Elections présidentielles françaises : « Les médias tchèques reportent ce qu’ils trouvent dans les médias français et étrangers »
Après plusieurs mois de campagne électorale, les résultats du premier tour de l’élection présidentielle française sont tombés dimanche 22 avril. Quels ont été les réactions dans la presse et les médias tchèques en général ? Comment sont perçus les candidats français en République tchèque ? Des questions auxquelles répond le politologue Michel Perottino.
« Effectivement, on peut dire que Nicolas Sarkozy était en 2007 très bien perçu et de fait soutenu par les médias tchèques en général. Par contre, il y a un certain repli, une certaine incertitude quant au président-candidat. Finalement, il n’a peut-être pas réussi à remplir toutes les attentes des Tchèques et des médias tchèques même si d’un autre côté on relève assez souvent, aussi, le fait qu’il a été empêché de réformer la France par la crise économique et financière. »
Pendant ces cinq années de présidence, quelles ont été ses relations avec ses homologues tchèques, de l’ODS et de Top 09 qui gouvernent actuellement. En cas de non réélection, sera-t-il regretté ?
« Je ne sais pas s’il sera regretté mais je pense que les relations ont été relativement correctes, même s’il y a eu quelques points de tension. Il est clair que lorsqu’il est arrivé à l’Elysée, Nicolas Sarkozy représentait une France plus ouverte et peut-être plus jeune que le président précédent, Jacques Chirac, lequel avait été perçu de manière négative suite à certaines de ses sorties vis-à-vis de l’Europe centrale. Il est difficile de dire s’il sera regretté ; tout dépend de son éventuel remplaçant. On regrette quand on sait ce qu’on a perdu ou ce qu’on a gagné. »
Un des plus gros handicaps du candidat hollande est, soi-disant, son manque de charisme. Est-ce quelque chose qui est répercuté dans les médias tchèques ?
« Les médias tchèques reprennent ce qui se dit dans les médias français, européens et même américains. Donc l’image de François Hollande passe par le prisme des médias et on retrouve la même approche, la même interprétation de manque de charisme ou d’incertitude quant à sa dimension de présidentiable, puisqu’il n’a jamais été au pouvoir, en tout cas en tant que ministre. et, par conséquent, c’est aussi une inconnue – pas seulement pour les Tchèques – mais aussi pour les Tchèques. »
L’élection éventuelle de François Hollande à la tête de l’Etat français représente un espoir important pour l’ensemble des gauches en Europe. Dans le programme du Parti socialiste français se trouve la remise en cause, en partie, du Pacte de stabilité européenne, qui se trouve aussi dans celui des socialistes tchèques, le CSSD. Y a-t-il eu des accords entre les deux partis ? L’élection possible de François Hollande représente-t-elle un espoir sur de ce point de vue ?« Il y est difficile de savoir s’il y a un accord, notamment un accord secret, entre les partis sociaux-démocrates et les partis socialistes en Europe. Il est vraisemblable qu’il y ait des discussions sur certains points, notamment sur certains thèmes européens. Néanmoins, d’une manière générale, il est clair qu’une victoire socialiste dans un pays aussi importante qu’est la France pourra être utilisée comme une référence par les sociaux-démocrates tchèques. Mais chercher ou trouver des accords est sans doute un peu prématuré. Il y a un autre point à relever. Les socialistes français, ou gauche française, et les socialistes tchèques et les sociaux-démocrates tchèques ne sont pas forcément toujours sur la même longueur d’ondes. D’une certaine manière, on peut dire que les sociaux-démocrates tchèques sont beaucoup plus libéraux que les socialistes français. Il faut prendre en compte ce type de positionnement idéologique différent d’un pays à l’autre.
Il y a eu un phénomène de campagne assez important, même si les résultats pour les personnes concernées ont été décevants. C’est celui du phénomène Jean-Luc Mélenchon. Dans la presse tchèque, il a été écrit par exemple qu’il était de la gauche radicale et qu’il voulait confisquer les biens des plus riches, ce qui parait un peu caricatural. Comment a été perçu ce phénomène Mélenchon, dans ce pays anciennement communiste ?« Avec Mélenchon, c’est un peu comme avec le candidat François Hollande. Jean-Luc Mélenchon est encore une fois perçu au travers du prisme des médias français et étrangers, et en plus, effectivement, il y a une réinterprétation de ses positionnements programmatiques ou idéologiques qui ne correspondent pas forcément à la réalité. Jean-Luc Mélenchon est perçu comme un homme de la gauche radicale, voire de l’extrême-gauche. Il est souvent aussi présenté comme un candidat communiste, ce qui évidemment, dans un cas comme dans l’autre, ne correspond pas tout à fait au positionnement de Jean-Luc Mélenchon sur la scène politique française. »
La surprise, qui est une fausse surprise, des résultats du premier tour, est le score très bon du Front national. La Commission européenne et différents dirigeants européens ont invité à mesurer tout l’enjeu de la montée des extrêmes-droites en Europe. Encore une fois, comment a été perçu en République tchèque ces résultats du Front national ?
« Les médias tchèques reportent ce qu’ils trouvent dans les médias français et étrangers. Concernant les résultats de Marine Le Pen, on a relevé le pourcentage en oubliant un élément qui est encore plus important. Quand on regarde le nombre de voix qu’a obtenu Marine Le Pen, ce nombre de voix excède très largement les résultats antérieurs de Jean-Marie Le Pen. Donc, on relève ici cette force de l’extrême-droite française sans essayer d’expliquer ni les raisons pour lesquelles les électeurs ont voté à ce niveau Marine Le Pen, sauf en rappelant évidemment des thèmes relativement classiques, c’est-à-dire l’immigration. On ne va pas non plus, par exemple, essayer d’expliquer de manière un plus complexe que cet électorat de Marine Le Pen est un électorat qui n’est pas forcément un électorat d’extrême-droite et, par ailleurs, que le résultat du leader du Front national a toujours été différent du résultat du Front national en tant que parti. Cela veut dire que le parti a toujours un résultat plus faible que celui du leader. Le niveau de participation a par contre été relevé dans les médias tchèques comme étant très élevé, très bon, alors que lorsqu’on regarde le taux de participation aux élections présidentielles antérieures, c’est un résultat qui n’est pas aussi extraordinaire que ce qu’on présente en général. Pour les Tchèques, une abstention autour de 20% est extraordinaire, ce qui est effectivement, dans le cas tchèque, une participation qui n’existe plus déjà depuis quelques années. »