Vainqueurs et vaincus du premier tour de la première présidentielle tchèque au scrutin direct
Pour la première fois de leur histoire, les Tchèques élisent leur président de la République. Le premier tour s’est déroulé vendredi et samedi. Deux heures à peine après la fermeture des bureaux de vote samedi à 14 heures, les résultats étaient connus, contredisant, une fois n’est pas coutume, les sondages et donnant vainqueurs l’ancien Premier ministre social-démocrate Miloš Zeman (24,1%) et l’actuel ministre des Affaires étrangères Karel Schwarzenberg (23,4%).
« Je respecte ce résultat, c’est une bonne occasion de remercier mon équipe de campagne pour son travail. Mais c’est surtout l’occasion de remercier les électeurs convaincus par le programme que je leur ai présenté depuis l’été dernier. En tout état de cause, la campagne a été une expérience exceptionnelle. Autrement, je n’ai pas de préférence entre les deux candidats du deuxième tour. Je vais y réfléchir. »
Pas de consigne de vote donc pour un Jan Fischer apparu très déçu, contrairement à plusieurs autres candidats malheureux qui n’ont pas hésité à exprimer leurs faveurs, comme Zuzana Roithová (4,9 %), candidate chrétienne-démocrate, qui soutient clairement Karel Schwarzenberg :« Si les gens n’avaient pas voté de manière stratégique, j’aurais sans doute eu un meilleur score. Mais je ne suis pas déçue et je remercie mes fidèles électeurs. Le plus important désormais, c’est le deuxième tour. Je ne pense pas qu’il doive s’agir d’une élection entre la droite et la gauche, comme vont s’efforcer de nous en convaincre les agences marketing. Selon moi, ce sera une élection entre deux personnalités et les valeurs qu’ils représentent. Il est important de se rendre compte que ce n’est pas une élection droite-gauche, mais un choix à faire entre ces valeurs. »
Avec ses 3,2%, la candidate indépendante Táňa Fischerová a estimé ne pas avoir à se plaindre, et si elle n’a pas appelé à voter une personnalité concrète, elle a toutefois concédé une certaine préférence a priori :« Ceux qui ont voté pour moi ont eu du courage : ma campagne s’est déroulée sans financements et contre le vent. Mon résultat est même supérieur aux attentes. Pour nous, ce n’est qu’une première étape et nous allons poursuivre notre action pour le changement. Je suis contente que Karel Schwarzenberg participe au deuxième tour, mais je dois encore réfléchir et peser le pour et le contre d’un éventuel soutien. »
Dès ce lundi, un débat a toutefois vu le jour sur facebook suite à la déclaration de Táňa Fischerová de ne pas aller voter au deuxième tour.
Candidat officiel de la gauche, Jiří Dienstbier aurait pu être le troisième homme, s’il n’avait pas été devancé de près par Jan Fischer :« Je ne trouve pas que mon résultat soit mauvais, même si évidemment j’aurais préféré me retrouver en seconde position. »
« Extra-terrestre » de cette élection, le compositeur tatoué Vladimír Franz a réalisé, avec 6,8%, un score plutôt honorable pour un « petit » candidat. Il est resté lapidaire quant à un éventuel soutien :
« Nous avons quinze jours pour voir ce que valent vraiment les deux candidats vainqueurs de ce premier tour. »Echec total, enfin, pour la candidate conservatrice et eurosceptique Jana Bobošíková (2,3%), qui ne se reconnaît évidemment dans aucune des deux personnalités politiques en lice pour le second tour, personnalités toutes deux pro-européennes :
« Pour moi, qui répète continuellement qu’il faut arrêter le diktat de Bruxelles qui nous mène droit dans le mur, c’est une situation très difficile. »Cuisante défaite également pour le principal parti de droite, le Parti civique démocrate (ODS), probablement sanctionné pour sa politique d’austérité menée au sein du gouvernement de coalition, contrairement à Karel Schwarzenberg qui, même en tant que ministre des Affaires étrangères, bénéficie d’une aura qui dépasse les clivages. Avec 2,4% des suffrages, le candidat ODS Přemysl Sobotka a admis lui-même sa déculottée :
« Cette défaite est une grande déception pour moi et, j’imagine, pour mes électeurs. Je soutiendrai Karel Schwarzenberg et sa politique de centre-droit. »Interrogé à l’issue du premier tour, le président sortant Václav Klaus n’a pas eu de mots assez durs pour critiquer son ancien parti, l’ODS :
« En tant que président, il est important pour moi que la République tchèque soit bien représentée. Je suis donc content que le premier tour ait fait émerger deux hommes politiques et n’ait pas abouti à un résultat exotique. Tant Miloš Zeman que Karel Schwarzenberg savent ce que veut dire être président. Enfin, cette élection est la pire débâcle de la droite de l’ère post-communiste dans notre pays. J’en suis très affecté. C’est une défaite de l’ODS et une victoire pour la gauche. »
Et pourtant, ce même Václav Klaus avait à l’automne dernier accordé son soutien au candidat Miloš Zeman, qui s’il n’en est pas le candidat officiel, est néanmoins l’ancien président de la social-démocratie et est désormais soutenu par cette dernière pour le deuxième tour, au contraire du candidat du parti Jiří Dienstbier qui estime Zeman bien trop lié à divers lobbyistes influents. Ecoutons la réaction de Miloš Zeman à ce soutien sans équivoque :« Il y avait deux candidats de gauche, Jiří Dienstbier et moi-même. Je comprends que le soutien des électeurs de gauche se soit réparti entre nous deux. Puisque Jiří Dienstbier n’est plus en lice pour le deuxième tour, je trouve juste que le Parti social-démocrate me soutienne. Je suis honoré par ce soutien et je pense que cela confirme qu’il est bel et bien un parti de gauche. »
Dès dimanche, les deux candidats vainqueurs du premier tour ont pu s’affronter à l’occasion d’un premier débat télévisé. Et tandis que Miloš Zeman a accusé son adversaire d’être à l’origine de l’actuelle situation sociale et économique dans le pays en tant que représentant du gouvernement actuel, Karel Schwarzenberg a lui qualifié Miloš Zeman d’homme du passé. Or, le candidat Schwarzenberg se pose en faux par rapport à ce dernier :« Si je suis élu, ce sera une autre politique que sous le mandat de Václav Klaus. Dans la mesure où Václav Klaus soutient Miloš Zeman, on assisterait avec lui à une suite de l’ère Václav Klaus. Or, ce que je souhaite, c’est une autre politique. »
La campagne du second tour des deux présidentiables a donc d’ores et déjà commencé. Les électeurs ont désormais deux semaines pour se décider de la représentation de leur pays pour les cinq années à venir.