« Flámovat » ou quand les Tchèques font la bringue comme les Flamands

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Salut à tous les tchécophiles de Radio Prague – Ahoj vám všem, milovníkům češtiny Radia Praha ! Pour cette fois, nous allons tout d’abord nous intéresser à un mot curieux de la langue tchèque, le mot « flámovat », qui signifie faire la fête, faire la noce, la bringue. Il s’agit toutefois de faire la fête dans l’exagération, et notamment avec une consommation exagérée de boissons alcoolisées, et de passer la nuit à s’amuser. Mais ce qui est surtout intéressant, c’est que ce mot « flámovat » tire son origine du mot « Vlám », c’est-à-dire un Flamand, l’habitant de Flandre en Belgique. Nous allons tout de suite découvrir pourquoi et comment…

On le sait, Jacques Brel entretenait des rapports houleux, une relation d’amour-haine avec la Flandre et les Flamands. Bruxellois flamand francisé, Brel était un Belge comme il n’en reste peut-être plus beaucoup aujourd’hui. N’empêche que dans sa chanson « Les Flamandes » notamment, il propose une image plutôt sombre des filles de Flandre, certes bien portantes, mais qui n’ont qu’un goût modéré pour la danse, une danse dont le rythme est imposé par le clergé et l’envie, le désir du bien-être matériel. Pour autant, les Flamands, hommes comme femmes, n’en restent pas moins des gens qui savent boire, et même bien boire, du bon et en grande quantité, il suffit de se rendre dans les bistrots de Flandre pour s’en faire une idée et en avoir la confirmation. Veillez alors simplement dans certains endroits à éviter de passer vos commandes en français…

S’ils savent bien boire, les Flamands ont également un sens prononcé de la fête. Et cela nous amène lentement mais sûrement à l’origine de ce fameux mot tchèque « flámovat ». Sa racine étant « flám », on pourrait penser, en français, que ce terme possède un rapport avec le mot « flamme », et donc éventuellement avec le verbe « flamber » dans le sens notamment de dépenser de l’argent immodérément ou encore d’arroser d’alcool pour ensuite brûler, passer à la flamme. Alors, effectivement, on flambe et brûle souvent la chandelle par les deux bouts avec la nuit qui avance et l’alcool qui se consomme, et ce comportement nous amène aussi parfois par exemple à nous brûler les ailes comme les papillons qui viennent se brûler à la flamme, mais en vérité, il ne s’agit là que d’une fausse interprétation.

En fait, la véritable version sur l’étymologie de « flámovat » est bien différente. Une version que l’on pourrait commencer avec l’expression qui introduit les contes de fées « Il était une fois… des Flamands… », et il ne s’agit pas là d’une façon de nous moquer du non moins fameux « une fois » belge. Il était donc une fois des Flamands en Bohême, et ce dans la première moitié du XVIIe siècle puisque tout aurait commencé lors de la Guerre de Trente ans. Durant celle-ci, Albrecht de Wallenstein, noble tchèque commandant en chef des armées impériales, a enrôlé un corps d’environ 20 000 mercenaires composé essentiellement de Flamands –Vlámové. A l’époque, ceux-ci étaient désignés en allemand comme les Flamländer. Et ces mercenaires, dont certains d’entre eux opéraient également sur le territoire de l’actuelle République tchèque, se comportaient comme la grande majorité de tous les soldats à toutes les époques.

Ils aimaient faire la fête, c’est-à-dire boire tout leur soûl et flirter avec les femmes que les armées médiévales transportaient avec elles. Une pratique, semble-t-il, assez courante qui permettait notamment de limiter le nombre de viols des populations locales et de conserver (on dira les choses comme ça) un certain niveau culturel. Ces femmes flamandes au service des soldats, les Tchèques les appelaient « Flundry », un mot, selon nos sources, pas spécialement injurieux, même s’il s’agissait bien de putains.

Ainsi donc pour la réputation des mercenaires flamands et de leurs femmes lors de la Guerre de Trente ans. Mais pour être tout à fait précis, précisons encore aussi que d’autres dictionnaires ajoutent également qu’il ne s’agissait pas seulement des mercenaires. Les marchands flamands étaient en effet tout aussi réputés pour leur talent commercial que pour leur faculté à organiser et supporter d’interminables beuveries…

Mais nous reviendrons sur le sujet dans notre prochaine émission. Il sera encore question des Flamands, mais aussi de leurs voisins hollandais et des Danois. Autant de peuples réputés grands buveurs, de bière notamment, comme les Tchèques d’ailleurs. D’ici-là, portez-vous du mieux possible – mějte se co nejlíp, portez le soleil en vous – slunce v duši, et surtout « flámujte! », faîtes la fête, la noce, la bringue, si le cœur vous en dit. Salut et à bientôt – zatím ahoj !