Un chef-pâtissier français à Prague : Marc le Breton
Nous avions déjà eu l’occasion de vous présenter la pâtisserie Saint-Tropez, située en plein cœur de Prague près de la place Venceslas, et créée par un couple de Français. Marc le Breton y travaille en tant que chef-pâtissier. Il est passionné, charmant et breton. Nous l’avons rencontré et en nous racontant son métier, il nous a fait voyager dans l’univers de la pâtisserie franco-tchèque. Bon appétit.
Comment définiriez-vous votre activité au sein de cette équipe franco-tchèque ?
« Je reste ciblé sur la production française qui représente 90% de la production totale et il y a des pâtissiers tchèques spécialisés dans la production tchèque. »
Quelles sont les différences entre les deux productions ?
« Alors la production tchèque est pour nous en France très basique. C’est vraiment les bases de la pâtisserie. En fait ici, avant le communiste, il avait également la même production qu’en France et la chute du communisme leur a fait perdre toute leur qualité de produit. Ils essaient maintenant de repartir vers une nouvelle qualité puisqu’il y a des nouvelles recettes, des nouvelles méthodes. Et moi, en ce qui concerne les pâtisseries tchèques, j’essaie de les revisiter avec des méthodes françaises. »Selon vous, la chute du communisme a eu un impact sur la qualité de la production tchèque ?
« Je ne connais pas toute l’histoire mais d’après les échos que j’ai eus ça eu vraiment un impact sur la qualité en générale de l’alimentation, pas sur la pâtisserie seulement. »
Quelles sont ces nouvelles techniques, ces nouvelles recettes dont vous parliez tout à l’heure ?
« Maintenant, il y a des laboratoires qui travaillent pour la qualité du produit, pour la santé des gens. Ils essayent de retirer un maximum de produits nocifs dans les matières premières, comme les mauvaises matières grasses, les oléagineux, on réduit la quantité de sucre… J’essaie de récupérer ces nouvelles méthodes ce qui n’est pas facile ici car il n’y a pas vraiment d’entreprise spécialisée pour la formation. J’essaie de suivre en France, avec des amis ou sur Internet. »Depuis combien de temps travaillez-vous au Café Saint-Tropez ? Qu’est-ce que vous avez appris ?
« Ca fait trois ans et demi que je suis ici. La pâtisserie était auparavant dans la rue Italská. Ensuite, elle s’est installée ici dans la galerie U Nováků. Et je suis arrivé à ce moment-là en mars 2009. En trois ans et demi, je pense avoir pris « un peu de crâne » on va dire puisqu’avant j’étais pâtissier à l’origine et je suis devenu chef-pâtissier. En fait, ce qui est intéressant pour moi, c’est que j’ai la liberté de faire un peu ce que je veux. Les gens ne connaissent pas vraiment les gammes françaises. On ne me demande pas de faire quelque chose de précis donc j’ai la liberté de créer un peu ce que je veux. »
Quelles sont vos spécialités ?
« J’aime bien innover dans le goût, associer des saveurs qu’on ne pense aller de soi. En testant, en refaisant, on arrive à trouver des gâteaux avec des saveurs assez particulières. »A quoi reconnaît-on un bon pâtissier ? Quelles sont les qualités du pâtissier ?
« La pâtisserie est à mon avis plus difficile que la cuisine par exemple. Parce que si on rate quelque chose en cuisine, on peut le rattraper. En pâtisserie, quand on rate quelque chose, on le rate définitivement. Donc, il faut vraiment avoir une conscience professionnelle, il faut être rigoureux et concentré. Il y a beaucoup de choses à savoir au niveau de la technique. Il faut connaître les qualités des matières premières. C’est presque de la microbiologie parce qu’il faut connaître la composition de ces matières. Si il y a un problème, il faut comprendre pourquoi pour ne pas le rencontrer à nouveau. Il faut travailler avec des températures et des durées de cuisson précises. Pour faire un entremets français de haute qualité, il me faut au minimum trois jours. »
Est-ce que vous considérez la pâtisserie comme de l’art et comme une œuvre d’art ?
