Václav Klaus quitte le devant de la scène politique, pour l’instant
Il aura été ministre, chef du gouvernement, député, président de la Chambre basse du Parlement et, enfin, président de la République. Sa longue et riche carrière politique, plus longue que celle de beaucoup de politiciens communistes que l’on croyait presque être élus à vie, a commencé il y a 23 ans, en décembre 1989, lorsqu’on a confié à Václav Klaus le portefeuille des Finances au sein du premier gouvernement non-communiste formé après la Révolution de velours. Ce jeudi 7 mars, Václav Klaus, 71 ans, quitte le Château de Prague après deux mandats présidentiels consécutifs. Quels souvenirs garderons-nous de ces dix années de présidence, si ce n’est sa lutte acharnée contre « l’européisme » ? Quel sera le futur engagement d’un des hommes politiques majeurs de la République tchèque après 1989 ? Radio Prague a interrogé à ce sujet deux politologues français installés dans la capitale tchèque.
« Václav Klaus est un homme plein de paradoxes qui a une rhétorique extrêmement néolibérale, même si sa gouvernance était bien moins néolibérale que dans les discours. C’est vrai qu’il a des discours très anti-européens, mais en même temps, c’est l’homme qui a signé le traité d’adhésion de la République tchèque à l’Union européenne et qui a fini aussi par signer le traité de Lisbonne. Václav Klaus a constitué son profil politique par une opposition systématique à son prédécesseur Václav Havel, dont il essayait d’atteindre le niveau et la reconnaissance, voire de la dépasser. Je pense que c’est l’élément principal qui a marqué sa présidence. Un second élément peut être son positionnement droite-gauche : évidemment, il veut toujours être très à droite. Une des choses que l’on lui reproche était liée à son discours nationaliste, ou alors aux soupçons de corruption, liés à son activité politique dès le début. Cette corruption, il l’aurait organisé non pas pour lui directement, mais pour son parti ODS. L’amnistie qu’il a déclarée et qui a arrêté les procès en cours de toutes les plus grandes affaires de corruption actuelles du pays, a confirmé ces critiques dans le sens où il aurait pu faire cela pour effacer les traces de ses mauvaises actions. Néanmoins, nous n’avons jamais eu de preuves directes qu’il était vraiment lié à cette corruption. »
Justement, le Sénat tchèque vient de porter une plainte constitutionnelle contre Václav Klaus en raison de cette amnistie controversée, et l’accuse de haute trahison. Cette plainte, est-elle légitime selon vous ? Ou bien s’agit-il d’un « acte de vengeance » des adversaires de Václav Klaus, comme l’a dit le Premier ministre Nečas ?
« Effectivement, 38 sénateurs ont déposé une plainte pour haute trahison à la Cour constitutionnelle. A part cette amnistie, on lui reproche aussi le non-respect de décisions de justice et des abus de pouvoir. La première question qui vient à l’esprit, c’est pourquoi est-ce qu’ils n’ont pas déposé cette plainte plus tôt. Parce que la critique du non-respect des décisions du tribunal administratif ou de différents abus de pouvoir qu’aurait fait Klaus par son interprétation de son rôle constitutionnel en tant que président, existaient depuis longtemps. Je pense que les sénateurs veulent enfoncer les clous, s’assurer qu’il part et qu’il ne reviendra pas. Cette action vise avant tout à essayer de se débarrasser une fois pour toutes du président. Je crois qu’il s’agit plutôt d’un acte politique que d’une volonté de recherche de justice. »
Quant aux futures activités de Václav Klaus, les médias tchèques évoquent fréquemment un scénario qui peu paraître surprenant vu les convictions anti-européennes de l’ancien président : son éventuelle candidature au Parlement européen. On écoute Michel Perottino :
« Ce qui est réel, c’est qu’il ne part pas à la retraite. La question qui se pose, c’est qu’est-ce qu’il fait, qu’est-ce qu’il devient. La présidence de son institut, en cours de création, est sans doute un point de départ. La question qui reste en suspens, c’est aussi quel sera la situation de l’ODS dans quelques mois. Ne pourra-t-il pas se présenter comme un sauveur de ce parti en difficultés ? »
Si Václav Klaus était effectivement élu député du Parlement européen, comment sa présence serait-elle perçue au sein de cette institution ? Pourrait-elle, contrairement à ce qu’on pourrait penser, lui apporter quelque chose de positif ?« Sa présence pourrait être perçue comme un avantage, en permettant de rehausser la place du Parlement européen qui est jusqu’à maintenant considéré plutôt comme une voie de garage, comme un parlement secondaire par rapport aux enjeux nationaux de tous les pays européens. Si Václav Klaus se présente comme candidat et s’il est élu, cela peut être perçu comme un renforcement de la place du Parlement dans le système politique européen. »