Josef Lada vu par son petit-fils
Dans la postface de ses Mémoires Josef Lada répond à ceux qui désirent connaître sa véritable vocation : « Ecrivain ou peintre, peintre ou écrivain, vous pouvez le retourner comme vous voulez. En ce qui me concerne, je ne crois qu’en les fortes sensations de la jeunesse, en les gens de bonne volonté, en les bons cœurs et en l’amour fidèle. Ce sont les sources d’art pur. Manier la plume ou le pinceau, ce n’est que de la technique, ce n’est qu’un détail. »
Bien que l’œuvre écrite de Josef Lada ne manque pas d’importance, pour la majorité du public il restera pourtant avant tout un peintre, auteur d’innombrables tableaux et dessins par lesquels il a magnifié et idéalisé le village de son enfance. L’artiste ayant vécu entre 1887 et 1957 est né dans le village de Hrusice, en Bohême, et son enfance dans ce village est devenue sa plus grande source d’inspiration. Son petit-fils Josef Lada, juriste qui porte fièrement le nom de son grand-père, s’interroge encore aujourd’hui sur les causes de l’immense popularité de l’œuvre de cet artiste :
« C’est une question très compliquée. Je pense qu’il a saisi par son art quelque chose de général, quelque chose qui plaît aux gens, que tout le monde peut accepter. Toutes ses illustrations pour les livres d’enfant, tous ses tableaux évoquant les quatre saisons sont réalisés avec une telle précision et sont tellement captivants que chacun y trouve quelque chose. Chacun y voit un peu de son enfance, de son village, de la nature qui était différente et qui n’existe plus. Et toutes ces choses font que son œuvre est toujours aussi populaire et aussi aimée. »Josef Lada abandonne rapidement ses études à l’Ecole des Arts et Métiers, sans doute parce qu’il sent que sa force réside dans son originalité. Et l’originalité ne s’apprend pas à l’école. D’abord influencé par les dessinateurs de son temps et notamment par Mikoláš Aleš, il développe peu à peu un style très personnel qui n’appartient qu’à lui et qui devient une des raisons de son immense popularité. D’abord auteur de dessins satiriques pour des journaux et des revues, il devient plus tard peintre de la campagne tchèque. Ses œuvres représentent la vie simple des villageois, des coutumes et des fêtes populaires, des scènes de contes de fées. Son style simple et la poésie des temps révolus qui émane de ses œuvres en font le peintre tchèque le plus populaire du XXe siècle. Aujourd’hui son petit fils cherche à protéger l’œuvre de son grand-père des abus, d’une exploitation sans scrupules des éditeurs et des commerçants et aussi de la falsification :
« Ma mère me disait souvent que je ressemblais beaucoup à mon grand-père et regrettait que nous n’ayons jamais eu la possibilité de nous rencontrer et de discuter car elle était persuadée que nous nous serions très bien entendus. (…) Evidemment il y énormément de questions que j’aimerais lui poser. Je n’ai jamais compris comment il avait fait pour créer une œuvre d’une telle ampleur, tant de tableaux et d’illustrations en si peu de temps. Où a-t-il trouvé tant d’application ? C’est toujours un mystère pour moi, je ne comprends pas comment il a réussi à faire tout cela. »
En effet l`œuvre de Josef Lada est immense. Son petit-fils estime qu’il a créé au moins 500 tableaux et énormément d’illustrations, de dessins pour les journaux et pour les cartes postales :
« Chez nous, dans la maison de mes parents, il y avait bien entendu beaucoup de ses dessins. J’en étais entouré parce que c’était le travail de tous les jours. Et ils ne pouvaient pas manquer non plus à Noël. Aujourd’hui encore je reçois de temps en temps une carte postale avec un dessin de Lada, ce qui me fait toujours plaisir. Je dirais que des millions de ces cartes ont déjà été imprimés. Chaque année ces cartes postales sont tirées à plusieurs centaines de milliers d’exemplaires. Sachant que cela dure depuis de longues années, nous arrivons donc à plusieurs millions de cartes. »
Les images par lesquelles Lada a évoqué ses souvenirs sont si simples et si saisissantes à la fois que leur auteur a fini par devenir un symbole du Noël tchèque. Sur ses dessins, toute une pléiade de personnages, enfants, adultes et petits vieux, animent les paysages et les villages ensevelis sous la neige. Accompagnés de leurs animaux domestiques, ces petits paysans célèbrent modestement, mais d’autant plus sincèrement, la naissance du Sauveur. Ces images reproduites sur des cartes postales sont les cartes de vœux les plus appréciées et le plus fréquemment utilisées dans notre pays.
Le petit-fils de Josef Lada rappelle que les illustrations du roman de Jaroslav Hašek « Les aventures du brave soldat Chveïk » ont constitué une étape importante dans l’ensemble de l’œuvre de Josef Lada :
« Il a été inspiré par Jaroslav Hašek, qui lui a demandé un dessin pour la pochette de l’édition par fascicules du Brave soldat Chveïk. C’est la seule illustration pour Chveïk de Josef Lada que Jaroslav Hašek a pu voir de son vivant. Le Chveïk de ces temps-là ne ressemblait pas beaucoup à celui créé par Lada plus tard. Il était plus haut, plus maigre. Il n’a pris son aspect définitif que lors de la création d’une espèce de bande dessinée que Josef Lada a imaginée pour le journal České slovo entre 1923 et 1925. Il a fait au total 540 illustrations. C’est là que les personnages ont pris leurs expressions et leurs aspects définitifs. Je crois que Hašek et Lada ont été de très bons amis avant la Première Guerre mondiale. Hašek habitait même en sous-location chez Lada, rue Dietrichova, et ils ont fait pas mal de coquineries ensemble. Lada était encore célibataire à l’époque. Je crois qu’ils s’aimaient bien en ce temps-là et qu’ils étaient des copains inséparables. »
L’humour et la poésie des dessins de Josef Lada sont surtout appréciés des enfants. Le peintre s’était déjà mis à illustrer les livres pour enfants dans sa jeunesse et a continué dans cette voie pendant toute sa vie. C’est pour les enfants qu’il est devenu écrivain. La liste de ses œuvres écrites surprend par sa longueur. C’est pour les enfants que l’artiste a écrit de nombreux contes, petits poèmes et dictons. C’est pour ses filles qu’il a créé le célèbre chat Mikeš, le chat botté à la tchèque, un animal astucieux qui connaît le langage des hommes et qui vit avec ses camarades, le cochon Pašík et le bouc Bobeš, des aventures incroyables. C’est au chat Mikeš et à ses aventures que l’artiste a consacré plusieurs livres illustrés de dessins irrésistibles traduits plus tard dans de nombreuses langues. Il s’amusait à humaniser les animaux, à leur donner des facultés humaines. Les petits lecteurs adoraient la création de ce peintre-conteur, et ses livres étaient des cadeaux très appréciés que les enfants trouvaient souvent sous le sapin de Noël.