La semaine de l'éco
Retour sur l'actualité économique de la semaine écoulée.
Bilan mitigé de l’adhésion à l’UE pour l’agriculture tchèque
Depuis l’adhésion de la République tchèque à l’Union européenne, à savoir depuis mai 2004, la situation financière des agriculteurs tchèques s’est considérablement améliorée. Grâce aux importantes subventions européennes, les agriculteurs ont pu par la suite investir davantage. Néanmoins, la structure du secteur agricole tchèque a changé dans un sens négatif de façon frappante. Selon les données de l’Office tchèque des statistiques (ČSÚ), la production animale a baissé, et plus particulièrement la production de porc et de volaille. Si la culture du colza est en hausse, les pommes de terre ainsi que les plantes fourragères sont cultivées sur des zones de plus en plus petites. On assiste également à une augmentation des installations de biogaz.Selon les déclarations de l’ancien président de la Chambre agraire, Jan Veleba, l’augmentation des importations de produits alimentaires a eu pour conséquence la réduction du nombre d’animaux. De ce fait, la baisse de la production de bétail, serait liée, selon Veleba, à la réduction de l’emploi rural. Toutefois, la répartition des cultures individuelles sur les champs a subi un changement, et ce en faveur de la culture des céréales et du colza. Au contraire, la pomme de terre, la betterave et les plantes fourragères quitteraient de plus en plus les champs tchèques.
Alors qu’à l’époque de l’adhésion de la République tchèque à l’UE en 2004, le colza était cultivé dans le pays sur seulement 260 000 hectares, il l’est désormais sur 418 000 hectares. Cette croissance de la production du colza est principalement liée à son utilisation obligatoire dans les carburants, une obligation virulemment critiquée. En revanche, en 2013, les pommes de terre n’ont été cultivées que sur les deux tiers de la superficie de 2004. La superficie consacrée aux cultures fourragères a diminué d’environ 70 000 hectares, et représente actuellement 436 000 hectares.
En dix ans, le nombre de vaches, de volailles, mais surtout de porcs, a diminué de moitié. Selon les statistiques du ministère de l’Agriculture, 59% de la viande porcine consommée en République tchèque était importée ; en 2013, ce taux s’est élevé à 62%.
Le président de l’Association de l’agriculture privée, Josef Stehlík, estime qu’après l’entrée du pays dans l’Union européenne, l’agriculture tchèque a certainement amélioré sa situation. En outre, il souligne le fait que grâce aux subventions des dix dernières années, les investissements des agriculteurs ont eux aussi augmenté. Pour Stehlík, l’aspect positif peut être perçu dans les investissements dans l’aménagement du paysage rural, ainsi que dans des dispositifs anti-inondations. Toutefois, il considère le poids de la bureaucratie et le durcissement des réglementations environnementales comme un aspect négatif de l’adhésion européenne.
Selon le chef du département des statistiques agricoles de l’Office tchèque des statistiques, Jiří Hrbek, on constate une hausse des installations de biogaz, sachant qu’en 2013 environ 350 installations de biogaz agricoles étaient enregistrées en République tchèque. Jiří Hrbek considère comme un problème majeur la réduction de la superficie agricole, qui diminue de près de 15 hectares par jour ces dernières années.
Elections européennes : le traité transatlantique s’invite dans le débat tchèque
A l’approche des élections au Parlement européen prévues en République tchèque pour les 23 et 24 mai prochains, quelques sujets à caractère « européen » ont déjà fait l’irruption dans le débat public tchèque. Parmi eux se trouvent les négociations du Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (TTIP), un accord de libre-échange entre l’Union européenne et les Etats-Unis. Suite aux critiques de ce projet émises par le leader de la liste sociale-démocrate, le sociologue Jan Keller, la grande majorité des réactions dans la presse tchèque sont unanimes à soutenir la création d’un grand marché transatlantique.
Radio Prague s’en est déjà fait l’écho (ici et ici), le TTIP est un projet ambitieux à la fois par la taille des marchés qu’il vise à unifier et par le nombre de domaines qu’il entend englober. Dans le cadre de cet accord, il s’agirait non seulement de supprimer des barrières tarifaires mais aussi la plupart des barrières non tarifaires, ce qui impliquerait une harmonisation des normes sanitaires, techniques ou écologiques. Malgré les promesses de croissance et de créations d’emplois, les critiques du projet n’y croient pas et estiment qu’il profitera avant tout aux grandes multinationales déjà implantées des deux côtés de l’Atlantique.
