Lutte contre le téléchargement illégal : la République tchèque a signé l'Accord commercial anti-contrefaçon
L’Accord commercial anti-contrefaçon, ACTA (Anti-Counterfeiting Trade Agreement), a été signé par 22 Etats de l’Union européenne et douze autres pays du monde à Tokyo, le 26 janvier 2012. Conçu comme un traité international multilatéral visant à fournir un cadre juridique à la protection de la propriété intellectuelle, l’ACTA est l’objet de vives critiques de la part de la société civile et d’une partie de la classe politique européenne qui dénonce le flou juridique du texte, l’opacité des négociations qui ont mené à sa signature ainsi que les atteintes aux libertés individuelles qu’il pourrait générer s’il entrait en vigueur. La République tchèque n’est pas en reste…
Si l’accord international touche tous les domaines de la propriété intellectuelle, c’est avant tout, la question de la libre utilisation de l’Internet qui mobilise dans la rue depuis plusieurs jours une partie de la société en Europe contre l’adoption du texte. Le rédacteur en chef du site internet root.cz, Petr Krčmář rappelle les principaux dangers de l’entrée en vigueur du texte :
« Les protestations sont organisées par les utilisateurs d’Internet qui sont mécontents du fait que l’accord ACTA touche de manière très désagréable, à toutes les interfaces électroniques. Les conséquences concernent tous les utilisateurs dans le monde. A mon sens, les clauses de l’accord ne sont pas dirigées contre les problèmes que le texte est censé résoudre, mais permettent tous types de contrôles sans savoir s’ils entrent en contradiction avec la loi. »Le texte prévoit, entre autres, la possibilité de procéder, dans les pays signataires, à des contrôles aux frontières du contenu de toutes les surfaces électroniques (ordinateurs, lecteurs MP3, téléphones, etc.) susceptibles de contenir des fichiers illégaux. Par ailleurs, l’accord entend renforcer le contrôle systématique des usagers du web et contribuer à la responsabilisation des fournisseurs d’accès et des serveurs internet ; mesures qui ne sont pas sans inquiéter les professionnels du secteur car, comme le signale Petr Krčmář, celles-ci conduiraient à des atteintes graves à la liberté des utilisateurs et à la protection des données personnelles :
« Le texte ajoute à la responsabilité des utilisateurs, tel que c’est le cas actuellement, celle des fournisseurs d’accès à Internet. Pour cela, il faudra un monitoring massif des utilisateurs et suivre ce que les internautes font sur Internet et les déconnecter s’ils font quelque chose qui ne plaît pas à quelqu’un. Cela rappelle le totalitarisme que nous avons vécu il ya plus de vingt ans. »Le spécialiste de la sécurité informatique et du droit de l’Internet, Vladimír Smejkal, rappelle quant à lui que l’Internet ne peut pas être considéré comme un monde totalement virtuel mais doit être, au contraire, replacé dans son contexte social et politique :
« Oublions qu’Internet est un environnement libre. Internet fait également partie de l’ordre juridique. Ce qui a valeur de loi dans le monde physique doit aussi avoir valeur de loi dans l’Internet et donc, entre autres, qu’il ne faut pas voler. Je considère donc que l’initiative prise par les signataires est juste et qu’il nécessaire de sauter à pieds joints dedans. »
L’un des principaux obstacles est toutefois l’absence, de la Russie, de la Chine et de l’Inde qui n’ont pas signé le texte, alors que ces pays sont ceux dans lesquels la contrefaçon, sous toutes ses formes, est la plus importante.Pour l’heure, des manifestations contre l’adoption par le Parlement européen de l’accord devraient se poursuivre dans les différents pays signataires où les attaques des hackers contre les sites gouvernementaux n’ont pas cessé depuis la semaine dernière. A la veille de la signature de l’accord par la République tchèque, le portail du gouvernement tchèque ainsi que celui de l’Union pour la protection des droits d’auteur (OSA - Ochranný svaz autorský) ont été la cible de cyberattaques de la part de hackers du groupe Anonymous, ceux-là même qui avaient piraté le site de l'Elysée, il y a une semaine.