« Les écrivains ont toujours cette image magique de Prague qu’ils connaissent grâce aux livres »
José Saramago, Harold Pinter, Herta Müller, Nadine Gordimer, Wole Soyinka, Gao Xinjiang, Derek Walcott, Orhan Pamuk pour ne citer que les prix Nobel, et biens d’autres encore… Les auteurs de renom passés à Prague depuis 1990 ont été nombreux. Si la liste est trop longue pour les citer, tous ont cependant un point commun : avoir été invités dans le cadre du Festival de Prague des écrivains. Longtemps événement culturel et intellectuel de première importance en République tchèque, l’existence du festival est néanmoins aujourd’hui menacée par le désengagement financier des institutions publiques. Une dure réalité économique qui, malgré tout, n’empêche pas les organisateurs de continuer à mettre sur pied un programme digne de la riche histoire du festival. Son directeur-adjoint, Guillaume Basset, explique pourquoi et comment:
Parmi les invités de marque du festival cette année, Svetlana Alexievitch début novembre…
« Oui, un auteur infiniment politique. Ce n’est pas une écrivaine au sens traditionnel du terme, car elle n’est pas romancière ou poète. Elle écrit essentiellement des essais sur la situation en Russie et en ex-URSS. Svetlana Alexievitch est absolument dans l’actualité, car elle écrit sur Vladimir Poutine dont on ne peut pas dire qu’il se fasse discret sur la scène internationale. Svetlana Alexievitch est d’autant plus dans l’actualité qu’elle est biélorusse, mais que l’un de ses parents est ukrainien. C’est donc une question qui la touche tout particulièrement et elle aura bien évidemment beaucoup de choses à dire sur la situation actuelle. »On ne peut pas ne pas en parler : cette année encore, le festival se limite à deux jours et demi au lieu d’une semaine auparavant. Alors, comment se porte-t-il ?
« Pas très bien, il n’y pas lieu de mentir. Nous avons souffert l’année dernière d’une coupe de 90% dans notre budget. La décision a été prise par la mairie de Prague qui était notre partenaire principal. Les réductions de budget, tout le monde y est habitué, mais 90%, vous imaginez bien… C’est quasiment un coup de grâce. Malgré cela, nous sommes parvenus à sauver le festival et à avoir Orhan Pamuk en 2013. Un festival coupé de 90% qui invite quand même un prix Nobel de littérature, ça ne se produit pas souvent… »
« Cette année, nous avons failli ne pas organiser le festival. La décision a été prise à la dernière minute grâce notamment au soutien du Sénat et aussi en fin de compte de Tomáš Hudeček, l’actuel maire de Prague, qui a réalisé un peu tardivement l’importance du festival pour revenir à de meilleurs sentiments, et ce même si la situation reste toujours nettement moins bonne qu’elle ne l’était il y a quelques années. Nous sommes passés d’un festival d’une semaine avec quatorze auteurs à un festival en deux temps avec deux jours pour cinq auteurs marocains et un autre pour Svetlana Alexievitch. La survie du festival est donc toujours en jeu et menacée. Pour autant, nous continuerons à nous battre pour qu’il continue à exister. En tant qu’amoureux de la littérature et des idées, j’aimerais que cela soit le cas. Je pense que c’est essentiel qu’il y ait dans un pays un tel genre de débat d’idées et de découverte d’auteurs différents. Et je pense que nous y arriverons ! »