C’est sur ce point que Jan Keller, sociologue et tête de liste sociale-démocrate aux élections européennes, a engagé le débat samedi dernier à l’occasion du lancement de la campagne électorale. Selon les déclarations de Jan Keller, « ce traité est dangereux car les négociations se déroulent en secret et il y a plusieurs points problématiques. D’abord, si le traité entrait en vigueur, les aliments en provenance des Etats-Unis, interdits en Europe pour des raisons sanitaires, pourraient pénétrer sans entrave sur le marché européen. Ensuite, les Américains souhaiteraient en finir avec les marchés fermiers en Europe car il s’agit d’une concurrence pour leurs grandes chaînes de distribution. Mais ce qui est le plus inquiétant, c’est la clause investisseur-Etat qui permettrait à une entreprise de poursuivre en justice un Etat par lequel elle se sentirait lésée. Il existe déjà des exemples de ces procédures. Depuis que l’Australie a limité la vente des cigarettes, ce pays a été condamné à payer des dommages et intérêts à un groupe de tabac. »
Les propos de Jan Keller ont soulevé plusieurs réactions surtout dans la presse libérale mais pas seulement. A titre d’exemple, citons celle de Jan Macháček, éditorialiste pour l’hebdomadaire Respekt. Jan Macháček défend dans son article le caractère secret des négociations lequel permet aux négociateurs de modifier leurs positions et de faire des compromis pour obtenir le meilleur « deal ». Néanmoins, l’analyste de Respekt omet le fait que le traité transatlantique diffère des autres accords commerciaux par son ampleur et par son impact potentiel sur les choix de société qu’ont faits les Etats européens.
Selon Jan Macháček, « le poids du contrôle bureaucratique de la qualité des aliments aux Etats-Unis est comparable à celui en Europe. Le consommateur américain est bien plus traité comme un enfant avec des avertissements omniprésents qui préviennent d’enlever l’emballage avant la consommation ou de ne pas mettre son chat dans les micro-ondes. » Cependant, il semble que les deux Jan, Keller et Macháček, parlent de deux choses différentes. La critique des standards hygiéniques américains ne s’appuie pas autant sur la procédure bureaucratique que sur la logique même d’autorisation ou pas de certains produits. Si en Europe, le producteur doit démontrer que son produit ne nuit pas à la santé pour pouvoir le vendre, aux Etats-Unis, tant que les effets néfastes d’un produit n’ont pas été prouvés, il peut être distribué aux consommateurs.
Ceux qui déplorent le fait que les campagnes électorales au Parlement européen sont basées purement sur des sujets nationaux peuvent se réjouir car le TTIP et par extension le sujet de la protection du consommateur au niveau européen ont fait leur apparition dans le débat en République tchèque.
Douze avions de chasse L-159 vendus à l’Irak
La République tchèque s’apprête à vendre douze avions de chasse L-159 Alca à l’Irak pour un montant d’environ 200 millions de dollars. L’intérêt de Bagdad pour des appareils que l’Armée tchèque n’utilise plus, remonte à 2012.
Le ministère irakien de la Défense a trouvé un accord avec Aero Vodochody, la société productrice des avions et qui sert d’intermédiaire dans la transaction entre les deux pays, dimanche. Bien que le contrat n’ait pas encore été signé, l’armée irakienne devrait disposer de ces appareils en septembre prochain au plus tard. L’information a été confirmée par le porte-parole de la société Penta Investment, dont Aero est une filiale. Si tout aboutit bien, il s’agira de la première exportation de L-159, après l’échec des négociations notamment avec l’Inde en 2003, le Nigéria en 2007, le Mali en 2009 ou encore la Slovaquie, la Grèce, la Pologne et la Hongrie en Europe.
Il y a deux ans de cela, la partie irakienne avait déjà manifesté son intérêt pour l’acquisition de vingt-huit avions du même type pour 19,2 milliards de couronnes (environ 710 millions d’euros). A l’époque, cependant, c’est finalement une offre coréenne qui avait été retenue. En mars dernier, il est néanmoins apparu que la société coréenne était dans l’incapacité de respecter les délais de livraison de la commande. C’est la raison pour laquelle Bagdad a de nouveau sollicité Prague. Les L-159 tchèques doivent servir à l’entraînement des pilotes irakiens, l’Armée locale devant disposer prochainement de F-16 américains.
Par ailleurs, le ministère tchèque de la Défense a fait savoir qu’un autre contrat portant sur la vente de quatorze mêmes avions L-159 devrait être signé prochainement avec la société américaine Draken International.
En 1997, la République tchèque avait commandé soixante-douze avions de chasse L-159 à Aero Vodochody pour un montant de 52 milliards de couronnes (1,9 milliard d’euros). Toutefois, l’Armée ne se sert actuellement que de vingt-cinq d’entre eux. De nombreux autres restent donc dans les hangars de la société en attendant d’être vendus à l’étranger.
Hausse du nombre de sociétés tchèques installées dans des paradis fiscaux
Au premier trimestre de cette année, le nombre de sociétés tchèques, dont le propriétaire a son siège social dans un paradis fiscal, a de nouveau augmenté. A la fin du mois de mars, ce chiffre a été de 13 168, constatant ainsi une augmentation de 68 sociétés tchèques. Les Seychelles, Panama et Chypre, restent les endroits les plus prisés. Ces données ont été révélées par la société de conseil Bisnode, qui a également fait savoir que l’intérêt à l’égard des paradis fiscaux va croître cette année, en raison de l’interdiction des actions anonymes en République tchèque.
Selon l’analyste de Bisnode, Petra Štěpánová, les entrepreneurs, pour lesquels le maintien de l’anonymat de leur propriété est extrêmement important, auront de plus en plus recours à des sociétés étrangères dans le cadre de leurs activités commerciales.
