R.A. Dvorský, la nostalgie de la 1ère République
Vendredi dernier a été jour de fête nationale en République tchèque. Les Tchèques ont célébré le 93e anniversaire de la création du premier Etat tchécoslovaque indépendant. L’occasion pour nous de nous intéresser à une des personnalités marquantes du petit monde de la musique en Tchécoslovaquie dans l’entre-deux-guerres ou pendant la Première République, une période à laquelle de nombreux historiens, politologues et autres nostalgiques font souvent référence aujourd’hui encore. Avec des airs de Clark Gable, R.A. Dvorský pour son nom de scène, ou Rudolf Antonín dans le civil, a été une des vedettes de cette période considérée par beaucoup de Tchèques comme un âge d’or, culturel entre autres, du pays dans sa courte histoire indépendante.
Rudolf Antonín est né en 1899 dans la petite ville de Dvůr Králové nad Labem, en Bohême de l’Est, un lieu de naissance qui explique le choix de son pseudonyme « Dvorský ». Dès l’âge de 16 ans, celui qui allait donc se faire connaître sous le nom de R.A. Dvorský compose ses premières chansons. Quatre ans plus tard, il s’installe à Prague. L’essor de la radio à cette époque concourt au lancement de sa carrière : dans les années 1920, R.A. Dvorský devient ainsi l’animateur d’une émission musicale à la Radio tchécoslovaque. Il y joue du piano et chante, accompagné notamment du violoncelliste František Cink, fondateur du premier orchestre de jazz en Tchécoslovaquie. Entre 1925 et 1929, les deux hommes collaborent ensemble au sein du quatuor « Melody markers ». Très populaire, l’ensemble joue dans les cafés, bars à vin et autres cabarets de la capitale et passe régulièrement à la radio. Mais en 1929, R.A. Dvorský et František Cink se séparent, chacun préférant fonder son propre ensemble. R.A. Dvorský choisit de créer un orchestre baptisé « R.A. Dvorský a jeho Melody boys », un orchestre qui existera jusqu’en 1945. Voici quelques-unes des chansons d’un orchestre au répertoire duquel figuraient notamment chansons populaires, tango, swing et bien entendu jazz : « une musique parfaite », selon certains critiques de l’époque… La période de la Première République en Tchécoslovaquie n’a donc pas seulement été marquée par les grands compositeurs élèves d’Antonín Dvořák que furent Josef Suk, Vítězslav Novák et surtout Leoš Janáček, sans oublier le violoniste Bohuslav Martinů. L’apparition de la radio permet en effet le développement d’une musique tchèque plus populaire. Les premiers disques sont produits proposant certes des orchestres de cuivres mais aussi une musique plus moderne incarnée, entre autres donc, par R.A. Dvorský, qui marque le passage progressif vers le jazz. Dans le milieu des années 1950, R.A. Dvorský est emprisonné par le régime communiste, accusé de haute trahison pour avoir tenté de quitter le pays. Il faut donc attendre la fin des années 1950 et le début des années 1960 pour pouvoir le réentendre avec quelques chansons à grand succès comme « Pohádka o konvalinkách » - littéralement « conte sur les muguets », un fox-trot qui fut le disque le plus vendu en 1967…