Nicolas Maslowski : « On doit s’attendre à un président imprévisible et plein de contradictions »
Deux politologues français qui vivent en République tchèque, Nicolas Maslowski et Michel Perottino, ont récemment évoqué, sur Radio Prague, le futur engagement politique de Václav Klaus, ainsi que les principaux aspects de ses deux présidences. Cette fois-ci, ils nous donnent leur avis sur le nouveau président Miloš Zeman. Que peut-on attendre de cet économiste, orateur brillant et vétéran de la politique tchèque qui a longtemps aspiré à la plus haute fonction de l’Etat ? Comment Miloš Zeman va-t-il se distinguer de son prédécesseur ?
« Sur la scène politique tchèque, il sera sans doute un président au moins aussi présent que l’a été Václav Klaus. Il a déjà annoncé par exemple qu’il allait assister aux réunions du gouvernement, une possibilité que lui donne la Constitution. C’était assez peu le cas jusqu’à présent, ce n’était pas aussi systématique et que ce que promet Miloš Zeman. Ensuite, une grande différence par rapport à Václav Klaus consiste en son orientation politique en matière de relations internationales : son rapport à l’Europe est nettement plus positif que l’euroscepticisme de Klaus. »
Pour Nicolas Maslowski, Miloš Zeman est avant tout un homme politique plein de contradictions :
« Je pense que Miloš Zeman, dans sa carrière politique, a beaucoup changé. Il a surtout changé à la fin des années 1990. On ne sait pas si cette élection va être une occasion pour lui de changer une fois de plus. Mais s’il continue dans la ligne commencée à la fin des années 1990, on doit s’attendre à un président plein de paradoxes et de contradictions. Car Miloš Zeman porte un discours nationaliste, souvent chauvin, mais en même temps, il a des convictions pro-européennes très fortes. C’était déjà le cas il y a dix, quinze ans, quand il était prêt à la moindre occasion à parler en des termes virulents contre les voisins autrichiens, tout en défendant une construction européenne et une politique constructive du gouvernement. Je pense qu’en politique étrangère, Zeman n’est pas Klaus. Il est non seulement pro-européen, mais on peut dire qu’il est en même temps pro-américain et pro-russe, ce qui, pour lui, n’est pas contradictoire. Alors que Klaus, on le soupçonne d’être aussi pro-russe, mais je crois que sur le long terme, il faut le comprendre en tant qu’isolationniste, donc non-interventionniste. »
En termes de style, Miloš Zeman a été élu grâce à son caractère populiste, remarque Nicolas Maslowski, en rappelant que le populisme fait partie du processus démocratique :« Il est évident que l’on peu s’attendre à ce qu’il continue. Or Zeman, il est populiste dans le sens où il dit : ‘Je suis comme vous, comme les gens simples, pas comme les gens de l’establishment pragois’. Mais en même temps, il utilise un autre répertoire, comme dans les années 1990. Il commence à dire : ‘Taisez-vous, c’est moi qui sait mieux, je suis un économiste, un homme d’expérience.’ Ce n’est plus une approche populiste, elle ressemble plutôt à celle de Václav Klaus. Je pense que Zeman va être en même temps nationaliste et pro-européen, il va être de gauche et en même temps, il risque d’être un des ennemis principaux du Parti social-démocrate, pour des raisons de concurrence sur l’aile gauche. Même sur le plan économique : il veut être social, mais en même temps, il propose des impôts plutôt libéraux. Chez Miloš Zeman, il est donc très difficile de prévoir à quoi s’attendre de sa part. »