L’élection présidentielle française vue par la presse tchèque
Les médias tchèques portent un grand intérêt à l’élection présidentielle française. La télévision publique, par exemple, annonce d’ores et déjà la diffusion, dimanche soir, d’une émission spéciale consacrée aux résultats de son deuxième tour. En attendant la fin du suspens, nous avons lu quelques réflexions parues dans la presse.
Le prestigieux hedomadaire Respekt a, lui, choisi une autre approche pour demander à plusieurs personnalités lequel des deux candidats serait une meilleure alternative pour l’Europe, respectivement, pour la République tchèque. D’abord une réponse d’Adam Černý, du quotidien économique Hospodářské noviny :
« Le résultat des présidentielles en France n’aura pas de grand impact sur la Tchéquie, car, quelque soit le résultat, les intérêts français à l’égard de la Tchéquie ne vont pas considérablement changer. Il va de soi que l’intérêt de Paris pour un éventuel achèvement de la construction de la centrale nucléaire de Temelin ne diminuera pas, car il s’agit d’une affaire commerciale qui est pour la France importante ». Et le journaliste d’ajouter :
« Les relations avec Berlin, Rome ou Londres compteront pour la France bien entendu bien plus que celles avec Prague. Et ce d’autant plus que l’actuelle situation politique tchèque devient pour les partenaires étrangers peu lisible et donc peu prévisible. »
L’écrivain Jaroslav Formánek estime à son tour que peu importe si la victoire incombe à l’un ou à l’autre des deux candidats, car « les deux sont depuis vingt ans impliqués dans la grande politique où ils occupent de hautes fonctions. Ils ont ainsi tant bien que mal pris part à l’état actuel de la France et de l’Union européenne. »En ce qui concerne l’Europe centrale, elle serait pour les hommes politiques français plus éloignée que le Maroc ou la Côte d’Ivoire, vue en plus par le prisme des tableaux de Chagall. Donc comme « un drôle de peuple inconnu, des têtes au-dessus desquelles flottent chèvres et vaches ».
« Les candidats n’offrent pas une large vision européenne. Les deux ont toutefois articulé des revendications partielles », constate Radko Hodkovský, directeur du think tank Valeurs européennes qui ne pense pas que l’un des deux candidats puisse profiter aux intérêts de la République tchèque plus que l’autre. En conclusion, il signale :
« Il est pourtant vrai que nous devons nous-mêmes savoir ce qu’il nous faut et quels sont les thèmes de collaboration avec la France qu’il y a lieu d’instaurer. »La dernière édition de l’hebdomadaire Respekt offre en outre à ses lecteurs un long commentaire qui se penche sur ce que propose, notamment à l’Europe, François Hollande, qui est présenté ici comme « le favori modéré des élections présidentielles ». En conclusion, il écrit :
« L’intérêt que François Hollande peut présenter pour les Tchèques, c’est que, à la différence du président actuel, il ne s’en est jamais pris à la liberté de circulation en Europe et n’a jamais succombé à un populisme lamentable se référant à la protection des Français face aux étrangers. »
La République tchèque, quant à elle, n’aura pas d’élections législatives anticipées en juin prochain. Elle a évité cette éventualité en dépit de la fragilité du gouvernement de coalition de droite de Petr Nečas, causée par la scission au sein du parti Affaires publiques, un des trois partis au pouvoir, car celui-ci vient d’obtenir, tout récemment, la confiance du Parlement.
« L’absence d’alternative, l’incapacité des élites politiques de réagir à la profonde crise de la civilisation occidentale moderne : c’est ce qui devrait nous préoccuper beaucoup plus que la survie du cabinet Nečas », a réagi dans un commentaire publié sur le site iDnes.cz le politologue Josef Mlejnek.
