Karlovy Vary: « Le festival de Cannes de l'Est »
La première semaine de juillet est traditionnellement consacrée au septième art en République tchèque, avec le festival international du film de Karlovy Vary. Strasses, paillettes, stars internationales, vedettes locales mais surtout un public et des films, beaucoup de films qui permettent d’avoir un aperçu de ce qui sera distribué - ou pas - en salles dans les prochains mois. Petit tour aujourd’hui à Karlovy Vary au gré de rencontres entre le grand hôtel Pupp et l’hôtel Thermal.
Une voix française, reconnaissable entre toutes, sur des crépitements de flashs - Fanny Ardant a fait un passage remarqué cette année à Karlovy Vary. Actrice passée derrière la caméra, elle est venue y présenter son film, Cadences obstinées, qui ne faisait pas partie cette semaine des long-métrages les plus appréciés et recommandés sur la colonnade et dans les couloirs de l’hôtel Thermal, le centre névralgique du festival où se croisent entre autres cinéastes, producteurs et distributeurs, comme Paco Poch, venus de Barcelone pour trouver à Karlovy Vary des films européens à distribuer en Espagne :
« Je cherche surtout des films européens, des films d’Europe orientale et d’Asie centrale. L’ensemble du choix est très bon. Quand on voit le catalogue on se dit qu’il faudrait rester dix jours et non cinq… Cette année j’ai déjà vu plusieurs films que je veux prendre : le film géorgien Corn Island, dont je connaissais le scenario à l’avance, un film autrichien Amour fou et peut-être un film italien aussi Le Meraviglie (The Wonders) si jamais il n’est pas déjà pris pour l’Espagne. Le choix est difficile, et surtout il faut après rentabiliser les films qu’on choisit, ce qui n’est pas facile en ce moment en Espagne... »
Une des sections parallèles du festival de Karlovy Vary est celle des critiques du magazine Variety, consacrée au cinéma européen. Une dizaine de films, dont Qui vive, le premier, très remarqué, de la Française Marianne Tardieu, qui l’a présenté quelques semaines plus tôt à Cannes :
« J’avoue que c’était plus stressant à Cannes, c’était sur un temps plus court par rapport à Karlovy Vary et c’était beaucoup d’un coup au tout début du film. A Cannes cela s’est passé aussi bien que possible, en tout cas mieux que je l’imaginais. Il y a tellement de films montrés que d’arriver à exister c’est déjà énorme. En plus on a eu des très très bons retours dans la presse, du public et des exploitants aussi. Le fait d’être à Cannes a déclenché d’autres festivals, La Rochelle la semaine dernière, aujourd’hui Karlovy Vary et dans quelques jours au festival Paris Cinéma. C’est un beau début assez inespéré pour un petit film comme le mien et j’en suis très heureuse. »Un petit film mais avec de grands acteurs, étoiles montantes du cinéma français, Reda Kateb (Le Prophète, Zero Dark Thirthy) et Adèle Exarchopoulos (La Vie d’Adèle) :
Marianne Tardieu: « Reda Kateb, c’est vraiment son année au sens où les gens comprennent vraiment qui il est et connaissent sa valeur. Je lui avais présenté le scénario, deux ans avant le tournage, à un moment où tous les gens de la profession avaient compris que c’était un acteur formidable. Il avait donné son accord de principe et on a eu beaucoup de chances, il avait un emploi du temps terrible l’an dernier et on a tout juste eu le temps de tourner sur 25 jours entre Hippocrate et Lost River. Cette rencontre a été capitale, parce qu’assez tôt j’ai pensé à lui pour ce personnage qu’il interprète de manière formidable, en hissant le film un peu plus haut. Quant à Adèle, je l’ai rencontrée après le tournage de La vie d’Adèle mais avant la sortie à Cannes et l’événement qu’a été ce film d’Abdelatif Kechiche. On savait qu’elle allait être formidable mais en plus elle était très drôle, simple et naturelle…»
Parmi les autres films français sélectionnés cette année à Karlovy Vary, Du goudron et des plumes, de Pascal Rabaté, en compétition officielle cette fois, et très applaudi après la première, à laquelle assistait notamment Jean Roy, président honoraire de la FIPRESCI, l’association internationale des critiques de films. Jean Roy couvre le festival de Karlovy Vary pour le quotidien communiste français L’Humanité depuis de nombreuses années:« Je peux vous dire que beaucoup de grands comédiens français sont venus à Karlovy Vary, de manière officielle ou invités par un sponsor. Il faut souligner qu’Eva Zaoralová, qui dirigeait le festival et en reste la consultante artistique, parle parfaitement français. Elle est excellente pour la programmation des films français. Je pense qu’elle a eu son mot à dire sur le choix du film français en compétition, Du goudron et des plumes. Je suis convaincu que ce film de Pascal Rabaté est assez subtil pour faire allusion à une réalité que tout Tchèque ou tout étranger ne connaît pas forcément mais à laquelle elle peut être sensible. »
Pascal Rabaté connaît bien la République tchèque et Karlovy Vary. Son précédent film, Ni à vendre ni à louer, avait remporté ici le prix de la meilleure mise en scène en 2011 :
« Quelques mois après ce prix au festival de Karlovy Vary on a appris que le film avait été vendu dans quinze pays, dont beaucoup de pays de l’Est notamment, en Russie, en Géorgie, en République tchèque, en Roumanie… Je pense que le festival a eu un impact direct avec pas mal de communication autour, c’est un festival de catégorie A, le Cannes des pays de l’Est… »Deux films tchèques sont avec celui de Pascal Rabaté en compétition officielle, Fair Play d’Andrea Sedláčková et Díra u Hanušovic (Nowhere in Moravia) de Miroslav Krobot. Je suis à toi, du Belge David Lambert, et Low down, de l’Américain Jeff Preiss seraient aussi parmi les favoris avec le Géorgien George Ovashvili et son film Corn Island. Le palmarès sera dévoilé samedi prochain.