Frederik Peeters : « Le lecteur ne doit pas penser que l’on se moque de lui »
Originaire de Genève, Frederik Peeters, 37 ans, est connu du public tchèque et international notamment grâce à sa BD « Pilules Bleues », un récit autobiographique sur sa vie avec une jeune femme séropositive et son petit garçon, lui-aussi atteint du Sida. Frédérik Peeters a assisté à la clôture du Komiksfest de Prague. Radio Prague l’a rencontré.
J’ai vu à la boutique que deux de vos livres sont traduits en tchèque : « Lupus » et « Pilules Bleues » ( « Modré pilulky » en tchèque). En combien de langues êtes-vous traduit à l’étranger ? Comment s’est passée votre traduction en tchèque ? Quelle édition vous l’a demandé ? Qui a supervisé le travail ?
« Mon livre le plus connu est ‘Pilules Bleues’, je n’ai jamais compté mais il doit y avoir huit traductions, je pense, huit langues différentes, quelque chose comme ça. C’est très simple, l’éditeur contacte mon éditeur de base, en Suisse ou en France suivant lequel c’est, achète les droits, se charge de la traduction et on est obligé de lui faire confiance car on ne comprend pas le tchèque donc on espère qu’il va bien traduire. La bande dessinée est un petit milieu où les choses sont assez simples. »Pendant la conférence, on a beaucoup parlé de votre investissement personnel dans la bande dessinée, puisque « Pilules Bleues » est largement autobiographique. Comment est-ce que vous vous investissez dans la bande dessinée ? Quelle part de vous-même y mettez-vous ? Faites-vous plutôt des œuvres autobiographiques ?
« Non, j’ai fait un livre autobiographique, ‘Pilules Bleues’, mais ça c’était il y a dix ans. Et autrement, on a beaucoup parlé de l’implication de l’auteur, mais cela ne s’applique pas qu’à moi, cela s’applique à n’importe quel écrivain ou auteur de bande dessinée, il me semble… Enfin de celle qui m’intéresse. C’est-à-dire, non pas faire de l’autobiographie, mais se servir de la matière humaine qui nous entoure directement pour essayer de nourrir un récit qui, lui, doit être basé sur une idée, un scénario, une construction, un rythme. Mais il faut donner vie à des personnages, les rendre un peu compliqués, pour que le lecteur s’identifie, se pose des questions, pour qu’il n’ait pas l’impression qu’on se foute de lui. Donc j’essaye de mettre mes questionnements sur ‘la vie, l’amour, la mort’ dans mes livres et d’en nourrir les personnages. »Comment travaillez-vous plus spécifiquement ? Est-ce que tout est prévu à l’avance ? Le scénario ? Ou alors travaillez-vous plutôt au jour le jour ?
« Non, moi j’ai la particularité de travailler en improvisation totale, c’est-à-dire que je n’écris pas de scénarios. Par contre, avant, je construis une trame mentale, un plan, mais je n’écris jamais le scénario à l’avance. Ensuite, les choses se font au fur et à mesure et souvent, comme la bande dessinée est quelque chose qui prend beaucoup de temps à se faire - un an pour un gros livre - il arrive que la vie, les événements du quotidien modifient le cours de l’histoire. Et c’est ça qui m’intéresse : ne pas m’ennuyer, ne pas rester figé, et laisser l’histoire ouverte aux événements extérieurs, de la vraie vie. »Quels sont les auteurs de bandes dessinées qui vous ont le plus inspiré ? Qui vous ont donné envie de faire de la bande dessinée ?
« J’ai une trilogie de base. Hergé avec ‘Tintin’ quand j’étais enfant, j’ai tout lu des dizaines de fois et je connais tout par cœur. Ensuite, j’ai eu deux révolutions à l’adolescence, c’était Otomo avec ‘Akira’, qui a donné un film ensuite, donc un manga, et Moebius (Jean Giraud) car c’est le meilleur dessinateur vivant Et puis j’aime beaucoup les ‘Peanuts’ aussi, Snoopy et Charlie Brown, mais ça n’a rien à voir avec ce que je fais. »Que pensez-vous du milieu et du marché actuels de la bande dessinée et notamment de la bande dessinée franco-belge ?
« Moi, je n’en pense rien, il faut demander cela aux commerciaux et aux éditeurs. J’essaye de faire les histoires les plus intéressantes et les plus fines possibles. Ce qui me plaît, c’est de continuer à trouver le plaisir que j’avais quand j’étais enfant et que je dessinais pendant des heures. Et si je pouvais faire ça jusqu’à la fin de mes jours, ça m’arrangerait. »