Tour de France : au Mont-Saint-Michel, le rêve éveillé du coureur unijambiste Jiří Ježek
La 11e étape du Tour de France, mercredi, le contre-la-montre individuel entre Avranches et le Mont-Saint-Michel, a été marquée par les écarts creusés par le leader de la course, le Britannique Chris Froome, sur ses principaux adversaires. Honorable 16e de l’étape à 2’18’’ du vainqueur du jour, l’Allemand Tony Martin, Roman Kreuziger a conservé sa cinquième place au classement général avec toutefois désormais près de quatre minutes de retard sur le maillot jaune. Mais pour les Tchèques, plus encore peut-être que la performance du coéquipier d’Alberto Contador, cette 11e étape était aussi tout particulièrement intéressante en raison de la participation du coureur unijambiste Jiří Ježek. Sextuple champion paralympique, le plus célèbre athlète du handisport tchèque a réalisé son rêve en ouvrant, le matin, la route du contre-la-montre avant le passage des 180 coureurs du peloton.
Ainsi s’exprimait Jiří Ježek avant de monter sur la rampe de lancement et de prendre le départ des 33 kilomètres menant jusqu’au Mont-Saint-Michel. Finalement, c’est à 9h40, sous les yeux d’une foule déjà très nombreuse sur les bords de la route, que le coureur tchèque a donné ses premiers coups de pédale…
« Ne serait-ce que l’ambiance et d’avoir pu prendre le départ depuis la rampe officielle de lancement… Des milliers et des milliers de gens m’ont soutenu tout le long du parcours… Pour moi, ce n’était que du bonheur, du plaisir à l’état pur. Je suis vraiment reconnaissant de pouvoir être ici. »
…affirmait-il un peu plus tard à l’arrivée, précisément 43’11’’ plus tard, temps réalisé par Jiří Ježek. Car au-delà du plaisir de participer, le rôle du coureur tchèque était aussi d’établir un temps de référence, un temps, pour l’anecdote, d’ailleurs meilleur que ceux réalisés par les trois derniers du classement du contre-la-montre. Malgré tout, après avoir goûté pour la première fois de sa carrière aux délices de la plus belle et de la plus grande course cycliste au monde, Jiří Ježek n’a pas pu s’empêcher de formuler un petit regret quelque part naturel :« Sur le coup, à l’arrivée, je me suis dit que ce serait quand même bien si je pouvais avoir mes deux jambes, si je pouvais être un cycliste professionnel comme tous ceux qui sont là sur le Tour de France et participer à la course tous les ans, parce que c’est vraiment une compétition fantastique. Je rêvais d’y participer, ce rêve s’est réalisé, mais je rêve déjà de pouvoir y revenir, même si je suis déjà très heureux d’avoir pu vivre cette expérience comme coureur au moins une fois dans ma vie. »
Amputé en dessous d’un genou depuis l’âge de onze ans suite à un accident de la circulation, Jiří Ježek, 38 ans, est devenu professionnel en 2004 dans une discipline, le cyclisme, à laquelle il se consacre depuis 1994 et qui lui a donc valu six titres paralympiques. Le coureur tchèque compare ce qu’il considère comme un de ses plus beaux succès avec ce qu’il a vécu sur les routes normandes :
« Ce qui se passe aujourd’hui est très proche de ce que j’ai ressenti lors de ma victoire aux Jeux de Londres l’été dernier. L’ambiance était aussi très belle là-bas. Cela restera toujours un grand souvenir, tout comme je n’oublierai jamais les trente-trois kilomètres que je viens de parcourir. »Dans la capitale britannique, Jiří Ježek, spécialiste aussi de la piste, avait déjà remporté le contre-la-montre individuel paralympique. Et à voir son regard émerveillé d’enfant et son bonheur authentique et sincère mercredi, on se dit que les organisateurs du Tour de France auraient sans aucun doute une bonne idée en le réinvitant de nouveau en éclaireur sur un autre contre-la-montre lors d’une prochaine édition.