Pavel Bém, un alpiniste à bout de souffle
Un an près la révélation d’un scandale d’écoutes et de corruption au sein du parti Affaires publiques, à l’origine de la crise gouvernementale du printemps dernier, un autre pilier de la coalition tripartite, l’ODS, est ébranlé par une affaire d’écoutes téléphoniques. Au cœur de celle-ci, l’ex-maire de Prague Pavel Bém, le lobbyiste Roman Janoušek et les liens étroits tissés entre les deux hommes, qui ont permis au « parrain du business pragois » de contrôler, de facto, la gestion financière de la capitale tchèque.
Il y a quatre ans, Pavel Bém affirmait que ce serveur de profession, diplômé en droit en 2003 et milliardaire bien connu dans le milieu politique tchèque n’était qu’un ami parmi tant d’autres et qu’il ne le fréquentait qu’une fois par semaine, à l’occasion d’une partie de tennis.
Les conversations téléphoniques datant de 2007 et mises à jour par Mladá fronta Dnes témoignent d’une tout autre réalité : Roman Janoušek aurait co-décidé des dossiers hautement importants, à savoir du plan d’urbanisme de Prague, de la vente de terrains ou encore de la politique des ressources humaines de la mairie. En contrepartie, Janoušek aurait financé les nombreux voyages à l’étranger de Pavel Bém, qui a par ailleurs grimpé au sommet du Mont Everest en mai 2007, et il lui aurait également acheté des articles de luxe.L’origine de ces écoutes téléphoniques était, lundi encore, entourée de mystère : réalisées apparemment par le Service de renseignement BIS, elles ont été obtenues en 2009 par la société privée de surveillance ABL. Il n’est pas sans intérêt d’avoir en tête que cette agence appartenait alors à Vít Bárta, fondateur du parti gouvernemental Affaires publiques, et mis en cause, lui-même, dans une affaire de corruption interne à son parti.
Pavel Bém, quant à lui, défend son innocence :
« Les écoutes sont une saloperie, une violation brutale de la vie privée. Que celui qui n’a jamais péché me jette la première pierre », a écrit l’ex-maire de Prague dans sa déclaration au quotidien économique Hospodářské noviny, affirmant qu’il allait « se battre jusqu’à son dernier souffle », comme il l’a fait en gravissant le Mont Everest.Les médias n’ont pas tardé à faire un parallèle entre « l’affaire Janoušek » et « l’affaire du Gorille », un vaste scandale de corruption impliquant tous les grands partis politiques en Slovaquie et qui a contribué à la déconfiture de la droite aux récentes élections législatives dans ce pays voisin. Par ailleurs, le Parti civique démocrate prend les révélations de la presse tchèque au sérieux. « Je me suis senti très mal à l’aise après avoir entendu les conversations téléphoniques de l’ancien maire », a déclaré, à la Télévision tchèque, le député ODS Marek Benda qui a recommandé de suspendre l’appartenance de Pavel Bém à l’ODS, une position soutenue, lundi, par l’actuel maire de Prague et chef de la section pragoise de l’ODS, Bohuslav Svoboda.
Dans son édition de lundi, le quotidien Hospodářské noviny rapporte une anecdote : pour son quarantième anniversaire, le lobbyiste Roman Janoušek a reçu, de la part de son ami Pavel Bém, un gâteau représentant la prison pragoise de Pankrác. « Ce cadeau ne fait plus rire personne », écrit le journaliste Jindřich Šídlo en évoquant de nombreux projets peu transparents de la municipalité de Prague. « Il est devenu », poursuit-il, « tout comme le contenu de ces écoutes téléphoniques, le symbole d’une époque que nous avons vécue et dont nous ne nous sommes pas encore remis. »
Et pour cause, la police a d’ores et déjà déposé une plainte en justice contre Roman Janoušek : non pas pour des activités de corruption mais pour avoir causé un grave accident de la route, vendredi dernier, au centre de Prague, en conduisant sa Porsche Cayenne en état d’ébriété.