Des ‘Frenchies’ chez Černý

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La MeetFactory, atelier du célèbre sculpteur contemporain David Černý, accueille depuis jeudi dernier et jusqu’au 12 janvier une exposition appelée « Scenario Strategies ». Regroupant des artistes français, suisses et tchèques, l’exposition présente des œuvres dont le thème est axé sur l’inversion de la réalité.

MeetFactory
Centre névralgique de l’art contemporain tchèque, la MeetFactory est une usine désaffectée située dans le quartier pragois de Smíchov. Présentée comme un lieu d’expérimentation artistique, elle est placée sous le patronage de plusieurs artistes modernes tchèques, dont le célèbre sculpteur David Černý. Ce dernier est d’ailleurs très connu du public tchèque : on lui doit notamment des réalisations telles que la statue de Venceslas dans le passage Lucerna ou encore les bébés qui semblent grimper le long de la tour de la télévision à Žižkov. C’est donc dans ce centre d’art que se tient actuellement l’exposition « Scenario Strategies ». Elle est réalisée en partenariat avec, en autres, l’Institut Français de Prague ainsi que les Fonds Régionaux pour l’Art Contemporain (FRAC) de Poitou-Charentes et de Franche-Comté. « Scenario Strategies » propose avant tout des photographies mais également quelques installations ayant pour point commun de présenter une vision alternative de la réalité, non sans humour, et ainsi de revendiquer une construction narrative remettant en cause la perception humaine. Nous avons rencontré Arnauld Colcomb, plasticien français qui, en parallèle de « Scenario Strategies », expose à la MeetFactory une de ses œuvres. Il nous la présente :

Arnauld Colcomb
« Je présente une statue qui s’appelle ‘Circle in a square’, et cela est barré et la présentation est ‘Le Drapeau’. C’est le titre. Alors pourquoi ? Pour expliquer un peu l’historique de cela, ‘Circle in a square’ c’est un point de vue ironique sur le minimalisme dans le sens où la galerie est un cube qui fait 10 mètres d’arrête. Donc je présente une sculpture qui est un trépied sur lequel il y a une poutre, et sur cette poutre il y a un ventilateur qui est branché. Ce ventilateur fait tourner la poutre qui dessine un cercle, et j’ai ajouté un drapeau à l’opposé du ventilateur sur la poutre. Cela permet d’avoir un drapeau qui tourne en rond mais qui prend le vent aussi. L’idée par rapport au drapeau est que c’est une espèce de drapeau pastiche du drapeau européen dans le sens de la construction européenne qui tourne un peu en rond. Moi, artiste français qui vient exposer à Prague, cela fait un lien dans un réseau européen. »

Arnauld Colcomb réalise des sculptures minimalistes dans lesquelles il injecte toujours une dose d’humour et de dérision. Il entend ainsi créer une distance et susciter une réflexion. C’est cette prise de position burlesque et consciente qui lui plaît chez les artistes contemporains tchèques :

« Il y a plusieurs choses : il y a eu des mouvements très sobres, basés sur des actions politiques quasiment invisibles mais avec une certaine forme d’engagement. Ce qui me plaît surtout, c’est le ton un peu burlesque et humoristique de la scène tchèque dans lequel je me retrouve tout simplement. »

Mais l’exposition, comme c’est souvent le cas dans l’art contemporain, peut sembler hermétique. Arnauld Colcomb nous confirme le caractère ‘cérébral’ de ce type d’art, mais nous fait part aussi de son optimise en ce qui concerne la scène artistique européenne actuelle :

« Je la trouve très cérébrale, c’est très référencé sur une certaine histoire de l’art. C’est quelque chose qui m’intéresse mais qui demande d’être un peu initié à tout ça. Ensuite je la trouve plutôt dynamique, je trouve que l’Europe commence à se mélanger de plus en plus, les artistes tournent de plus en plus dans toute l’Europe. Je trouve ça très positif à ce niveau-là. La sculpture en tant que telle invente du coup des nouvelles formes. Et je pense que c’est une scène très dynamique. Après, c’est une situation qui reste européenne, c’est-à-dire qu’il y a une position d’artiste européen qui est très référencée en opposition avec une scène américaine beaucoup plus spontanée, avec une production beaucoup plus importante. On a aussi des artistes qui viennent d’Asie qui sont dans une problématique beaucoup plus centrée sur des points de vue politiques ou culturels qui, à mes yeux, n’ont pas assez pris conscience de l’histoire de l’art en général. Mais ça, c’est un point de vue personnel. »

Il s’agit donc d’une bonne occasion de découvrir ces nouvelles tendances dans le domaine artistique, qu’il soit tchèque ou plus largement européen.