Les renseignements tchèques s’inquiètent du racisme anti-rom
Dans sa dernière publication trimestrielle sur l’évolution des mouvements extrémistes en République tchèque, le Service de renseignement de sécurité (BIS) s’inquiète du racisme anti-rom dans la société tchèque. Après les affrontements violents survenus dans plusieurs villes du pays et notamment à České Budějovice, le rapport fait état du danger que représente la montée de ce sentiment d’intolérance dans la population tchèque dans son ensemble et pas seulement chez les activistes d’extrême-droite.
A České Budějovice, la capitale pourtant calme de la Bohême du Sud, une banale altercation entre des enfants a été à l’origine de plusieurs manifestations anti-rom après que les parents s’en sont mêlés. Plusieurs samedis de suite, des centaines de personnes se sont rassemblées sur la place de la ville et ont ensuite rejoint le quartier populaire de Maj où vivent de nombreux Roms pour en découdre. Interrogé par la Télévision publique, Roman Kryštof, qui a par le passé conseillé l’Agence gouvernementale pour l’intégration sociale, pointe du doigt la diffusion dans la société d’un modèle de compréhension des conflits sociaux basé sur une approche ethnique des protagonistes :
« Je pense que l’une des erreurs de base a été jusqu’à présent cette espèce de banalisation à travers les médias et diverses institutions de ces conflits de voisinage, sachant que ce genre d’incidents se retrouvent partout et tout le temps. Ces conflits sont partout mais ils n’ont pas toujours été présentés sous cet angle ethnique. Les gens les ressentent autrement quand ils apparaissent sous ce visage soi-disant ethnique. »
Cette même Agence gouvernementale qui publiait récemment un rapport critiquant le traitement médiatique des communautés rom. Les journaux télévisés des chaînes privées Prima et Nova font par exemple leurs choux gras des faits divers les plus larmoyants et/ou choquants et filment avec un appétit insatiable les conflits opposant des pauvres entre eux.Le Service de renseignement de sécurité, à travers son rapport trimestriel sur l’évolution des extrémismes, est préoccupé par les conséquences de cette atmosphère lourde et note ainsi que le gros des troupes des rassemblements anti-rom, de České Budějovice et d’ailleurs, était formé non pas de néo-nazis mais bien de citoyens « lambda ». Moins organisés, plus imprévisibles et plus difficilement identifiables, ces mouvements spontanés seraient susceptibles de se radicaliser et donc plus dangereux que l’activisme d’extrême-droite. Roman Kryštof partage ce constat mais rappelle qu’il ne date pas d’aujourd’hui :
« Ce constat a déjà été formulé dans les dépêches des renseignements que j’analysais en tant que spécialiste pour l’Agence gouvernementale pour l’intégration sociale, il y a deux ans, lors des manifestations de Varnsdorf au nord de la Bohême. Il n’était pas possible de jeter la faute sur des groupes néo-nazis organisés mais cela était manifestement lié à l’humeur générale de la société. Et cela peut avoir des conséquences bien plus dangereuses qu’avec des groupes néo-nazis organisés. »
Ces groupes d’extrême-droite qui pourraient profiter de ces manifestations pour attirer vers eux de nouveaux sympathisants. C’est le cas par exemple du parti fascisant des ouvriers pour la justice sociale (DSSS). Les services de renseignements citent le défilé du 22 juin à Duchcov au nord de la Bohême qui a réuni environ 500 membres de cette formation et 500 autres personnes non-affiliées. A České Budějovice, où ce parti aurait tenté de se joindre aux manifestants, l’opération de séduction n’aurait pas été suivie d’effets.Lors de son intronisation, le président de la République, Miloš Zeman, faisait de la lutte contre l’extrémisme de droite un des axes principaux de sa politique, appelant à un renforcement du dispositif répressif à son encontre. Il serait peut-être temps également qu’une réflexion s’engage sur le traitement médiatique sensationnaliste et décontextualisé de l’actualité touchant les populations rom.