Scandale de la privatisation de la société minière de Most : le procès s’ouvre en Suisse
C’est le dernier chapitre d’une affaire tchéco-suisse remontant aux années 1990 qui s’est ouvert ce lundi, au Tribunal pénal fédéral de Bellinzone, en Suisse. L’affaire de la vente présumée illicite entre 1997 et 2002 de l’une des sociétés énergétiques tchèques les plus importantes, la société minière de Most (Mostecká uhelná společnost ou MUS), rappelle les heures les plus sombres des privatisations sauvages des années 1990 en République tchèque. Et touche même l’actuel président Miloš Zeman.
Rappel des faits : cinq Tchèques et un Belge sont accusés par la Suisse de « blanchiment d’argent aggravé », d’« escroquerie », de « faux dans les titres », le tout parsemé de soupçons de corruption de hauts fonctionnaires tchèques. Après la chute du régime communiste, les sept accusés auraient en effet profité de la privatisation de cette mine du nord du pays pour s’enrichir illégalement grâce à une architecture complexe de sociétés-écrans internationales. Comment l’affaire s’est-elle retrouvée sur les bancs de la justice helvète ? Notamment parce que, selon la police locale, une partie de l’argent détourné de cette privatisation s’est retrouvée sur des comptes en Suisse.
Alors que s’est ouvert le procès de la société MUS, ce lundi, quelle est la position de l’Etat tchèque dans cette affaire ? Ondřej Jakob, porte-parole du ministère des Finances :
« Nous allons suivre avec beaucoup d’attention le procès. Nos propres juristes sont également sur place. La République tchèque est désignée comme partie lésée dans l’acte d’accusation. »
Partie lésée, mais pas pour autant sur le banc des plaignants, car l’Etat tchèque, ancien co-propriétaire de MUS au moment de sa privatisation, n’avait dans un premier temps pas manifesté de réel intérêt pour cette affaire extrêmement complexe. En 2011, le ministre des Finances Miroslav Kalousek affirmait encore que la République tchèque ne se sentait pas lésée, s’appuyant sur la justice tchèque qui n’avait rien trouvé d’illégal dans ce dossier. Changement de cap en 2012, où Prague souhaite se porter partie civile dans l’espoir de récupérer 150 millions de francs suisses, montant estimé du préjudice. Un espoir balayé par la justice helvète qui a alors estimé que l’Etat tchèque s’était trop longtemps perdu dans ses atermoiements et n’avait rien fait pour coopérer avec les enquêteurs suisses.Si aujourd’hui, côté tchèque, on s’est réveillé, l’affaire remonte haut, puisque trois semaines après avoir été élu nouveau président de la République, Miloš Zeman, Premier ministre à l’époque de la privatisation, a été entendu en février dernier en tant que témoin par la police anti-corruption. Le chef de l’Etat a défendu les choix de son gouvernement à l’époque et a réfuté que la privatisation ait pu causer du tort à l’Etat tchèque de quelle que manière que ce soit. Un argument qu’a rejeté par le passé l’ancien chef du Fonds des biens public, Roman Češka :
« Après qu’il a été établi que la majorité des parts étaient détenues par les mêmes personnes qui avaient détourné les fonds de la société, le gouvernement leur a par la suite vendu des parts minoritaires à un prix défiant toute concurrence. »En attendant, la première audience du procès a été marquée par l’absence de plusieurs accusés. L'un d’eux est décédé en mars dernier tandis que trois autres, dont le Belge Jacques de Groote, n'ont pas comparu. Les avocats des deux accusés tchèques absents ont demandé l'interruption du procès, sans donner de motifs expliquant la non-comparution de leur client. La Cour des affaires pénales du Tribunal pénal fédéral de Bellinzone a suspendu les débats pour statuer sur ces deux requêtes de disjonction et d'interruption. Le Ministère public de la Confédération s'y est opposé, ouvrant la voie à la poursuite d’un procès qui, comme le dit un article du quotidien tchèque Hospodářské noviny, « peut devenir historique pour la République tchèque comme pour la Suisse ».