Dans une récente édition du quotidien Mladá fronta Dnes, Martin Komárek souligne que « même si la majorité des citoyens diraient non à ce gouvernement qui est très peu populaire, il s’agit d’un gouvernement pleinement légitime ». Il trouve démagogiques les arguments étayés par les sociaux-démocrates, dans l’opposition, auxquels les sondages donnent le plus d’intentions de vote et qui sont donc considérés comme le vainqueur présumé des prochaines élections législatives, qu’elles soient anticipées ou régulières.
Les derniers sondages révèlent en même temps la montée de la popularité des communistes. Les sociaux-démocrates, une fois au pouvoir, vont-ils rompre pour la première fois depuis la chute du régime communiste en 1989 les tabous et s’appuyer sur ce parti discrédité, voire collaborer avec lui ? Voilà une question qui est désormais souvent soulevée dans les médias.
L’hebdomadaire Respekt a publié dans sa dernière édition un bref aperçu sur ce que représentent aujourd’hui les communistes tchèques. Nous citons :
« A la différence de leurs confrères en Pologne, en Allemagne ou en Hongrie, les communistes tchèques n’ont pas subi de transformation fondamentale. Formellement, ils se sont distancés de leur passé totalitaire, il est vrai, mais leurs attitudes rendent cette distance peu crédible. Ils ont refusé de se joindre au Parti de la gauche européenne, car cela aurait signifié rejeter le stalinisme. Ils s’opposent au dédommagement des personnes entraînées dans l’Union soviétique ou des membres de la résistance anticommuniste ou encore célèbrent le coup d’Etat communiste de février 1948. »
Le journal souligne que les communistes ne veulent pas dire quels sont leurs objectifs politiques réels. Laconiques, leurs représentants ne communiquent pas avec les journalistes. Respekt précise :
« Etant donné le caractère fermé du Parti communiste, il est difficile d’évaluer si ce sont les conservateurs ou bien les communistes modérés qui ont à tel ou tel moment le-dessus. Ce qui est certain, c’est que le noyau dur des communistes a rédigé un programme radical appelant ‘à la défense des acquisitions de la révolution, à la base des thèses de Marx et de Staline’. Cette démarche et plusieurs autres ont amené la commission sénatoriale d’étude de la légitimité du Parti communiste à formuler une demande de son interdicition. Mais finalement, le ministère de l’Intérieur n’a pas soumis cette demande. »
« La tension monte. On voit naître une nouvelle génération perdue de Roms. »
C’est sous ce titre que le quotidien Mladá fronta Dnes a décrit dans ses pages la situation des jeunes Roms déracinés qui vivent dans des localités défavorisées, notamment dans le nord du pays. C’est une réaction à des actes d’agressivité que plusieurs d’entre eux ont commis tout récemment dans les villes de Břeclav, Tanvald et Olomouc.
Le journal illustre la situation difficile des adolescents roms en prenant l’exemple d’un garçon de seize ans, Radek, qui n’a jamais vu ses parents travailler et qui vit dans une grotte à la périphérie de la ville de Nový Bor pour échapper à la vie dans un petit appartement qu’il partageait avec ses parents et ses six frères et soeurs.
« Chaque jour il va chercher des objets en fer qu’il revend, ce qui lui permet de gagner juste assez pour se nourrir. Mécontent de son destin, il déclare pourtant sa volonté de ne jamais avoir recours à l’agressivité. Mais il avoue que certains de ses contemporains se révoltent contre leur misère par des actes de violence. »
Le journal donne la parole à des experts qui estiment que les cas de violence vont se multiplier, car, faute d’autorités, les membres de la ‘génération perdue’ ne respectent aucune règle. D’un autre côté, ils pensent qu’il faut s’attendre à de nouvelles manifestations dirigées contre les Roms qui ne feront qu’aiguiser encore davantage les tensions entre la société majoritaire et la minorité rom.
« La stratégie d’intégration des Roms qui a été adoptée l’année dernière au niveau gouvernemental est peu efficace », constate dans le journal Monika Šimůnková, déléguée gouvernementale pour les droits de l’homme.