Le 17 novembre : un défi pour les jeunes, aujourd’hui comme hier ?
Ce samedi 17 novembre, vingt-trois ans se seront écoulés depuis le commencement de la révolution de Velours qui a marqué la fin du régime communiste dans l’ancienne Tchécoslovaquie. Comme de coutume, le contexte de cet anniversaire qui est célébré en Tchéquie comme un jour de fête nationale a donné lieu à toute sorte de réflexions et de commentaires dans les médias, dont nous avons choisi quelques extraits... C’est aussi l’adoption par la Commission européenne de la directive impliquant l’obligation d’un quota de 40% de femmes dans les conseils d’administration des grandes entreprises qui fait à présent couler beaucoup d’ancre dans la presse nationale.
« Mais le 17 novembre est avant tout une fête des étudiants qui ont joué un rôle clé en 1939, ainsi que cinquante ans plus tard. Et on peut s’attendre à ce qu’un rôle similaire incombe également aux étudiants d’aujourd’hui. Leur conflit avec le pouvoir ne sera pas ‘d’un grand intérêt visuel’, mais il ne sera pas pour autant moins important et moins difficile. »
Evoquant le scepticisme et la désillusion qui sont répandus dans la société contemporaine, l’auteur de l’article explique :
« Il s’avère de plus en plus clairement que les générations liées aux événements de 1989 perdent leur énergie et n’ont aucune vision sur l’orientation future de la société tchèque. Nous avons des élections libres, nous sommes membres de l’Union européenne et de l’Otan – et après ?... Où puiser une nouvelle énergie, de nouvelles idées et un nouvel élan ? »
L’auteur de l’éditorial de l’hebdomadaire Respekt observe qu’il faut chercher ces qualités auprès de la jeune génération, tout en précisant :
« Nous ne savons pas cependant si les jeunes ne sont pas contaminés, eux aussi, par le scepticisme. S’ils ne le sont pas encore, il faut les inviter à ne pas se laisser décourager... En ce qui concerne les jeunes, Václav Havel a toujours été optimiste. Il aimait être en contact avec eux. Il était convaincu que les jeunes générations ne voudront pas supporter ce qu’étaient enclines à supporter les générations précédentes. Toutefois, beaucoup d’experts, de journalistes et d’études prétendent que les nouvelles générations sont indifférentes et désintéressées et que, de ce fait, elles ne valent pas grand chose. Mais l’expérience qui est la nôtre est plus proche de celle de Václav Havel. L’avenir demeure donc ouvert. »Sur le serveur ParlamentniListy.cz., Monika Pajerová, qui a fait partie des leaders de la révolte étudiante de la révolution de Velours, constate que Václav Havel, le plus éminent symbole de Novembre 1989, n’est pas la seule grande figure de la dissidence tchèque qui soit partie en 2011, citant parmi plusieurs autres disparitions celle de l’écrivain Jiří Gruša ou encore celle de l’ex-chef de la diplomatie tchécoslovaque, Jiří Dienstbier. Elle ajoute :
« Il n’y a que la mort qui a su combattre tous ces êtres courageux et indomptables qui nous ont servi d’exemple. Devenus désormais orphelins, nous nous apercevons que respecter les idéaux de Novembre est plus difficile que nous ne l’avions pensé. C’est le devoir de toute une vie et c’est à nous maintenant de chercher de nouvelles sources d’espoir. J’espère fortement que nous serons à la hauteur, en tant que Tchèques en Europe, car pour la première fois, nous avons l’occasion non seulement de recevoir, mais aussi d’offrir. »Pour l’ancienne dissidente et politicienne, Hana Marvanová, « il est bon de se rappeler les idéaux qui ont entraîné la chute du communisme. » Ainsi, l’éthos de Novembre 1989 devrait constituer un engagement, une inspiration à ce que les gens cherchent à changer activement une situation dont ils sont mécontents.
