Taïwan sauve la presse tchèque de la déprime
Quels échos la récente visite très controversée du président du Sénat tchèque à Taïwan a-t-elle eus dans les médias tchèques ? Quelles sont les possibles conséquences de la deuxième vague de coronavirus et quelles sont les réactions aux mesures prises par le gouvernement pour en freiner la propagation ? Telles sont les principales questions auxquelles répond cette nouvelle revue de la presse tchèque de la semaine écoulée. Il y est également question de la profanation d’une statue de l’ancien président tchécoslovaque Edvard Beneš.
« La visite du président du Sénat, Miloš Vystrčil, à Taïwan a rappelé l’importance et le rôle de la Chambre haute du Parlement », estime le site Forum24.cz, qui explique également :
« L’existence et l’importance du Sénat dans notre système politique sont souvent contestées. Fréquemment utilisé comme argument par ses critiques, le faible taux de participation aux élections sénatoriales serait une preuve du désintérêt des citoyens à son égard. En se rendant à Taïwan, Miloš Vystrčil a donc grandement œuvré à augmenter la cote de popularité du Sénat. Il a montré que le président de cette Chambre avait lui aussi son mot à dire dans le débat public et qu’il était en mesure de mener une action qui suscite un véritable intérêt plusieurs jours durant. Mieux même, il a démontré qu’avec une approche audacieuse, il pouvait influencer le climat politique en Tchéquie. »
Pour le journal en ligne Deník Referendum, la visite de Miloš Vystrčil à Taïwan est importante aussi dans le cadre des relations entre la Chine et l’Union européenne. Son auteur précise :
« Le voyage du chef du Sénat est un des faits les plus marquants de ces dernières années en matière de politique étrangère tchèque. Les réactions chinoises négatives exagérées ne sont pas passés inaperçues sur la scène internationale. Elles ont abouti à une plus grande unification de la politique européenne vis-à-vis de la Chine. Avant même la visite, les députés du Parlement européen et plusieurs parlements nationaux avaient exprimé leur soutien à Vystrčil. Son voyage a fait naître une vague de solidarité européenne rarement vue. Ainsi, l’Allemagne, la France, la Slovaquie ou encore la Slovénie ont tout à tour rejeté les menaces chinoises. »
Si Deník Referendum estime que « Taïwan constitue désormais un élément important de la politique étrangère tchèque », le journal E15 remarque de son côté que :
« Le voyage de cette délégation officielle tchèque à Taïwan a confirmé que le l’héritage laissé par l’ex-président Václav Havel était toujours bien vivant, tant en matière de politique intérieure qu’extérieure. »
A quel appauvrissement faut-il s’attendre ?
Selon de récentes estimations, la Tchéquie va s’appauvrir de près de 7 à 8% en raison de la crise de ces derniers mois. Il s’agirait alors de l’appauvrissement le plus important depuis la chute du régime communiste, rapporte l’hebdomadaire Respekt dans son dernier numéro. « Cette année, le pays, qui était habitué à connaître une prospérité croissante, va revenir deux ou trois ans en arrière », peut-on ainsi lire dans un texte qui se penche sur la façon dont la deuxième vague de coronavirus influencera l’emploi, la situation financière des Tchèques et l’économie plus généralement :
« Les retombées de la crise ne sont pas encore particulièrement visibles. Le taux de chômage ne connaît pas une hausse marquante et les salaires continuent d’augmenter légèrement. L’explication est simple : l’endettement de l’Etat, via lequel le gouvernement s’efforce d’amoindrir les effets de la paralysie de l’économie, augmente brusquement. Les données et les histoires individuelles recueillies à des fins statistiques confirment que grâce à cette stratégie, la crise est moins douloureuse que ce qu’annonçaient les scénarios pessimistes. »
Toujours selon Respekt, il faut cependant s’interroger sur le prix à payer et la durée pendant laquelle cette stratégie à court terme pourra encore être appliquée, compte tenu de l’inquiétante augmentation du nombre de contaminations. Le magazine se réfère aussi à une étude menée sous l’égide de l’association PAQ Research qui examine la situation économique des foyers pour constater que :
« Comme prévu, ce sont les familles pauvres avec des enfants et les familles monoparentales qui sont le plus touchées par les retombées de la crise du coronavirus. Les petits entrepreneurs se retrouvent eux aussi dans une situation difficile. »
L’étude en question révèle également que l’allocation supplémentaire qui sera versée aux retraités d’ici la fin de cette année aurait plus d’effets si elle était destinée aux familles pauvres avec enfants, qui constituent la catégorie de population prioritairement dans le besoin.
