Nouveau projet de loi pour la Šumava : le ministre de l'Environnement persiste et signe

Le parc national de la Šumava, photo: Barbora Němcová

Le parc national tchèque de la Šumava, situé dans le sud du pays le long de la frontière bavaroise, est un sujet de discorde constant entre les politiques et les écologistes qui accusent les premiers de vouloir vendre le parc aux exploitants forestiers. Un procès qui touche cette fois le ministre de l’Environnement Tomáš Chalupa, qui vient de proposer une nouvelle loi concernant l’organisation du parc.

Jakub Hruška,  photo: Archives de Radio Prague
Cette loi, décriée dès l’annonce de sa préparation, vise officiellement à permettre une plus grande stabilité naturelle et une meilleure protection de l’environnement du parc. L’argument principal récurrent des politiques est celui de la lutte contre le scolyte, un insecte ravageur qui touche particulièrement la Šumava. Jakub Hruška est un scientifique spécialiste de la question, et pour lui, l’intervention par abattage des arbres n’est pas une méthode convaincante :

« D’après nous, il ne restera que des troncs morts dans cinq ans dans les zones où doivent avoir lieu les interventions, comme c’est le cas dans beaucoup d’autres zones du parc. On a vu dans les montagnes d’épicéas atteintes par le scolyte qu’on ne peut pas le combattre en abattant deux ou trois arbres en pensant que les autres resteront. Ça ne se passe pas comme ça. »

Tomáš Chalupa,  photo: Alžběta Švarcová,  ČRo
Accusé de ne pas tenir compte des avis des spécialistes, le ministre de l’Environnement Tomáš Chalupa (ODS) défend un projet de loi basé sur le consensus et l’écoute de tous les avis. On peut tout de même se demander alors pourquoi l’association des citoyens de la Šumava, l’une des principales associations de défense du parc, n’a reçu aucune invitation au débat. On peut également s’étonner que l’avis d’un certain nombre d’institutions de poids n’ait visiblement pas été retenu, et notamment celui du département de droit de l’université Charles de Prague qui a très clairement qualifié ce projet de loi d’inefficace et de contraire aux principes de protection de l’environnement supposés gouverner l’administration de ce parc.

Martin Bursík,  photo: Štěpánka Budková
Et il ne s’agit pas que d’un débat interne : le parc de la Šumava jouit d’un prestige international et est inscrit dans la catégorie des parcs de l’IUCN, l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature, ce qui soumet sa gestion à des normes et des traités internationaux ratifiés par la République tchèque. A l’annonce du projet de loi, une autre voix discordante, et pas des moindre, s’est mobilisée : celle de Martin Bursík, ancien directeur du parc et président du parti écologiste tchèque, qui attaque cette loi sur tous ses principes :

« La cour constitutionnelle a rendu un jugement selon lequel c’est une législation formelle, on ne peut pas toucher à la forêt comme on peut le faire dans les forêt destinées au commerce et intervenir systématiquement contre le scolyte. Elle a également constaté que ces interventions créent des zones déboisées et sont nuisibles. De plus, cette loi ouvrira encore 5 500 hectares de terrain qui étaient jusqu’à présent prétendûment protégés des zones sauvages, à l’exploitation. Cette loi est vraiment faite pour le développement des entreprises d’exploitation du bois. C’est un très grand recul du ministre de l’Environnement envers les principes de protection de l’environnement des parcs nationaux. »

Le parc national de Šumava | Photo: Barbora Němcová,  Radio Prague Int.
Et Martin Bursík n’est pas seul : 72 directeurs de parcs nationaux, d’instituts scientifiques et autres organisations spécialisées, se sont mobilisés contre cette loi. Et ils ont des arguments de poids, Martin Bursík :

« Si la loi passe, la Šumava se verra retirer son statut international de parc naturel, ce qui aura une incidence sur le tourisme, et avant tout sur les visiteurs internationaux. C’est un avertissement très grave de la part des experts qui ont mis en garde contre cette loi qui enfreint gravement les obligations internationales et les accords qui doivent assurer la sécurité des zones protégées. »

Martina Schneibergová
Pour Tomáš Chalupa, cette mobilisation découle d’une mauvaise information de ces 72 directeurs. Son adjoint, Tomáš Tesař, est plus direct : pour lui, le prestige du parc national de la Šumava suffit et la reconnaissance par des organisations internationales n’est qu’une sorte d’ornement superflu. Le ministre n’est donc pas décidé à revenir sur son projet malgré la vaste opposition qu’il suscite. Ce projet de loi devrait être examiné dès le mois de mai par les députés tchèques.