la petite taupe, sera la mascotte des championnats d’Europe en salle d’athlétisme qui se tiendront à Prague du 5 au 8 mars prochains.
La deuxième série télévisée d’animation qui a obtenu une renommée internationale a été celle de « Pat a Mat », traduite en français par « Pat et Mat, les petits bricoleurs ». Créée en 1976 par Vladimír Jiránek et Lubomír Beneš, cette série relate les aventures de deux petits bricoleurs, qui, malgré leur maladresse, trouvent toujours une solution à leurs problèmes, et semblent définitivement satisfaits du résultat.Avec le temps, Večerníček devient alors le programme le plus prisé de la télévision tchèque en matière de vente. Il a gagné alors encore davantage en renommée internationale, lorsqu’il a été acheminé vers des pays tels que l’Australie, la Malaisie, l’Indonésie, l’Islande, le Zimbabwe et récemment la Chine, où il est revenu sur le petit écran en 2012, après dix ans d’absence.
Tout au long du mois de janvier, le deuxième canal de la télévision publique ainsi que le canal « Déčko » offriront tous les soirs aux plus jeunes spectateurs, l’ancêtre du programme Večerníček, à savoir de courtes histoires du début des années 1960, à commencer par les aventures du robot Emil. Créée en 1960, cette série comique familiale très populaire raconte les péripéties du robot Emil, constamment accompagné d’une pléthore d’amis issus à la fois du monde humain et du monde animal. Le robot Emil ne parvient toutefois pas toujours à concrétiser ses bonnes intentions. Mais à chaque fois c’est sa perspicacité et sa bonté qui l’aident à trouver un terrain d’entente entre tous les personnages. A propos de la rediffusion de ces anciens dessins animés, le dramaturge Miloš Zvěřina tient à préciser :« Tout le personnel de la chaîne « Déčko » et moi-même, nous espérons que cette collection de Večerníček, pour la plupart en noir et blanc, captivera l’attention des enfants. D’un autre côté, il s’agit d’animations et de souvenirs quelque peu nostalgiques pour les parents et les grands-parents, mais en même temps, de par leur qualité, ces animations vont certainement faire impression sur les plus jeunes spectateurs. En ce qui concerne la sélection, nous y trouvons des joyaux absolument fantastiques, qui n’avaient pas été diffusés depuis des dizaines d’années. » Si les dessins animés des Večerníček étaient par le passé dessinés par des illustrateurs de renom tels que Jiří Šalamoun, Zdeněk Smetana (lequel a été récompensé pour l’ensemble de sa carrière en 2014 à Třeboň au festival international d’animation Anifilm), ou aussi les susmentionnés Zdeněk Miler et Vladimír Jiránek, la nouvelle génération pointe le bout de son nez. Miloš Zvěřina développe :« Je crois que Večerníček peut prétendre avoir des adeptes, des auteurs, qui sont au niveau. Parmi les différents réalisateurs et dessinateurs, je pourrais nommer, par exemple, Cyril Podolský, Bára Dlouhá, Galina Miklínová, Jan Balej, Lucie Štamfestová, et je pourrais continuer. Ce que je veux dire par cette pléiade d’auteurs de la jeune génération, c’est que Večerníček continue à être un aimant, et ce non seulement pour les enfants, les parents, mais aussi pour les créateurs. »