La politique étrangère selon Miloš Zeman
Certains domaines de politique étrangère ne font pas l’unanimité entre le président tchèque Miloš Zeman et la coalition gouvernementale. Une divergence de vues concerne notamment les sanctions européennes contre la Russie. Cette ambiguité, le sens et les incidences de ces sanctions sont le sujet de nombreuses observations dans la presse, dont nous avons retenu quelques exemples. Nous vous présenterons également quelques détails au sujet d’un nouveau documentaire qui se veut de brosser un portrait inédit de l’ex-président tchèque Václav Havel.
« Il a toujours été difficile de corriger Miloš Zeman. C’est un homme politique autonomne qui a ses propres opinions, qui dit et qui fait ce qu’il veut. L’argent n’a pas de pouvoir sur lui... Le problème, c’est lorsque cet homme politique têtu entre sur le terrain fragile de politique étrangère. On sait que Miloš Zeman se prend pour un Européen convaincu, ce qu’il a d’ailleurs confirmé de façon éloquente en faisant hisser au Château de Prague, peu après son élection, le drapeau de l’Union européenne. Invité habituel aux réceptions organisées par l’ambassade russe, il montre en même temps qu’il ne fait pas partie de ceux qui voudraient dresser un haut mur entre l’Europe et la Russie ».
Lukáš Jelínek indique également que Miloš Zeman se sent proche des chefs des républiques postsoviétiques, pour la plupart autoritaires, en région asiatique. Un espace géopolitique qui semble l’inspirer par ses éventuelles perspectives économiques. L’auteur de l’article s’interroge dans ce contexte jusqu’où peut aller et ce que peut accepter un Etat qui défend les principes des droits de l’homme. De même, le politologue rappelle que Zeman, qui dénonce souvent les actes terroristes, a tendance à mélanger le terrorisme et l’islam, ce qui a donné lieu, à plusieurs reprises, à des protestations des ambassadeurs des pays arabes à Prague. Ceci semble rendre également plus difficiles les efforts du cabinet Sobotka visant une approche plus nuancée du conflit palestino-israélien. A ce sujet, Lukáš Jelínek remarque :
« Les rencontres entre le président Zeman,le chef de gouvernement, Bohuslav Sobotka, et les ministres des affaires étrangères et de la défense, en vue de l’harmonisation de leurs positions, sont assez fréquentes. Ceci dit, ces derniers se voient parfois surpris. Ils l’ont été, par exemple, lorsque Miloš Zeman est arrivé au sommet de l’OTAN avec un dossier relatif au chef de la diplomatie russe, Lavrov, ou encore lorsque le président a participé à Rhodes au forum Dialogue des civilisations, organisé par Vladimir Yakounine, l’homme qui figure sur la liste des personnes soumises aux sanctions émises par les Etats-Unis. »
Selon l’auteur du commentaire, c’est principalement le gouvernement qui est appelé à articuler la politique étrangère, même si le président de la République représente notre Etat à l’extérieur. Lukáš Jelínek conclut :
« Admettons que dans certaines questions, Miloš Zeman puisse avoir raison. Mais avant de présenter ses positions ailleurs, il devrait d’abord en convaincre les politiciens et les citoyens dans son propre pays ».
