Karlovy Vary: « A l'époque il fallait récompenser les cinéastes des pays frères »
Jan Švankmajer, William Friedkin, Zdeněk Svěrák, Laura Dern : du beau monde à Karlovy Vary en cette fin de semaine, en attendant le palmarès et la clôture samedi soir de la 49è édition de ce festival qui a connu des heures moins fastes. « Pendant plus de quarante ans, le festival a été organisé sous la pression de la situation dans la Tchécoslovaquie socialiste », peut-on lire sur le site officiel du festival. Retour sur ces années avec un expert en la matière, Jean Roy, le Monsieur cinéma du quotidien communiste français l’Humanité et président honoraire de la Fédération Internationale de la Presse Cinématographique (FIPRESCI).
« Je suis venu un peu plus tard que ma première visite de ce festival à Moscou, à l’époque où le festival de Karlovy Vary était organisé une fois sur deux à Moscou. »
Qu’est-ce qui a le plus changé depuis vos premières visites ?
« Ce qui a changé, c’est qu’à l’époque les choses étaient un peu plus arrangées. Il fallait absolument donner un prix à tel cinéaste d’un pays frère – un cinéaste russe par exemple… Un des avantages – le seul peut-être de l’économie de marché – est qu’il y a un peu plus de liberté pour le choix des films qui sont montrés en compétition.»
Comment couvrait-on à l’époque – comme vous le faisiez déjà pour l’Humanité - un festival où les prix étaient distribués aux films de manière arbitraire ?
« Eh bien on expliquait qu’ils étaient bons… Bon, il y avait un peu une règle du jeu – d’abord il s’agissait de dire du bien du festival, sinon on n’était pas invité la fois suivante. En revanche, je dois dire qu’on avait des avantages : j’ai connu une époque où tout le monde voyageait avec ČSA en première classe. C’est moins vrai aujourd’hui… »Avez-vous des souvenirs d’artistes français que vous avez accompagnés ici ?
« Bien sûr, je me souviens, entre autres, être venu ici avec toute l’équipe de L’année dernière à Marienbad (film d’Alain Resnais sorti en 1961, ndlr). Nous sommes allés à Marianske Lazne (le nom tchèque de la ville de Marienbad) et on a même envoyé une carte postale à l’actrice Delphine Seyrig, disant ‘Ici, plus personne ne se souvient de toi’ - une blague bien sûr car le film avait été tourné en Bavière et non en Bohême… Nous buvions les eaux de cette station thermale, mais plus souvent de la Becherovka.»
Vous couvrez encore aujourd’hui l’actualité du cinéma pour l’Humanité. Est-ce que dans un pays comme la République tchèque, où les jeunes sont parfois très anticommunistes, on vous regarde de travers ?
« Je n’y suis pas officiellement regardé de travers. D’ailleurs, je suis invité au festival, je ne m’en cache pas. Donc, ce sont eux qui tiennent à m’avoir ici. Ce qui a changé, ce sont les générations de réalisateurs. Quand on a connu Forman, Menzel, Chytilová et tous les autres grands cinéastes tchèques, aujourd’hui ce ne sont plus les mêmes. Mais on voit toujours ces grands dans les spots du festival projetés avant chaque film, c’est un des classiques de Karlovy Vary. »