Selon le philosophe Daniel Kroupa, ancien dissident et politicien, lui aussi, le mauvais climat qui règne actuellement dans la société ne saurait amoindrir la joie qu’il a ressentie avec les changements survenus suite aux évènements de novembre 1989. Il dit « se réjouir de pouvoir librement agir, parler, voyager et créer, car c’est ce qui est le plus important. »La proposition de la Commission européenne d’inscrire dans une directive l’obligation d’un quota de 40% de femmes dans les conseils d’administration des grandes entreprises a provoqué une vague de réactions négatives auprès des femmes dans le top management, ainsi que dans les médias nationaux. C’est ce qu’illustre un commentaire paru dans l’édition de ce jeudi du quotidien Mladá fronta Dnes, dans lequel son auteur Jana Bendová écrit :
« La Tchéquie fait partie des pays qui s’opposent à une telle contrainte... Je ne doute nullement que les femmes puissent s’imposer, au fur et à mesure, seules, sans la protection des europolitiques, car elles sont laborieuses, cultivées et fortes... Ce qu’il faut aux femmes tchèques, ce sont des crèches, des écoles maternelles, des emplois à temps partiel. C’est plus coûteux, plus lent et moins spectaculaire. Mais il s’agit là de mesures plus sages, plus libres et durables. »
Petr Honzejk est un des rares commentateurs à prendre la défense de cette nouvelle initiative européenne. Dans Hospodářské noviny, il note :
« S’il n’y avait pas eu dans le passé de défi à la dite ‘normalité’, les femmes ne bénéficieraient pas aujourd’hui du droit de vote, du droit de défense face à la violence de leurs partenaires, il n’y aurait pas divorce. Depuis toujours, il était difficile d’imposer des changements en faveur de l’égalité... En Tchéquie, nous considérons cette initiave comme une nouvelle preuve du volontarisme de l’oligarchie bruxeloise qui veut imposer à nous, centre-Européens, sa fausse vision et son ingénierie sociale. Pourtant, la question de la mixité mérite d’être discutée, d’autant plus qu’en Tchéquie, les femmes ne représentent que 4 % des conseils d’administration des grandes entreprises. »
L’auteur du commentaire dénonce cependant le fait que les démarches envisagées soient globales, ne tenant pas compte des milieux socio-culturels des différents pays. Il estime également qu’il serait plus efficace de mettre ces quotas en vigueur dans la politique, plutôt que dans le business privé, car cela permettrait de renforcer les élites féminines au sein de la société.
L’intérêt porté à la main d’oeuvre tchèque en Allemagne ne cesse d’augmenter. C’est ce qu’a constaté un article publié dans une récente édition du journal Hospodářské noviny déjà cité qui rappelle qu’il n’y a désormais, et ce depuis mai 2011, aucune restriction de travail en Allemagne pour les Tchèques. Son auteur précise :
« L’industrie de transformation, le bâtiment, l’hôtellerie et la gastronomie, voilà les principaux secteurs dans lesquels les Tchèques se mettent en valeur. Une forte demande existe traditionnellement dans les services sociaux et les soins.».
Les salaires proposés en Allemagne sont en général deux fois plus élevés que ceux en République tchèque. C’est la partie limitrophe de la Bavière qui est prioritairement sollicitée par les Tchèques, en raison de sa proximité géographique. Et comme la plupart de ceux qui décident d’aller travailler en Allemagne préfèrent habiter toujours chez eux en Tchéquie, les offres de travail distantes de quarante ou cinquante kilomètres de la frontière sont les plus recherchées. Ce sont celles qui permettent un aller et retour quotidien raisonnable. Le journal remarque :
« La date du 1er mai a donné à cette évolution une importante impulsion. Rien que depuis le mois d’avril, on a vu venir travailler en Bavière, outre ceux qui y sont déjà pour ainsi dire établis, quatre mille Tchèques. Ce chiffre qui ne cesse d’augmenter pourrait être plus important encore s’il n’y avait pas d’obstacles linguistiques. La connaissance de l’allemand constitue en effet, et depuis longtemps, un grave problème et un facteur restrictif. Sinon, les qualités professionnelles des Tchèques sont en général hautement appréciées par le voisin allemand. »