A Prague, une statue d’Edvard Beneš a été profanée
L’ancien président tchécoslovaque Edvard Beneš est une figure emblématique des guéguerres culturelles qui sont menées dans le pays depuis des décennies. C’est ce que rappelle l’auteur d’un texte publié dans le quotidien Lidové noviny suite à la profanation d’une statue située dans le centre de Prague. Il explique :
« Pour certains, Edvard Beneš fait partie des fondateurs de l’Etat tchécoslovaque et des vainqueurs de la Deuxième Guerre mondiale. Il est aussi un de ceux qui ont participé à l’homogénéisation ethnique du pays. Pour d’autres, il demeure un politicien hésitant qui a courbé l’échine devant Hitler et le leader communiste Klement Gotwald, puis qui, à travers l’expulsion des Allemands des Sudètes de Tchécoslovaquie après la guerre, a concuru à l’épuration ethnique. Jamais pourtant encore, il n’avait été qualifié de raciste, comme le prétendait une inscription sur la statue profanée. »
Cette profanation n’étonne guère, estime toutefois le journal. Selon Lidové noviny, elle suit l’effet de mode à l’Ouest :
« En Occident, le racisme est aujourd’hui sur toutes les bouches. Mais pour pouvoir affirmer que Beneš était un salaud, il ne suffit plus d’évoquer toutes ses péripéties politiques, militaires ou en lien avec la résistance pendant la guerr. Il faut aussi évoquer le racisme. La profanation de sa statue est un exemple de pure bêtise et de l’adoption irréfléchie des modèles progressistes occidentaux. »
L’auteur écrit en conclusion :
« Selon le philosophe français Alain Finkielkraut, l’antiracisme est le communisme du XXIe siècle. Aussi provocatrice cette opinion puisse-t-elle paraître, force est de constater que les profanateurs de la statue de Beneš ont confirmé son bien-fondé. »
Coronavirus : la fête est finie
La montée en flèche du nombre de nouveaux cas de Covid-19 en République tchèque augmente les inquiétudes et les critiques à l’égard de certaines décisions du gouvernement. « Le chaos qui règne actuellement dépasse toutes les attentes. Celles du citoyen au printemps dernier, lorsqu’il était contraint de coudre lui-même ses masques, étant pourtant très modestes », estime, par exemple, le quotidien économique Hospodářské noviny.
« La situation actuelle en Tchéquie ressemble à un réveil après une soirée trop arrosée », observe pour sa part le journal Deník, qui ajoute :
« A quelques exceptions près, le masque est désormais obligatoire dans tous les espaces publics clos. Cette mesure est juste, car le coronavirus progresse à une vitesse vertigineuse. Mais il faut aussi rappeler que si le Premier ministre Andrej Babiš n’avait pas commis une grande erreur, le 20 août dernier, en rejetant l’obligation du port du masque souhaitée par le ministre de la Santé, la situation serait probablement bien meilleure aujourd’hui. »
« Le don de cinq masques et d’un respirateur aux personnes âgées de plus de 60 ans est une simple opération marketing », pense pour sa part le magazine Reflex, qui réagit lui aussi aux dernières mesures prises par le gouvernement. Il estime que c’est là une décision « absurde », une de plus :
« Ce don ne sert à rien, notamment parce que la majorité des gens sont déjà suffisamment équipés. Les personnes âgées qui en ont vraiment besoin sont peu nombreuses. Ce don aurait eu un sens en mars ou en avril dernier, plus maintenant. C’est aussi oublier que pas mal de personnes âgées de plus de 60 ans sont actives et n’ont pas besoin de ce don. Les écoles, les commerces, les chauffeurs de tramways et de bus ou encore le personnel dans les établissements sociaux en ont bien plus besoin. »