Les clichés de Miroslav Tichý pour la première fois exposés à Prague
A partir de ce mercredi, les photos de Miroslav Tichý font l’objet d’une exposition à la maire de la Vieille-ville de Prague. Tichý, qualifié par la presse locale de « bizarre » ou d’ « enfant terrible » de la photo tchèque, a déjà été exposé à l’étranger, où ses clichés à la limite du voyeurisme prises avec un appareil artisanal ont été très remarqués. Plusieurs dizaines d'entre eux sont pour la première fois réunis dans une exposition pragoise.
« Il y a une grande différence entre regarder et voir, le voyeur regarde, mais Tichý voit » : ce sont les mots de Gianfranco Sanguinetti, qui a conçu cette exposition pragoise. Né en 1926 dans le village morave de Kyjov près de Brno, Miroslav Tichý fait des études à l'Académie des Beaux-Arts de Prague où il se consacre plutôt à la peinture et au dessin. Le coup de Prague de 1948 constitue une rupture dans sa vie personnelle et artistique.
Les femmes qu'il peignait à l'Académie d'après modèle, il les troque contre les femmes de son village, qu'il photographie sous le manteau, à la hâte, des clichés en noir et blanc, souvent flous, mal cadrés, qu'il retouche parfois chez lui d'un coup de crayon. Roman Buxbaum, artiste tchèque exilé en Suisse en 1968, est à l’origine de la redécouverte récente de ses photos. Voici ce qu'il confiait il y a quelques années sur notre antenne :
« Tichý n'est pas plus voyeur que n'importe quel autre homme moyen. Il a certes choisi le thème du corps féminin pour son oeuvre, mais à ce moment-là, Matisse ou Modigliani seraient également des voyeurs, ou bien même encore plus quelqu'un comme Saudek. Son oeuvre a évidemment une composante érotique, mais celle-ci se situe essentiellement dans la tête de l'observateur plus que dans celle de Miroslav Tichý lorsqu'il prenait ses photos. Il faut regarder aussi comment il retravaillait certaines de ses photos, au stylo par exemple, il s'agit d'une intervention de l'artiste, une intervention d'inspiration académique qui habille et dissimule pudiquement ce qui lui semblait trop dévoilé. ».
Aujourd’hui, Miroslav Tichý a 84 ans, est malade, et c’est son amie Jana Hebnarová qui s’occupe de lui. Selon elle, l’exposition pragoise, qui propose 250 photos au public, ne comprend aucune photo de la fondation Tichy Ocean de Roman Buxbaum, parce que ce dernier, qui les a exposées dans plusieurs pays, n’aurait pas respecté les droits de l’auteur. En 2005, Roman Buxbaum se justifiait au micro de Radio Prague:
« Tichý est un grand sceptique. Non seulement il refuse la société et la culture dans leur ensemble, mais il refuse également les expositions. J'ai longtemps hésité à savoir si j'avais le droit ou pas de mettre ses oeuvres sous les feux des projecteurs alors que lui-même est si ambivalent et si négatif envers les expositions.
J'ai décidé d'essayer malgré tout, je ne pouvais pas endosser le fait qu'il pourrait ne pas profiter un peu de son vivant d'être connu et reconnu, comme il le mérite et ce, même s'il ne recherchait pas cette reconnaissance et cette gloire. Les gens riaient toujours de lui quand ils l'entendaient dire de lui-même qu'il était un artiste et qu'il se comparait aux grands maîtres de la Renaissance ou aux Modernes, ils le prenaient pour un fou, ils l'évitaient à cause de ses guenilles...».
L’exposition est à voir jusqu’au 6 mars à la mairie de la Vieille-ville de Prague. Pour en savoir plus sur la vie et l’œuvre de Miroslav Tichý : www.tichyfotograf.cz