Financement des partis politiques : le Conseil de l’Europe critique la République tchèque pour manque de transparence

Photo: Barbora Kmentová

Ce n’est certes pas une spécificité propre uniquement à la République tchèque, mais la question, très sensible, du financement des partis politiques revient régulièrement dans le débat public. Même si les affaires sont somme toute peu nombreuses depuis 1997 et le scandale du financement de l’ODS qui avait alors entraîné la démission du gouvernement de Václav Klaus, il n’en demeure pas moins que les mouvements d’argent sur les comptes des partis, notamment lors des campagnes électorales, sont régulièrement évoqués et mis en doute par les médias tchèques. Mais pas seulement. Début avril, le GRECO (Groupe d’Etats du Conseil de l’Europe contre la corruption) a publié un rapport dans lequel la République tchèque est vivement critiquée pour le manque de transparence du financement de ses partis politiques. Chef de section au secrétariat du GRECO, Christophe Speckbacher en a dit plus à Radio Prague sur ce rapport et les critiques adressées à la République tchèque :

« Dans l’ensemble, le principal reproche qui est fait à la République tchèque est que les progrès restent clairement insuffisants et bien trop lents. Sur le thème du financement politique en particulier, le GRECO avait recommandé à la République tchèque dans son rapport initial d’évaluation de mars 2011 d’apporter diverses améliorations. Or, à ce jour, deux ans plus tard, aucune n’a été mise en œuvre, pas même partiellement. Les projets qui avaient été annoncés ou initiés ont finalement été abandonnés en 2012. D’après ce que nous savons, le processus a repris en janvier 2013, mais lorsque nous avons réexaminé la situation en mars, aucune mesure concrète n’avait été adoptée. »

Plus concrètement, quelles étaient les principales recommandations que vous faisiez à la République tchèque dans ce premier rapport d’évaluation en 2011 ?

Photo: Archives de Radio Prague
« Effectivement, le GRECO avait à l’époque adressé neuf recommandations à la République tchèque concernant le financement politique en particulier. Il est vrai que certaines sont d’une importance toute particulière, comme par exemple la mise en place d’un organe ou d’un mécanisme national de surveillance qui soit suffisamment indépendant du pouvoir politique, c’est-à-dire de l’Etat et des partis eux-mêmes. La commission de surveillance actuelle, qui est rattachée à la Chambre des députés, ne remplit pas ces conditions selon l’avis du GRECO. Il faudra donc à l’avenir que des sanctions efficaces, proportionnées et dissuasives viennent sanctionner les manquements à la réglementation. C’est l’autre élément très important. Cela dit, le GRECO attend également plusieurs améliorations techniques afin de favoriser la transparence des rapports financiers des partis politiques, par exemple afin que ces rapports incluent la situation des diverses sections ou structures que créent généralement les partis politiques, mais aussi les dons et avantages en nature. Par exemple les dépenses prises en charge directement par des donateurs, la mise à disposition de locaux à des tarifs préférentiels, d’espaces publicitaires, etc. En résumé, supervision, sanctions et transparence générale avec des comptes qui reflètent la situation des partis politiques. »

La semaine dernière, le gouvernement tchèque a approuvé un amendement relatif justement au financement des partis politiques et à leur surveillance. Le texte en question exige notamment des partis qu'ils aient des comptes bancaires transparents, accessibles sur Internet. Les partis seraient également tenus de publier le détail de leurs comptes chaque année ainsi que celui de leur financement des partis politiques. Toutefois, cette nouvelle législation ne prévoit toujours pas la création d'une autorité de contrôle indépendante. Compte tenu des recommandations que vous préconisez, quelle est votre réaction à tout cela ?

Photo: Barbora Kmentová
« Cet amendement est intervenu après le rapport du mois de mars. Il est toujours difficile de se prononcer sur un texte que l’on n’a pas vu. Cela dit, il est certain que de nouvelles mesures pour publier annuellement les comptes et les rapports financiers des partis politiques, pour les rendre également accessibles sur Internet, vont dans le sens qui est attendu de la République tchèque. Maintenant, il faudra voir, le moment venu, ce que comprennent ces informations, si elles donnent au public une information fidèle et globale non seulement du financement des partis politiques, mais aussi de l’activité financière qui est déployée pendant les périodes électorales. J’insiste là-dessus car le rapport du GRECO le souligne à plusieurs reprises : les enjeux de la transparence sont cruciaux en relation avec les campagnes, car l’expérience montre que c’est à ce moment que beaucoup de soutiens financiers sont collectés par les partis ou attribués par des donateurs aux partis et à leurs candidats. Concernant l’abandon du projet de création d’une autorité de contrôle indépendante, le GRECO a clairement indiqué dans son dernier rapport qu’il est particulièrement préoccupé par la décision du gouvernement de maintenir le dispositif institutionnel actuel, car celui-ci a été jugé inefficace et non indépendant. »

Nous reviendrons plus en détail sur la surveillance problématique du financement des partis politiques tchèques dans une prochaine rubrique économique. En attendant, vous trouverez (en français) l’intégralité du « Rapport de conformité sur la République tchèque » du GRECO sur le lien suivant :

http://www.coe.int/t/dghl/monitoring/greco/evaluations/round3/GrecoRC3(2013)1_CzechRepublic_FR.pdf