Un documentaire-hommage, un an après la disparition de « Magor »
L’année 2011 a vu la disparition de plusieurs personnalités importantes de la vie culturelle et intellectuelle tchèque. L’ancien dissident et homme politique Jiří Dienstbier en début d’année, l’ancien président-dramaturge Václav Havel, et Magor, le « maboul », de son vrai nom Ivan Martin Jirous. Un documentaire vient de sortir un an après sa mort. L’occasion de revenir sur un destin hors du commun.
« Ivan Martin Jirous est pour moi le plus grand poète spirituel du XXe siècle. A côté de cela, il a été un prisonnier politique, sous le communisme. Tout comme Václav Havel, il a fait des séjours extrêmement longs en prison dans les années 1970-1980. Il était un rebelle et un symbole de l’opposition au communisme. »
Monika Le Fay a décidé de réaliser un documentaire sur Jirous bien avant sa mort, mais c’est paradoxalement sa disparition qui a favorisé la naissance de ce film :« Je voulais faire ce film depuis 2009. J’ai demandé des financements, mais en vain : l’underground n’intéressait personne à l’époque. Mais j’ai continué à être en contact avec Magor pendant tout ce temps-là. Il savait qu’on préparait ce film, on a même tourné quelquefois avec lui dans son appartement de Smichov. Mais il est mort de manière inattendue. Je suis allée tourner l’enterrement pour la télévision tchèque. Entre temps, ils ont décidé qu’ils voulaient faire le film, donc nous l’avons fini avec la famille de Magor, sa femme, ses enfants, ses amis. »
Né en 1944, Magor, comme beaucoup d’autres de sa génération, a été marqué par l’invasion de 1968 et la période de normalisation qui a suivi. Il choisit son camp. Celui des outsiders vis-à-vis du régime communiste. Il se fait un nom en étant le manager du groupe légendaire de l’underground, les Plastic People of the Universe. Il paye de sa liberté sa non-compromission et son non-conformisme.
Bagarreur en actes et en mots, excessif en tout, Ivan Martin Jirous n’en était pas moins une personne profondément croyante, que la foi, d’après ses proches, a aidé lors des nombreuses épreuves qu’il a traversées. Monika Le Fay :« Il était très croyant, sans doute même plus que les personnes qui vont à l’église et pratiquent les rites de l’Eglise sans réfléchir à ce qu’ils font. Sa foi était profonde, mais il a été tenté à plusieurs reprises de sortir de l’Eglise parce qu’il avait du mal avec l’autorité. »
Le documentaire de Monika Le Fay s’efforce de faire revivre, par ses poèmes et ceux qui l’ont apprécié, un personnage incontournable de la vie culturelle tchèque qui a contribué, avec tant d’autres, à l’effondrement du régime communiste à la fin des années 1980.