Évaluer l’activité des eurodéputés : un moyen de contrôle démocratique
Le lieu de résidence des eurodéputés, Bruxelles est souvent perçu comme un endroit abstrait, presque fictif. Le même constat est vrai pour le travail des députés qui passent leurs cinq années de mandat pratiquement sans suivi public. Les résultats des récentes élections au Parlement européen confirment le fait que les citoyens n’utilisent pas leur vote pour récompenser un député actif ou pour punir un paresseux, d’où l’intérêt de se pencher sur la récente analyse portant sur l’activité des eurodéputés tchèques. Au micro de Radio Prague, Věra Řiháčková, auteur du rapport et chercheuse au sein du think tank pragois Europeum.
« Ce lien malheureusement ne semble pas influencer le choix des électeurs, il ne semble même pas exister. Il pourrait s’établir progressivement mais pour cela, il faut multiplier les analyses de ce type pour promouvoir l’intérêt à observer le travail des politiciens car il s’agit d’un exercice de contrôle qui est nécessaire. »
Tout comme bon nombre d’autres analyses portant sur l’investissement des eurodéputés, ce rapport présente un recensement des activités des membres tchèques du Parlement de la législature 2009 – 2014. Mais par rapport aux sites internet qui font ce monitoring régulier, l’étude de Věra Řiháčková se revendique d’une approche méthodologique plus appropriée :
« Les comparaisons de ce type se font régulièrement sauf que leur méthodologie n’est pas toujours fiable, voire vérifiable. Mon rapport s’inspire de celui produit par un autre think tank tchèque « Evropské hodnoty » (« Les valeurs européennes ») mais la méthode a changé. J’ai pris en compte tous les principaux indicateurs d’activité des eurodéputés en termes quantitatifs, il s’agit donc des rapports fictifs, d’avis, d’amendements, des déclarations, des résolutions et des votes en sessions plénières. A la différence des autres analyses, j’ai procédé à une diversification entre ces indicateurs car certains sont plus importants que d’autres. »
Classée première, l’eurodéputé tchèque la plus active est donc la chrétienne-démocrate, Zuzana Roithová. Candidate à la présidentielle en 2013, elle fait exception parmi les eurodéputés tchèques car son goût pour le travail a reçu une certaine attention médiatique. Néanmoins, ni elle, ni Oldřich Vlasák du Parti civique démocrate, son successeur dans le classement, ne se sont représentés aux élections de 2014. La médaille de bronze fictive appartient à la député sociale-démocrate Olga Sehnalová, réélue au mois de mai pour un deuxième mandat. Son implication au sein du Parlement, a-t-elle pu entrer en jeu ? Věra Řiháčková nuance :« Oui, c’est vrai qu’elle était active, mais je ne crois pas que cela a été un élément clé pour sa réélection. C’était plutôt son positionnement sur la liste électorale du parti social-démocrate qui était déterminant. Or, sa place a été décidée avant la publication de mon rapport. »
Selon le rapport, l’affiliation partisane ne joue qu’un rôle mineur, tandis qu’il y a une faible corrélation entre le nombre de mandats et l’activité, et cela en faveur des députés exerçant leur second mandat. Věra Řiháčková conclut sur un paradoxe :
« Le rapport révèle que les députés qui sont le plus visibles dans les médias tchèques ne sont pas forcément les plus actifs en termes de travail parlementaire. Par exemple, l’eurodéputé Richard Falbr (classé 18e sur 22, ndlr) est très présent dans les médias, mais selon mon analyse il n’était pas très actif. »
Les comparaisons entre les différents pays de l’Union révèlent que les Tchèques sont globalement moins actifs au Parlement européen, mais Věra Řiháčková met en garde contre des conclusions trop rapides. Si les eurodéputés belges ont posé six fois plus de questions en sessions plénières que leurs homologues tchèques, ils ont aussi plus d’expérience avec l’Union en plus d’une culture de négociation très développée. Enfin, si des rapports comme celui de Věra Řiháčková attirent de plus en plus l’attention des Tchèques, les eurodéputés devront se montrer à l’avenir plus exemplaires auprès de leurs électeurs et ne pourront plus passer les cinq années à Bruxelles à l’abri des regards.