Václav Havel – entre mythe et désillusion

Václav Havel, photo: CTK

Ce mercredi 5 octobre, l’ex-président tchèque Václav Havel fête ses 75 ans. Visiblement affaibli par une maladie des voies respiratoires dont il a été victime au printemps dernier, l’ancien président est réapparu en public à l’occasion de sa fête d’anniversaire, très remarquée par les médias nationaux. Ces derniers s’interrogent, entre autres, sur ce que signifient les idéaux promulgués par l’ancien dissident et artisan de la révolution de velours, d’abord adulé, puis critiqué, pour la société tchèque aujourd’hui.

Václav Havel,  photo: CTK
« Je suis un ‘pravdoláskař’ ordinaire », se confie Karel Škrabal, journaliste du quotidien Mladá fronta Dnes, en employant un terme tchèque inventé, dérivé des mots « pravda » et « láska » - un « pravdoláskař » est donc quelqu’un qui est persuadé, comme Václav Havel, que « la vérité et l’amour doivent l’emporter sur le mensonge et la haine ».

Le quotidien économique Hospodářské noviny se souvient du 4 octobre 2007, où il a proposé à Václav Havel de devenir, pour une journée, son rédacteur en chef. « Soyez rapides et intransigeants », a conseillé aux journalistes l’ancien président, en discutant avec eux du football, des films projetés à Cannes ou du réchauffement climatique – un de nombreux points où les opinions de Václav Havel et de son successeur au Château de Prague divergent. Par ailleurs, pour ce numéro spécial, Hospodářské noviny a posé à plusieurs personnalités tchèques la question hypothétique de savoir si, depuis 1989, la vérité et l’amour l’ont vraiment emporté sur le mensonge et la haine.

Václav Havel
Vingt-deux ans après la chute du communisme, les « pravdoláskaři » sont souvent la cible de moqueries et les médias tchèques ont pris l’habitude de diviser le public en deux groupes, les « havlovce » et les « klausovce », donc entre ceux qui partagent la vision du monde de Václav Havel et de Václav Klaus. Dans le supplément de Hospodářské noviny, entièrement consacré aux photographies de Václav Havel, l’écrivain Jáchym Topol constate qu’à la fin de sa vie, Václav Havel est « traîné dans la boue », « accusé coupable de crimes de toute sorte et d’erreurs incroyables ». Il conclue, non sans amertume, qu’« avec le temps, cette critique affolée se transformera, comme de coutume, en un piédestal ».

Jana Machalická, journaliste du quotidien Lidové noviny, a décompté que le mois dernier, la presse tchèque a consacré à Václav Havel 674 articles. Selon elle, les critiques de Václav Havel se recrutent surtout parmi ceux qui n’oseraient ni prononcer ni défendre leurs opinions sous le régime communiste. « Ce qui est source d’inspiration chez Havel », écrit-elle, c’est qu’il n’a jamais cessé de croire en la volonté de l’homme, en sa capacité d’imposer celle-ci. »

Václav Havel
Dans l’édition de samedi de Lidové noviny, l’ancien directeur de la Bibliothèque de Václav Havel, Martin C. Putna, dresse le portrait de l’ex-président, un portrait qui se veut être « spirituel ». Pour lui, Václav Havel entre, à ses 75 ans, dans une période de « déclin du jour », où l’activité laisse place à la contemplation et où, sous une lumière tamisée, les objets, comme les gens, apparaissent plus beaux et plus vrais.

Dans ce portrait, Martin C. Putna constate que « tous les mythes tchèques sont accompagnés d’échecs. (…) Václav Havel a été considéré comme étant trop moraliste, trop spirituel, trop pro-européen ou pro-américain, trop multiculturel, trop écologique, trop anticommuniste, trop pro-capitaliste. » Et Martin Putna de conclure que l’échec du rêve de Václav Havel à propos d’un Etat tchèque spirituel est le troisième rêve de ce genre qui ne s’est pas réalisé : Charles IV et Tomáš Garrigue Masaryk avaient, eux-aussi, des projets similaires, projets qui ont échoué mais dont plusieurs générations ont néanmoins hérité des valeurs importantes.