Les sanctions européennes: un point de discorde
Les sanctions européennes à l’égard de la Russie ont-elles un bien-fondé ou pas? Voilà la question que soulève un article publié sur le site de l’hebdomadaire Respekt dans lequel son auteur Jana Klímová met en relief l’ambiguité de la position de la représentation tchèque qui a été une nouvelle fois confirmée ces derniers jours. Elle écrit :
« Dans un discours prononcé à la conférence de Rhodes organisée par l’oligarque russe Vladimir Yakounine, le président Miloš Zeman a déclaré, en langue russe, que ces sanctions n’avaient aucun sens. D’un autre côté, le chef de la diplomatie, Lubomír Zaorálek, a dit ce mardi, lors d’une conférence de presse, que celles-ci avaient un sens émettant sa conviction qu’elles ont contribué à l’arrangement de paix entre l’Ukraine et la Russie. »
A chacun de choisir ce qui bon lui semble, estime l’auteur du texte tout en ajoutant que les données économiques présentées par le ministre Zaorálek montrent que durant le premier semestre, le durcissement de la position de l’Europe à l’égard de la Russie n’a pas eu d’incidences dramatiques sur le commerce tchèque. Et même si le deuxième semestre risque d’être moins favorable, dans la mesure où les sanctions resteront en vigueur, il ne faut pas s’attendre à des chiffres catastrophiques. Ce sont en revanche les exportations vers l’Ukraine qui ont connu, durant les six premiers mois de l’année, une baisse de 30%. Dans ce contexte Jana Klímová écrit :« A titre d’illustrations, il est bon d’indiquer que durant la même période, les 80% des exportations locales sont allées vers les pays de l’Union européenne, l’Allemagne voisine jouant parmi eux un rôle clé... Le commerce n’est pas évidemment l’unique aspect de la question, mais il est bon de le souligner et de le prendre en considération avec le fait que la Tchéquie privilégie les exportations. »
Dans un texte publié dans l’édition de ce mercredi du quotidien Lidové noviny, l’historien Petr Luňák remarque pour sa part que les sanctions antirusses ont non seulement un sens, mais qu’elles sont également efficaces, dans la mesure où elles visent les secteurs financier, énergétique et de défense de la Russie. Il considère cependant, nous citons :
« Le but des sanctions et de l’isolement politique n’est pas pour autant, en premier lieu, de punir la Russie, mais de la pousser à changer son comportement qui sape l’arrangement qui existe en Europe depuis la fin de la guerre froide... Finalement, les sanctions ont aussi une importance dans la mesure où elles sont l’expression de la solidarité et de l’appui à l’Ukraine. Y renoncer ne ferait que confirmer que l’Occident est effectivement cette masse corrompue, perfide et incapable d’agir, l’image que le président Poutine cherche à imposer aux Russes et aux Ukrainiens ».
Un nouveau documentaire sur Václav Havel bientôt à l’écran
La famille, l’enfance, les amours, la création dramatique, les activités politiques. Tels sont les points de mire d’un nouveau film documentaire « La vie selon Václav Havel », dans lequel la réalisatrice tchéco-française Andrea Sedláčková veut présenter Havel comme « un intellectuel rebelle, un homme à femmes aimant la vie, un admirateur de l’underground et des rockers ». A quelques semaines de la sortie du film en salle prévue pour le 20 novembre, le quotidien Lidové noviny a cité son porte parole, Martina Reková qui a précisé :« A ce jour, il existe une très grande quantité d’images cinématographiques de Václav Havel. Toutefois, il n’existe aucun film biographique saisissant l’histoire de toute la vie de ce grand Européen. Or, dans ce film, le conteur principal du film, c’est Václav Havel lui-même, dont la vie est présentée au spectateur sous forme d’images et de photos de son enfance, de son service militaire, de ses débuts théâtraux, de ses activités de dissident et de son mandat présidentiel. A souligner la présence d’un commentaire personnel de la réalisatrice ainsi que l’absence de commentaires de témoins et d’historiens ».
La réalisatrice Andrea Sedláčková qui a connu Havel en été 1989, peu avant son émigration à Paris, s’est également confiée au journal :
« Les premiers deux tiers du film sont pleins de bouleversements dramatiques découlant du simple fait que la période de la jeunesse et de l’adolescence est souvent plus intéressante que la période où l’on ramasse les fruits et où on quitte au fur et à mesure la scène. Le plus difficile, c’était effectivement de saisir la période présidentielle et sa fin avec pour point culminant la réalisation par Václav Havel du film Sur le départ (Odcházení). Il est compliqué de reproduire ce que l’on a encore en vive mémoire ».
Le nouveau film biographique brossant le portrait de Václav Havel et lequel veut s’adresser dans une grande mesure au jeune public a été coproduit par la Télévision tchèque et la chaîne ARTE, qui l’a programmé pour le 16 novembre.