Miloš Zeman, président de la République tchèque
Miloš Zeman a prêté serment à la salle Vladislas du Château de Prague et est ainsi devenu le troisième chef de l’Etat de la République tchèque. Il succède à Václav Klaus et est le premier président issu du suffrage universel. Ancien Premier ministre social-démocrate, Miloš Zeman a déclaré vouloir consacrer les cinq années de son mandat à la lutte contre les « parrains » et à la rencontre de ses concitoyens.
Une main sur une édition spéciale de la constitution et une autre dans celle du président du Sénat Milan Štěch (ČSSD), Miloš Zeman a prêté serment devant un parterre de six cents personnalités réunies dans la salle gothique du Château de Prague afin d’assister à cette cérémonie d’investiture. Et en prononçant ces mots, Miloš Zeman est devenu le troisième chef de l’Etat de la République tchèque après Václav Klaus, lequel avait lui-même suivi les pas de Václav Havel. Mais il s’inscrit également dans la plus longue tradition des présidents tchécoslovaques. Une histoire qui commence avec Tomáš Garrigue Masaryk, lequel prêta serment le 21 décembre 1918 en se contentant d’un « je jure ». Le texte actuel ne fut prononcé pour la première fois qu’en 1934.
Après ce serment, l’hymne tchèque a retenti dans la salle Vladislas tandis que vingt-et-un coups de canon étaient tirés depuis la colline voisine de Petřín. Et c’est devant les élites de la nation, le gratin tchèque, la fine fleur de Bohême, de Moravie et de Silésie que Miloš Zeman a fait part de son intention de se faire le porte-parole des sans-voix dans le discours qu’il a ensuite prononcé :
« Tout le monde, dans sa vie, gagne parfois et perd d’autres fois. Je sais comme il est difficile de porter le poids des échecs tout aussi qu’il est difficile de ne pas céder aux tentations offertes par les victoires. C’est pour cela que j’ai dit vouloir être le président de tous les citoyens sans égard à leurs opinions politiques et je suis convaincu que cet engagement ne peut être rempli par de simples mots mais par des actions concrètes au cours de mon mandat. J’ai aussi dit que je voulais être la voix des dix millions de citoyens d’en bas sans privilèges, parce que les privilégiés ont une voix, ou plutôt des voix, qui portent depuis déjà bien longtemps. »Miloš Zeman, une des dernières figures importantes de la politique tchèque des années 1990, ancien Premier ministre social-démocrate entre 1998 et 2002, a également présenté les trois « objectifs essentiels » qu’il entend poursuivre durant son mandat. Il souhaite d’abord, avec le soutien de société civile, stabiliser et apaiser une scène politique tchèque qui souffre d’une image très dégradée du fait des multiples affaires de corruption qui ne cessent d’éclater en son sein. Miloš Zeman veut ensuite, du haut de ses 68 ans, se faire le médiateur entre les différents partis politiques mais en aucun cas apparaître comme un juge.
Son dernier chantier sera consacré à la lutte contre « la mafia des parrains qui parasite le corps de la société tchèque», dixit celui qu’on dit proche du lobbyiste et intrigant Miroslav Šlouf. Il a par ailleurs défendu le « contrat d’opposition » passé entre le parti social-démocrate et le parti de droite ODS, un contrat tant décrié qui aurait selon lui permis de sortir de la crise économique et de retrouver la croissance à la fin des années 1990. Souvent l’objet de critiques sur ces deux points, ses liens troubles avec certains lobbyistes et ce « contrat d’opposition », Miloš Zeman a profité de la fin de son discours pour lancer une petite saillie aux commentateurs politiques :
« Les commentateurs bavards, qui écrivent sur tout et ne comprennent rien, me rappellent la définition faite par Karel Čapek de la critique littéraire. Ce sont des gens qui éclairent les écrivains sur la façon dont eux auraient écris leurs livres s’ils avaient été capables de le faire. »Une fois la cérémonie achevée, les différents partis politiques ont réagi à son intronisation. Ceux de l’opposition, le parti social-démocrate, le parti communiste et le parti Affaires publiques ont plutôt bien accueilli son discours et se sont déclarés impatients de collaborer avec le nouveau président. Autre son de cloche au sein des partis de la coalition gouvernementale de Petr Nečas, laquelle était présente au sein de salle Vladislas, et dont certains membres se sont déclarés perplexes. Le ministre des Finances Miroslav Kalousek (TOP 09) a ainsi estimé qu’il y avait un paradoxe à louer le « contrat d’opposition » d’un côté et à vouloir faire la chasse aux parrains de l’autre.