Roms ou Tsiganes ?

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Salut à tous les tchécophiles ! Vous le savez, une importante communauté rom vit en République tchèque, comme dans de nombreux autres pays d’Europe centrale, de l’Est et des Balkans. Il en est de même ainsi également par exemple en Roumanie, comme nous l’a récemment tristement rappelé l’actualité européenne, notamment en France. La Roumanie, justement, envisage de modifier la dénomination officielle des membres de l’ethnie rom du pays. Officiellement on ne parlerait donc plus de Roms en Roumanie mais de Tsiganes. La raison de cette décision à laquelle réfléchit le Parlement à Bucarest est la ressemblance entre les appellations de Roumanie – Romania en roumain, et de Roms – Romi en roumain, mais aussi le fait que le terme Tsiganes – Tsigani en roumain, est beaucoup plus répandu dans le pays que celui de Roms. La question qui nous intéresse donc est de savoir ce qu’il en est en République tchèque.

Comme partout ailleurs en Europe, les Tchèques parlent essentiellement de Roms – Romové, et de Tsiganes - Cikáni. Ce terme ou endo-ethnonyme de « Rom », qui signifie « homme », a été adopté par l’Union romani internationale en 1971 lors du premier congrès international des Roms. Celui-ci revendiqua le droit de ce peuple à être reconnu en tant que tel et adopta donc la dénomination « Roms ». Avant cela, seuls les Roms se désignaient de la sorte entre eux. Quant aux autres, les non-Roms que les Roms désignent comme « gadjo » en romani, ils parlaient le plus souvent de Cikáni en tchèque, de Gypsies en anglais, de Zigeuner en allemand, de Zingari en italien, ou de Tsiganes, de Gitans ou même de Bohémiens en français. A propos de cette dénomination de « Bohémiens » qui apparaît en français, nous avons déjà évoqué son origine dans une émission précédente. En résumé, rappelons donc simplement que ce mot « Bohémien » est apparu au XVe siècle suite à l’arrivée en France des premiers Tsiganes qui venaient de la Bohême, une des deux grandes régions de la République tchèque actuelle.

Reste que cette dénomination de Tsiganes ne possède pas la même valeur sémantique selon les langues. Tandis qu’en français le mot « Tsigane » désigne un Rom, en tchèque le mot « Cikán » a le plus souvent une forte connotation péjorative. Même le dictionnaire de la langue tchèque (Slovník spisovného jazyka českého), référence en matière de dictionnaires et équivalent local du Larousse ou du Petit Robert, présente le mot « Cikán » comme pouvant être un synonyme de vagabond, aventurier, menteur, escroc, voleur et ainsi de suite. Sans être assurément le meilleur exemple, les partisans de l’extrême droite tchèque parlent d’ailleurs presque exclusivement des « Cikáni » et jamais des « Romové » pour désigner ceux qu’ils combattent.

Les Roms tchèques eux-mêmes ressentent cette différence. Pour nombre d’entre-deux, l’emploi du mot « Cikán » dénote une connotation sinon raciste, au moins péjorative. Il s’agirait même d’une insulte. Dans la société tchèque, ce qu’on appelle le « cikánský způsob života », soit le « style de vie tsigane », la « façon de vivre tsigane », est d’ailleurs le plus souvent considéré comme un mode de vie à l’écart, une attitude asociale.

Pour autant, il arrive que la dénomination « Cikán » n’ait rien de péjorative, comme les Roms tchèques le reconnaissent. En fait, cela dépend essentiellement de la façon d’employer le mot et dans quel contexte ce mot est prononcé. Si le terme est employé sans préjugés, alors « Cikán » sera bien synonyme de « Rom » et non pas de voleur de poules, de menteur, de vagabond ou de malfaiteur. Et il est d’ailleurs intéressant de noter que souvent les Roms tchèques se désignent entre eux comme des « Cikáni », même si la majorité d’entre eux préfère que les Gadjo, les non-Roms, parlent d’eux comme de Roms – Romové…

On le constate, la nuance entre l’emploi des termes « Cikán » et « Rom » n’est pas toujours évidente. Reste que pour une majorité de Roms tchèques comme roumains, le mot « Cikán » possède le plus souvent une connotation négative… C’est ainsi que se referme ce « Tchèque du bout de la langue ». En attendant de vous retrouver non pas la semaine prochaine, mais dans deux semaines, portez-vous du mieux possible - mějte se co nejlíp!, portez le soleil en vous - slunce v duši, salut et à bientôt - zatím ahoj !