Nouveau bras de fer entre le président tchèque et les services de renseignement
Ce dimanche dans un entretien pour le tabloïd Blesk, le président de la République tchèque, Miloš Zeman, a déclaré avoir été placé sur écoute sans motif valable depuis plusieurs années par Michal Koudelka, le chef du BIS, les services de renseignement tchèques. Ce dernier sera auditionné jeudi par une commission parlementaire. Cette affaire s’inscrit dans un conflit de longue date entre le chef de l’Etat tchèque et le BIS.
Le site d’enquête Neovlivní.cz a révélé ce week-end que le conseiller économique du président tchèque, Martin Nejedlý, était surveillé par le Service de sécurité et de renseignement tchèque (BIS) pour ses liens étroits avec les sphères politiques et économiques russes. Toutefois pour le président, il n’y a pas de doute, Nejedlý n’est que « marginal » dans l’affaire. Zeman reproche au chef du BIS, Michal Koudelka, de mettre sur écoute ses proches collaborateurs pour l’espionner indirectement :
« Il y a quelques années, un officier supérieur du BIS m’a informé que M. Koudelka avait ordonné la mise sur écoute de mon entourage immédiat, et donc de moi, car les écoutes s’effectuent par le biais de téléphones portables. Je n’ai pas de téléphone portable, mais, quand je leur parle, je suis écouté. »
Zeman se serait alors entretenu avec le Premier ministre, Andrej Babiš, à ce sujet pour l’enjoindre de mettre un terme à ces agissements, en vain, puisque les écoutes se seraient poursuivies malgré tout. Le chef du gouvernement tchèque, pour sa part, a démenti dimanche sur Twitter avoir eu une telle conversation avec le chef de l’Etat :
« Ni le gouvernement ni moi, en tant que Premier ministre, n’avons la compétence d’autoriser ou d’arrêter les mises sur écoute. Je n’ai d’ailleurs aucune information sur les personnes surveillées par le BIS ou la police ; seul un tribunal autorise de telles écoutes. »
Les heurts entre le président Zeman, d’une part, et le BIS et son chef Michal Koudelka, d’autre part, sont réguliers. Les mises en garde à plusieurs reprises auprès de l’exécutif concernant notamment l’influence russe en République tchèque et les révélations relatives à l’explosion de Vrbětice en avril n’ont pas été bien accueillies par le chef de l’Etat qui ne cache pas ses affinités avec la Russie. Le président avait également refusé en mai, pour la sixième fois consécutive, d’élever au rang de général le chef du BIS et s’était vivement opposé à son maintien à la tête des services de renseignement après l’expiration de son mandat le 15 août. Le gouvernement avait alors, pour ne froisser ni le président ni le chef du BIS, décidé de ne reconduire que provisoirement dans ses fonctions Michal Koudelka jusqu’aux élections législatives d’octobre quand un nouveau cabinet sera formé.
De son côté, le porte-parole du BIS, Ladislav Šticha, s’est attaché à rappeler la légalité dans laquelle agit l’institution :
« Nous ne commenterons pas les allégations faites par le président. Dans tous les cas et sans exception, le BIS se fonde sur les lois applicables, qui sont également contraignantes pour tous les citoyens. Si quelqu'un a des doutes sur les activités de notre agence, il peut à tout moment s’adresser à la commission permanente de contrôle des activités du BIS de la Chambre des députés. »
Le président tchèque avait refusé de solliciter la Chambre basse, soutenant qu’il ne faisait confiance à aucune commission parlementaire.
Cette dernière se réunira pourtant cette semaine. Si aucune preuve concrète n’a pour l’heure été présentée par le chef de l’Etat, ces accusations demeurent sérieuses et nécessitent d’être abordées, selon le président de la commission parlementaire, Pavel Bělobrádek. La séance se tiendra ce jeudi à huis clos en présence du chef du BIS.