Projet de loi controversé autour du Parc national de la Šumava
L’été 2012 a été plutôt agité au Parc national de la Šumava, en Bohême du Sud. Jiří Mánek, le nouveau directeur du parc a en effet préparé, en accord avec le gouvernement de droite de Petr Nečas, un projet de loi qui risquerait de faire perdre au parc son statut de parc national et qui pourrait l’ouvrir à de nouvelles activités commerciales. Les militants écologistes de Hnutí Duha, le mouvement arc-en-ciel, ne l’entendent pas ainsi et se mobilisent pour contrer le projet gouvernemental.
Les écologistes reprochaient notamment à la direction du parc les nombreux abattages d’arbres infectés par le scolyte, un insecte ravageur, alors que cette maladie s’inscrirait selon eux dans le processus biologique naturel de la forêt. Jiří Mánek a lui indiqué qu’il souhaitait faire disparaître le scolyte d’ici un an et demi, ce qui implique de nouvelles coupes d’arbres et la possible utilisation de produits chimiques potentiellement dangereux. En début de semaine, le parc a d’ailleurs été condamné par l’Inspection de l’environnement pour son utilisation de biocides, des substances toxiques, dans la lutte contre cet insecte.
Surtout, le ministre de l’Environnement souhaite faire passer une loi visant à stabiliser la gestion du parc pour les quarante prochaines années, et il a chargé Jiří Mánek de l’achever. La loi prévoit de redéfinir les différentes zones d’intervention du parc et devrait permettre l’implantation de nouveaux équipements touristiques, notamment dans le domaine de l’agrotourisme, mais aussi dans celui des sports d’hiver. Aussi, en mars dernier, l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) s’alarmait de ce projet, inquiétude qu'elle a renouvellée cette semaine. Si la loi venait à être adoptée, le parc risquerait une rétrogradation et pourrait ainsi passer de la deuxième à la quatrième catégorie de conservation, c’est-à-dire d’un parc national explicitement défini à une réserve où l’habitat et certaines activités humaines peuvent être développés. Pour les écologistes, c’est la porte ouverte à l’exploitation commerciale des ressources du parc. Jiří Mánek soutient lui que les négociations qui ont duré six mois ont permis d’aboutir à un consensus qui devrait satisfaire toutes les parties. Il considère de surcroît que le but du parc est de protéger la nature, quelque soit sa catégorisation par l’UICN, et que le projet de loi renforcerait les prérogatives du parc pour parvenir à cet objectif :« Les discussions ont été vraiment très sérieuses. Autour de la table des négociations, il y avait un représentant du ministère de l’Environnement, des représentants du Parc national de la Šumava, il y a avait également les deux régions où se trouvent le parc, c'est-à-dire la Bohême du Sud, et la Bohême de l’Ouest, certaines communes de la Šumava, des associations de la société civile ou encore des élus du Parlement… En réalité, je suis certain que chacun a eu l’opportunité d’apporter ses propres lumières et pour moi, en aucun cas, il ne s’agissait de cinéma. Un parc national doit protéger la nature et parmi les 17 articles que comptent la loi telle qu’elle a été préparée, ce sujet et cet objectif de protection sont définis dès le premier paragraphe. » Cela ne convainc guère les associations écologiques, certaines considérant que Jiří Mánek a été nommé sur les reconmmandations des notables locaux afin de privilégier l’exploitation économique du parc plutôt que la sauvegarde de la nature. Hnutí Duha a donc organisé plusieurs opérations tout l’été, dont un happening dans un restaurant du village de Hluboká nad Vltavou, connu pour être un lieu de réunion de certains responsables du parti ODS. Le mouvement diffuse également une pétition afin de repousser ce projet de loi, que le président de la République Václav Klaus, favorable à une large ouverture du parc à des activités touristiques, a d’ailleurs lui-même soutenu hier. Le Parc national de la Šumava risque de n'avoir de national que le nom.