Depuis le mois de janvier, les sociétés anonymes ne peuvent émettre des actions anonymes au détenteur. Un délai de six mois a été mis en place, afin que les actionnaires présentent l’état de leurs propriétés conformément à la loi. Les entreprises doivent inscrire leurs actions anonymes au Dépositaire central, les faire garder à la banque, ou alors les transformer en actions nominatives. Selon les statistiques du mois de mars, encore 12 000 sociétés ont en leur possession des actions anonymes, ce qui représente près de la moitié de toutes les sociétés anonymes en République.
Parmi, les adresses les plus attrayantes de paradis fiscaux restent les Seychelles, où 43 nouvelles entreprises tchèque s’y sont inscrites au premier trimestre de cette année, et ce malgré le fait que l’île y a endurci sa législation liée au domaine de la propriété anonyme. En dépit de la crise bancaire, l’intérêt est également porté à l’égard du Panama et de Chypre. Un tiers des entreprises tchèques ont également leur siège social aux Pays-Bas.
Néanmoins, les statistiques révélées par Bisnode ne révèlent qu’une infime partie de la réalité, dans la mesure où, selon Petra Štěpánová, le nombre réel de sociétés utilisant les paradis fiscaux est beaucoup plus important. La société de conseil prend en compte seulement les liens directs entre les sociétés tchèques et les sociétés étrangères. Dans le cas, où l’entrepreneur utilise une autre entreprise comme un intermédiaire dans le cadre de la formation de des structures internationales, et ce par exemple dans la ville très prisée de Londres, ces données n’apparaissent plus dans les statistiques.
Après la distribution du gaz, Prague envisage la municipalisation de l’électricité
Il y a quelques semaines de cela, au mois de mars 2014, la mairie de Prague a acquis la part majoritaire dans la société d’approvisionnement en gaz Pražská plynárenská. Les représentants de la ville envisagent de continuer dans ce processus de municipalisation de la gestion des ressources stratégique et misent sur la société Pražská energetika (PRE – Énergétique de Prague).
L’acquisition de la part majoritaire au sein de Pražská plynárenská de son ancien propriétaire, le consortium allemand E.ON, a coûté à la mairie près de 6 milliards de couronnes (222 millions d’euros). Par cette opération, Prague contrôle désormais un réseau de distribution stratégique et est également devenu bénéficiaire de la majorité des bénéfices distribués en dividendes. En effet, Pražská plynárenská a généré un bénéfice net de 673 millions de couronnes (25 millions d’euros) en 2012 dont 633,5 millions de couronnes (23,5 millions d’euros) ont été payés en dividendes. Le fait que ce profit ne soit plus versé aux actionnaires privés mais revienne aux caisses publiques peut encourager la municipalité à réinvestir dans le maintien et la modernisation du réseau.
Néanmoins, les termes exactes de la transaction ne sont pas connues et il n’est pas clair dans quel état se trouvent les finances de Pražská Plynárenská. Si la société nécessitait des investissements majeurs dans le futur proche, le rachat par la mairie signifierait que le pouvoir public avait municipalisé les coûts, tandis que les profits avaient été privatisés auparavant.
Selon l’adjoint au maire, Jiří Vávra (TOP09), après l’achat de la part majoritaire au sein de Pražská Plynárenská, la mairie vise maintenant la société Pražská energetika (PRE). L’objectif énoncé par Jiří Vávra, qui était en charge de l’acquisition de la société de gaz, est de mettre en place une seule entreprise distributeur de l’énergie dans la capitale tchèque. Même si les négociations sur ce sujet avec le propriétaire allemand de Pražská energetika, le concerne EnBW, n’ont pas encore été lancées, la municipalité a fait savoir d’être intéressée par l’achat.
La priorité pour la mairie de Prague est actuellement de trouver un « partenaire stratégique » pour racheter les 49% des actions appartenant jusqu’à lors à E.ON. Trois investisseurs sont déjà entrés en contact avec la ville, parmi eux notamment l’actionnaire principal de Pražská energetika, EnBW.
Le rapport de la Fédération syndicale européenne des services publics publié en 2012 confirme que la remunicipalisation est une tendance qui peut être observée à l’échelle européenne. Selon la fédération, il s’agit de l’abandon progressif du paradigme néolibéral qui vantait les mérites de la privatisation. La remunicipalisation en Europe s’impose avant tout dans la gestion de l’eau et des énergies.
Si les démarches en vue d’acquérir à nouveau le contrôle public sur la distribution des énergies ont déjà été faites par la mairie de Prague, le même scénario ne semble pas probable concernant la gestion de l’eau. En effet, Veolia Eau, une division du groupe français Veolia Environnement, qui exploite officiellement les infrastructures de la ville de Prague en matière de gestion des eaux, s’est vue renouveler son contrat en 2004, sans appel d’offres public, pour une période de vingt-huit ans (comme Radio Prague en a informé auparavant http://radio.cz/fr/rubrique/panorama/la-gestion-de-leau-a-prague-source-de-conflits-dinteret).