Mali : « Les Tchèques pas informés et peu intéressés en général »
Rencontre aujourd’hui avec Yé Traoré. Commerçante originaire du Mali, elle s’est installée depuis une quinzaine d’années en République tchèque. Au micro de Radio Prague, elle a notamment parlé de son magasin spécialisé dans l’artisanat africain et de la guerre actuellement en cours dans son pays, où elle doit se rendre très prochainement.
« Oui, nous voulions un local plus grand pour développer nos activités, malgré la crise. Nous espérons que les choses vont aller mieux. »
Qu’est-ce que vous vendez ici ?
« C’est le prolongement de ce que vous aviez vu à Vršovice, de l’artisanat africain qui vient de partout, du Maghreb à l’Afrique du Sud. Décorations, habits, meubles, instruments de musique : on a un peu de tout. »Etes-vous la seule à vendre ce genre de produits ou avez-vous de la concurrence ?
« Pour le moment, dans ce volume, je suis la seule. »
Les Tchèques ont-ils un intérêt pour ces produits africains ?
« Oui, c’est la raison pour laquelle on a ouvert cette nouvelle boutique après celle de Vršovice, il y avait pas mal de demande. »
Il y a dans votre magasin beaucoup de produits qui viennent du Mali, d’où vous êtes originaire. Le Mali fait en ce moment la une de l’actualité. Comment observez-vous la situation de Prague ?« Je viens de Bamako, la capitale, et je pense depuis le début que la situation est très triste pour tous les Maliens et tous les amis du Mali. Le Mali n’avait pas connu ces problèmes avant, même s’il y avait un problème touareg depuis longtemps et que c’est quelque chose qu’il va falloir régler avec le temps de manière pacifique pour trouver un accord entre le Nord et le Sud. Ce qui se passe est inquiétant bien sûr. Et le Mali se développait petit à petit ces derniers temps, et on risque un retour en arrière. »
Combien y a t-il de Maliens à Prague ? Pas beaucoup j’imagine…« Non pas beaucoup, je ne connais pas le nombre exact mais je pense qu’il doit y avoir une vingtaine de Maliens dans toute la République tchèque, dont une quinzaine à Prague… »
Etes-vous en contact avec eux ?
« On communique très souvent par internet et par téléphone, à chaque moment important, ou par exemple hier j’ai transmis un email aux autres Maliens… »
A propos de quoi ?« C’est important mais un peu futile en même temps : c’était une information à propos d’escrocs qui en profitent et qui envoient des emails du Mali en demandant des aides financières. Il y a des gens qui en profitent et cela m’a agacée, c’est pour ça que j’ai voulu transmettre l’information. »
Est-ce que vous percevez chez les Tchèques un intérêt pour ce qui se passe en ce moment au Mali ?
« Je pense qu’ils ne sont pas très au courant, même sur la scène politique, parce que c’est très loin d’eux. Mais les Tchèques qui ont des amis maliens ou africains en général se renseignent, j’ai reçu beaucoup d’appels pour me demander comment ça va là-bas pour nos familles. Mais globalement je pense que c’est très loin des Tchèques, ils ne sont pas informés et ne s’intéressent pas beaucoup. »
En tant que Malienne qui vit à l’étranger comment observez-vous l’intervention de la France ?« Quand j’ai vu que la France intervenait, cela m’a fait du bien et j’ai été fière. Parce que si les islamistes étaient arrivés à Bamako cela aurait été un grand désastre. La communauté africaine a du mal à prendre rapidement des décisions et l’intervention de la France a été bénéfique, je ne la vois pas comme l’intervention de l’ancien colonisateur. Je pense que trouver une solution à ce problème d’islamisme terroriste est dans l’intérêt de tout le monde. »
Fière de quoi ?« Bien sûr il y a le problème postcolonial et souvent quand il y a des malentendus entre l’Afrique et son ex colonisateur, nous les Africains on a tout le temps ce réflexe d’y voir un moyen pour la France de nous dominer ou de nous recoloniser. Mais là, j’ai été fière de voir que la France agissait comme une amie. »
Je sais que vous vous rendez dans quelques jours. Appréhendez-vous ce voyage ?
« J’appréhende, oui, mais j’essaie de ne pas beaucoup y réfléchir même si j’ai un peu peur. Je pense qu’à Bamako ce sera plus ou moins sécurisé et en faisant attention tout devrait bien se passer. C’est un voyage d’affaires planifié depuis longtemps et je regrette vraiment de ne pas pouvoir aller au Nord, parce que j’ai des fournisseurs – des Touaregs – qui me fournissent d’habitude. Comme vous voyez ici on a beaucoup de produits touaregs. Je ne vais même pas pouvoir me rendre à Mopti, mais mes fournisseurs m’ont tous promis d’essayer de venir me voir à Bamako. Sur internet, j’ai vu que beaucoup de commerçants comme moi avaient du mal à continuer à se procurer les marchandises dans le Nord…»