« Totalement, c’est une œuvre d’art culinaire mais il faut aussi travailler les décors, le visuel. C’est de la recherche aussi bien pour le fabriquer que pour le préparer. Et on travaille avec des produits nobles comme le chocolat. Le chocolat pour moi, c’est comme une pierre précieuse. »Un travail sur les cinq sens…
« Exactement, quatre certainement, l’ouïe peut-être moins. Mais sur certains gâteaux on peut travailler cet aspect ; à partir du moment où on plonge la cuillère dans le gâteau, il y a certains pâtissiers qui travaillent maintenant sur le bruit, sur le croustillant. »
Est-ce qu’on gère la vitrine en fonction des gâteaux préférés des clients ?
« En fait, quand on prépare une vitrine, il faut essayer de changer, de ne pas garder tout le temps les mêmes produits parce que les gens qui viennent souvent vont se lasser de voir les mêmes choses. Donc d’une semaine à l’autre, on essaye de faire des choses nouvelles, on le fait pendant quelques temps, on arrête pendant un mois, on remet ça un mois après. Ou alors on joue avec les saisons. Par exemple, en ce moment c’est l’été et il ne faut pas trop travailler avec le chocolat. Il faut essayer de travailler avec d’autres ingrédients beaucoup plus légers comme les yaourts ou les fruits exotiques. Il faut jouer avec tout : les saisons, les goûts des gens, les périodes de fruit… »
Y a-t-il un produit « phare » qui rencontre toujours le succès ?
« Il y a quelque chose qui marche très bien ici, c’est Le trois chocolats. C’est une mousse avec les trois chocolats : chocolat noir, chocolat au lait et chocolat blanc. Et ça c’est vraiment un gâteau qui marche été comme hiver. Il est léger, pas trop sucré et on n’est pas trop écœuré du chocolat car l’été, c’est tout de même particulier de manger du chocolat. »Comment se déroule une journée de travail type ?
« On se lève tôt, moins tôt qu’en France. On commence ici à six heures alors qu’en France c’est en général entre trois et quatre heures du matin. Ici les boutiques ouvrent vers huit-neuf heures. C’est différent, les gens ne viennent pas prendre le petit-déjeuner avant de travailler ou acheter un croissant. Donc, on commence à six heures tranquillement, tous les jours c’est la même chose. On produit d’abord pour le magasin et une fois que le magasin est prêt, que nos commandes sont prêtes, on prépare la production de la semaine. »
Vous avez pu collaborer avec des personnalités reconnues du milieu de la pâtisserie telle qu’Iveta Fabešová. Pouvez-vous nous parler de cette collaboration ?
« La première fois que je l’ai rencontré, c’était pour une émission de télévision. On a fait une photo shooting ensemble mais on a pas du tout parlé. Et elle est revenue quelques mois après, à la fin de son émission qui s’appelait Na nože. Elle voulait se spécialiser dans la pâtisserie française donc je l’ai formé pendant quelques mois. Suite à cela, elle a retourné quelques émissions qui ont été très populaires, elle a écrit d’autres livres… »
Donc elle doit son succès à la formation qu’elle a suivie auprès de vous ?
« Un peu je pense ! »(rires)
Comment voyez-vous l’avenir de la pâtisserie tchèque ? Pensez-vous la pâtisserie va devoir s’inspirer de la qualité que vous essayez de promouvoir ?
« Je le pense oui car nous voulons vraiment rester dans le haut de gamme, bien que ce ne soit pas encore le haut de gamme en France. On va donc continuer à faire les produits tchèques mais avec des méthodes françaises, des recettes françaises et on va gagner en goût, en qualité. »
Quels sont ces produits tchèques ?
« Ce sont des pâtisseries basiques que l’on trouve partout : c’est le ‘věneček’ (la couronne), c’est le ‘punčový řez’ qui est à base de rhum, ils ont le ‘větrník’ (un chou à la crème), ce genre de choses. »
Comment donneriez-vous envie au gens de venir goûter une pâtisserie au café Saint-Tropez ?
« Qu’est ce que je pourrais leur dire ? On essaye d’innover ici, on essaye de travailler avec les meilleures matières premières, on essaye de travailler le goût. Il faut venir par curiosité pour commencer, pour l’endroit et puis il y a la pâtisserie, on fait de tout, il y a la chocolaterie. On vend quelques glaces. On essaye d’agrandir notre gamme. »