Les cendres des poubelleurs tchèques

Salut à tous les tchécophiles de Radio Prague – Ahoj vám všem, milovníkům češtiny Radia Praha ! Depuis maintenant un peu plus d’une semaine, les chrétiens du monde entier sont entrés dans la période dite du Carême, une période de quarante jours qui précède le jour de Pâques et la résurrection du Christ. Cette entrée dans le Carême s’est faite lors de la Messe des Cendres, le mercredi suivant le Mardi gras, un jour de pénitence appelé le Mercredi des Cendres - Popeleční středa. L’occasion donc pour nous de nous lancer dans une petite série de deux émissions consacrée au mot « popel » - cendre ; un mot de la langue tchèque que l’on retrouve également dans les autres langues slaves, mais dont l’usage n’en reste pas moins parfois très intéressant voire curieux, comme nous allons le découvrir à travers le mot « poubelleur »…

« Já už jsem popelář - já to dělám velmi rád - Popelnic já jsem král - z popelářů jsem nejdál - na popeláře já vysokou už mám… »

« Je suis devenu poubelleur, je suis le roi des poubelles, de tous les poubelleurs, c’est moi le meilleur, je suis même un poubelleur diplômé… »

L’extrait de cette chanson du groupe Koblížci s’intitule « Popelář » - « Le poubelleur », et vous allez tout de suite comprendre pourquoi nous l’avons choisie…

Mais commençons tout d’abord par un rappel : en tchèque comme en français, le mot « cendre » - « popel », possède deux significations. Il peut ainsi désigner le résidu restant à la fin de la combustion ou les restes d’un mort.

En tchèque, il existe aussi un nombre relativement important de mots proches ou semblables au terme « popel ». Ainsi, celui que l’on connaît en français comme l’éboueur ou plus familièrement le poubelleur, c’est-à-dire celui qui est chargé de collecter les déchets, de ramasser les poubelles, se dit en tchèque « popelář », littéralement quelque chose comme le « cendreur », un mot qui, bien entendu, n’existe pas en français.

Toutefois, si nous nous sommes amusés à traduire ce mot tchèque « popelář » par « cendreur », c’est parce qu’à l’origine, autrefois, en Bohême et dans les pays tchèques, ce mot désignait la personne qui était employée à éliminer et supprimer les cendres qui, dans ce cas précis, sont les résidus de la fin de la combustion du bois ou du charbon dont on se servait notamment pour se chauffer. Aujourd’hui, le mot « popelář » a perdu son sens originel, mais continue néanmoins à être employé pour désigner désormais un « éboueur » ; un mot qui, notons-le, a lui aussi perdu une partie de son sens original en français, puisque, outre le ramassage des ordures, les éboueurs, comme leur nom l’indique, étaient autrefois également chargés de l’évacuation des boues et de l’entretien des égouts. En tchèque, le mot qui correspondrait à l’usage de l’époque contemporaine et à l’idée de collecte des déchets et du ramassage des poubelles reste à inventer. On peut toutefois supposer qu’il s’agirait du terme « odpadář », dont la racine serait composée du mot « odpad », soit « déchets, résidus, ordures ».

Popelnice
Ce qu’il est également intéressant de remarquer, c’est qu’en tchèque, les mots « poubelle » et « camion poubelle », soit « popelnice » et « popelářský vůz », sont eux aussi reliés à l’idée de ramassage, de collecte des cendres, ou plus précisément à la fonction de « popelář », ce fameux « cendreur » fruit de notre imagination qui n’existe pas en français. Ainsi, si l’on s’amusait encore une fois à traduire littéralement ce qu’est un « popelářský vůz » ou une « popelnice », il s’agirait alors d’un « camion à cendres » ou « d’une poubelle à cendres ». Admettons que ces traductions sont quelque peu tirées par les cheveux. Elles nous aident néanmoins à mieux comprendre le lien qui existe entre ces différents mots et celui de « cendre » – « popel ».

Mais on ne peut pas clore le sujet sans une dernière précision amusante et curieuse à la fois : en effet, si le mot « popelnice » désigne bien une poubelle, une poubelle qui servait à l’origine à recevoir les cendres, il ne désigne toutefois que la grande poubelle, c’est-à-dire celle que l’on dépose généralement sur le trottoir pour que les éboueurs puissent la ramasser avec leur véhicule spécial ; ce camion poubelle que les Tchèques appellent littéralement « camion à cendres ».

Popelník
Une « popelnice », à ne pas confondre avec « popelník » - cendrier, est donc la poubelle extérieure, la grande poubelle dans laquelle on vide la plus petite, la poubelle d’intérieur ou de rue ; une petite poubelle que les Tchèques appellent, cette fois plus logiquement compte tenu de la réalité actuelle, « odpadkový koš », soit littéralement le « panier à déchets »… On est alors en droit de se demander pourquoi, comme le voudrait la logique, le « popelářský vůz » - le « camion à cendres », ne s’est pas non plus transformé en « odpadkový vůz » ou si vous préférez en « camion à déchets »…

Photo: Arcives de ČRo7
Avant de nous quitter, notons encore que le mot tchèque « popelář » n’a pas toujours désigné un « poubelleur ». Autrefois, jusqu’au XIXe siècle environ, la cendre était aussi utilisée dans la fabrication du verre, une activité forte d’une riche et belle histoire en Bohême notamment avec le cristal. A l’époque, le mot « popelář » désignait donc l’employé chargé de la production des cendres qui servait ensuite au travail des verriers.

Mais nous reviendrons sur ce mot « cendre » - popel, ses dérivés et les expressions de la langue tchèque qui s’y rattachent dans la prochaine rubrique, dans quinze jours. En attendant, portez-vous du mieux possible - mějte se co nejlíp !, portez le soleil en vous - slunce v duši, salut et à bientôt - zatím ahoj !