Hockey – Jaromír Jágr : 40 ans et toutes ses dents
Il y a 40 ans de cela, le 15 février 1972, naissait celui qui est depuis devenu le meilleur joueur de l’histoire du hockey sur glace tchèque. Toujours en activité en NHL, la prestigieuse ligue nord-américaine, Jaromír Jágr continue de faire rugir de plaisir le public et les amateurs de hockey du monde entier. Retour sur la carrière d’un phénomène qui, quoiqu’il arrive désormais, restera l’un des sportifs les plus marquants du sport tchèque.
Ces mots élogieux sont ceux de Slavomír Lener, ancien entraîneur de l’équipe nationale tchèque et aujourd’hui entraîneur en chef à la Fédération tchèque de hockey sur glace. Ces mots auraient pu aussi sortir de la bouche de la majorité de tous ceux qui, en plus de vingt ans de carrière professionnelle, ont eu le privilège de jouer aux côtés de Jaromír Jágr, ont croisé sa route ou, plus simplement, l’ont vu évoluer sur la glace, comme le confirme, par exemple, Petr Nedvěd, ancien partenaire de Jágr en NHL :
« C’est d’abord un joueur doté d’un immense talent, mais qui est aussi extrêmement travailleur. Le hockey l’amuse et le motive toujours autant aujourd’hui, et il a encore envie d’être le meilleur comme autrefois. Lorsqu’un joueur comme lui commence à se satisfaire de ce qu’il a déjà réalisé dans sa carrière, il est dépassé par d’autres joueurs moins bons que lui. Mais ce n’est pas le cas de Jaromír. Il veut toujours être le meilleur et c’est son grand avantage. »
A 18 ans seulement, Jaromír Jágr comptait déjà parmi les meilleurs. C’est à cet âge, en 1990, à peine la chute du régime communiste consommée, qu’il quitte la Tchécoslovaquie et sa petite ville natale de Kladno pour les Etats-Unis et la NHL, rêve alors de tous les hockeyeurs d’Europe de l’Est. Drafté par les Penguins de Pittsburgh, Jágr traverse l’océan avec un talent fou et une réputation de génie, mais sans parler un mot d’anglais et accompagné de sa mère. Pas facile pour l’adolescent qu’il est encore… Vingt-deux ans plus tard, Jaromír Jágr se souvient :
« A l’époque, je ne pensais certainement pas que je jouerais encore au hockey à quarante ans. Je ne savais même pas si je reprendrais l’avion l’année suivante. Quand j’ai atterri aux Etats-Unis pour la première fois, je pensais plutôt à rentrer à la maison le plus vite possible. »
Non seulement Jaromír Jágr est bien resté en NHL, mais il est devenu le meilleur jouer européen de son histoire avec aujourd’hui un total de près de 1 650 points inscrits, buts et passes décisives confondus. Outre deux coupes Stanley remportées avec Pittsburgh et le légendaire Mario Lemieux en 1991 et 1992, l’ailier tchèque alors aux longs cheveux bouclés a également collectionné pratiquement tous les trophées individuels imaginables : sacré dix fois meilleur joueur tchèque de l’année depuis le début de sa carrière, Jaromír Jágr a aussi été désigné trois fois meilleur joueur de la saison en NHL par les joueurs et une fois par les journalistes sans oublier cinq titres de meilleur marqueur de la saison régulière.
Reste néanmoins qu’il a fallu attendre plus longtemps avant de le voir aussi en réussite en équipe nationale, une équipe nationale avec laquelle il a fait ses débuts en novembre 1989, à 17 ans. Après plusieurs échecs retentissants dans la première moitié des années 1990, son premier succès avec la Reprezentace reste aussi le plus grand exploit de l’histoire du hockey tchèque et sans doute bien même de tous les sports collectifs tchèques :
« Réécrivez l’histoire, la République tchèque est championne olympique de hockey sur glace ! »
Il est six heures du matin à Prague le 22 février 1998, lorsque les Tchèques sont sacrés champions olympiques de hockey pour la première fois de leur histoire. Le commentateur de la Télévision publique baigne dans l’euphorie. Après avoir battu à la surprise générale les Etats-Unis et le Canada en quarts puis en demi-finales du tournoi olympique de Nagano, « tournoi du siècle » en raison de la participation pour la première aux JO des meilleurs joueurs de la NHL, Jaromír Jágr, Dominik Hašek et leurs coéquipiers viennent à bout en finale de la Russie, grâce à un but de Petr Svoboda, un joueur émigré au Canada avant la révolution en 1989 et dont le nom, traduit en français, signifie « liberté ». Tout un symbole !
Le lendemain de la finale, malgré le froid, des centaines de milliers de personnes se réunissent sur la place de la Vieille Ville pour accueillir leurs héros de joueurs. Jamais autant de monde ne s’était rassemblé à Prague depuis les manifestations qui avaient entraîné quelques années plus tôt la chute du régime communiste.A son retour au pays, Jaromír Jágr, lui, dédie sa médaille d’or à celui auquel il doit le plus, un fermier qui s’est sacrifié pour sa carrière :
« Cette médaille, je l’ai donnée à mon père. C’est extraordinaire ! Je n’avais jamais rêvé de vivre de tels moments. Quand je suis parti en NHL à dix-huit ans, je pensais que je ne pourrais plus jamais disputer les championnats du monde ou les Jeux olympiques avec mon pays. Et puis pour la première fois l’occasion s’est présentée et ce sont les Tchèques qui gagnent. C’est fou ! »
Sept ans plus tard, en 2005, Jágr est également sacré champion du monde pour la première fois de sa carrière, rejoignant ainsi le club très fermé des joueurs à avoir remporté à la fois la coupe Stanley, le championnat du monde et une médaille d’or aux Jeux olympiques. En 2010, à 38 ans, il ajoutera encore un deuxième titre de champion du monde.
A l’époque, le joueur au maillot floqué du numéro 68, en mémoire des événements tragiques de 1968, évolue depuis déjà deux saisons en Russie, à Omsk, en Sibérie, à 2 300 kilomètres au sud-est de Moscou.
Cette saison, alors que beaucoup s’attendaient à le voir revenir dans son club formateur de Kladno, qu’il a sauvé de la faillite et dont il est devenu le président l’été dernier, Jaromír Jágr a préféré tenter un dernier pari en rejoignant de nouveau la NHL, cette fois avec les Flyers de Philadephie, l’envie de gagner une troisième coupe Stanley et de se faire encore et toujours plaisir au plus haut niveau :
« A mon âge, je n’attends et n’espère plus grand-chose. Je suis content d’être toujours en bonne santé et de pouvoir jouer à ce hockey que j’aime toujours autant. C’est le plus important pour moi. »
Des paroles rares pour un sportif professionnel multimillionnaire de 40 ans qui compte toujours parmi les personnalités préférées des Tchèques et qui entend bien finir sa carrière dans le club et la ville de son cœur : Kladno.