La Tchéquie finalement prête à accueillir une poignée de réfugiés syriens
Malgré ses réticences initiales liées à de prétendues raisons de sécurité, le gouvernement a accepté le principe d’accueillir en République tchèque environ quinze familles de réfugiés syriens, dont des enfants malades ou blessés, pour un total d’environ 70 personnes. Une décision que d’aucuns jugent peu satisfaisante, notamment ceux qui considèrent que le pays pourrait faire preuve de plus de solidarité, au regard de l’effort consenti par d’autres pays européens.
« Au regard du fait qu’à l’heure actuelle environ 3,5 millions ont fui la Syrie, l’accueil de quinze familles et de leurs enfants est très certainement un joli geste de solidarité mais la capacité et les possibilités de la République tchèque sont clairement plus importantes. »
Tandis que l’Allemagne et la Suède acceptent à tour de bras les demandes d’asile de dizaine de milliers de réfugiés syriens ayant fui le conflit qui affecte le Proche-Orient depuis 2011, la République tchèque traite avec réticence les quelques centaines de dossiers qui lui sont adressés chaque année, 82 exactement entre janvier et novembre 2014 en ce qui concerne le cas spécifique des Syriens. Il faut dire que les réfugiés n’ont la possibilité de déposer leur demande qu’auprès d’un seul Etat de l’Union européenne et ils se tournent logiquement vers les pays disposés à les accueillir.
La même réserve s’est exprimée vis-à-vis du programme MEDEVAC, la République tchèque ayant un temps annoncé son refus de participer pour la Syrie à ce programme d’évacuation sanitaire. Des médecins tchèques y sont cependant engagés. Mardi, le gouvernement, pressé par ses partenaires européens de participer à l’effort collectif, est revenu sur sa décision avec ce geste symbolique de prendre en charge quinze familles syriennes et notamment des enfants blessés ou malades ne pouvant être soignés dans le camp de réfugiés jordanien où ils sont actuellement. Une possibilité doit leur être offerte de rester s’établir en République tchèque.Les autorités tchèques ont justifié leur peu d’empressement par des capacités d’accueil soi-disant limitées et par l’éventuelle menace à la sécurité nationale que pourraient constituer ces réfugiés, des craintes que certains n’ont pas hésité à agiter en mobilisant les attentats parisiens de la semaine passée. Tout devrait donc être fait pour s’assurer que ces familles et leurs enfants ne présentent pas un danger pour la République tchèque, selon le ministre de l’Intérieur Milan Chovanec :
« Nos services secrets travaillent en collaboration avec des services d’où proviennent ces gens. Nous recevons de la sorte une première série d’informations. Nous avons des représentants de nos administrations et bien sûr le Service de renseignement de sécurité (BIS). Cela signifie qu’à partir de toutes ces sources disponibles, nous allons examiner les membres des familles de ces enfants, c’est-à-dire les adultes. Nous voulons éliminer tout risque pour notre sécurité. Nous souhaitons accueillir des personnes sans problèmes qui ont réellement besoin d’aide et qui ne constituent pas une menace pour la République tchèque. »Cette menace est par exemple brandie par le chef de l’Etat Miloš Zeman, qui juge « malheureuse » la décision gouvernementale et préfèrerait que l’Etat tchèque aide financièrement les réfugiés sans pour autant les accueillir. Le plan tchèque validé mercredi comporte justement aussi un volet financier de l’ordre de 100 millions de couronnes (plus de 3 millions d’euros) chaque année pour l’action humanitaire.
Le débat va maintenant être porté devant la Chambre des députés et les deux partis d’opposition classés à droite ont des analyses radicalement opposées de la situation. Le parti civique démocrate ODS s’inquiète de la possibilité offerte à ces enfants et à leurs familles de s’établir en République tchèque. La formation conservatrice TOP 09 considère au contraire que le pays a la capacité d’accueillir plusieurs centaines de réfugiés. C’est la position de son président Karel Schwarzenberg, qui appelle par ailleurs à une véritable politique migratoire européenne :
« Nous chipotons pour une poignée de familles syriennes. C’est ridicule pour des pays riches comme l’est la République tchèque quand on connaît les conditions de vie dans les camps de réfugiés en Turquie, en Jordanie ou au Liban, dans quelle misère ces malheureux doivent vivre. C’est pourquoi nous serions avisés d’être moins égoïstes. »Martin Rozumek, de l’Organisation d’aide aux réfugiés, rappelle lui que la République tchèque a été capable par le passé d’accueillir 3500 Bosniaques et plusieurs milliers de Kosovars, une expérience sur laquelle il est possible de s’appuyer.