Sans titre : dix vidéastes exposés à la Galerie 35
Une nouvelle exposition est proposée par la Galerie 35 de l’Institut français de Prague. Préparée par l’artiste française Amande In et Michal Novotný elle présente les oeuvres vidéo de plusieurs artistes français, tchèque, italien, algérien, norvégien et slovaque.
« Cette exposition s’appelle Sans titre, pour plusieurs raisons : d’abord, beaucoup d’oeuvres contemporaines sont sans titre. C’était un clin d’oeil par rapport à toutes les oeuvres exposées ici qui ont toutes un titre. Pour chacun des artistes, ces titres ont un rôle plus ou moins important mais ont été le résultat d’un travail, d’une réflexion. Donc plutôt que de mettre en avant un titre, de nous, faire un travail de réécriture de la globalité en donnant un titre d’ensemble à toutes ces oeuvre. On a préféré ne pas filtrer la lecture de ces oeuvres, ne pas leur donner une thématique d’ensemble, mais plutôt laisser le visiteur extraire le lien entre chaque vidéo. »
Dix artistes vidéastes sont présentés à la Galerie 35. Parmi eux, Eden Morfaux, un sculpteur qui s’est pour la première fois approprié le média vidéo pour cette exposition :« La vidéo s’appelle ‘Naturaleza Misteriosa’. Cette vidéo est une succession de plans fixes pris dans le zoo de Madrid, d’où le nom en espagnol. Ce zoo a une particularité, il est entièrement construit en béton, pas sur le principe des zoos classiques. Celui-là, c’est vraiment un zoo architecturé où la nature a une forme architecturale. C’est-à-dire qu’un rocher est un cube. Il y a des murs, des formes qui font plus référence à la construction architecturale qu’à la nature. C’est ce que j’ai proposé de présenter dans cette exposition, une vidéo avec huit plans fixes qui représentent des environnements d’animaux très différents, comme le lion, les flamands roses, le phoque... »
Une nature très stylisée donc... Pourquoi ce contraste vous intéressait-il ?« Ce qui m’intéresse en général dans mon travail et dans ce zoo en particulier, c’est une autre perception de l’architecture, c’est-à-dire que pour nous l’architecture a une dimension fonctionnelle, elle sert à habiter, à gérer les flux. Moi ce que j’aime dans l’archicture c’est souvent la dimension sacrée, de manifestation de la grandeur humaine. Dans cette vidéo et dans le zoo, ce que je trouve intéressant, c’est qu’on reproduit la nature avec des éléments qui ne sont pas naturels et on essaye de créer une image idéale, conceptuelle de la nature. C’est ce qui m’intéresse dans mon travail : pas seulement la forme, mais aussi la symbolique, la force qu’on peut générer par l’architecture. »
C’est votre première vidéo en tant qu’artiste. Qu’est-ce qui vous a séduit dans ce média par rapport à la sculpture qui est votre moyen d’expression naturel...« On m’a invité pour mon travail d’artiste qui est plutôt la sculpture. J’ai dû faire l’effort de produire une œuvre vidéo. Ce qui m’a semblé intéressant et important dans ce travail, qui aurait d’ailleurs pu être photographique, c’est un travail de documentation avec un cadrage précis, soit mon regard sur cet environnement. J’ai essayé d’utiliser la vidéo pour montrer le contraste entre les animaux vivants dans la vidéo – là, on voit des tigres en train de dormir, ils ne bougent presque pas, on les voit à peine – et le béton qui est complètement figé, immuable. Ca me plaisait de jouer avec ça dans la vidéo. Je voulais montrer le contraste entre l’aspect figé du béton et la dimension vivante des éléments naturels comme les animaux, l’eau, la végétation. »
Quand on va dans un zoo, on est là, en face de ces animaux enfermés. Est-ce que le décalage, le spectacle que cela produit était quelque chose qui vous intéressait dans votre travail ?« Ce qui est intéressant dans ce zoo, c’est que c’est une sorte d’arène de spectacle. On veut nous montrer la nature ou l’environnement naturel qui ne l’est pas du tout. Ce que je trouve assez troublant, c’est qu’on y voit plus notre propre environnement, celui des êtres humains dans la cité, dans la ville, que l’environnement des animaux. Par moments, et c’est notamment dû au cadrage, car on ne voit pas les barrières, on a l’impression d’être dans la ville. Parfois on a l’impression d’être dans la ville, pas dans un zoo. C’est ce que je voulais créer comme décalage. D’habitude on est derrière des barrières à regarder les animaux, et d’un coup, on n’est plus derrière des barrières et on voit des choses comme ces singes, qui semblent être au pied d’une barre d’immeuble comme un HLM. »
Connaissez-vous le parti-pris de l’architecte de ce zoo ? Avez-vous fait des recherches à ce niveau-là ?
« L’architecte est espagnol, spécialisé dans le paysage. Le zoo a été inauguré en 1972. Il y avait un gros engouement pour le béton, déjà une connaissance et une fabrication des zoos en béton. C’est ce qu’on appelait le béton projeté, qui permet de faire des rochers assez ressemblants à la nature. Lui, son concept a été de faire de l’architecture et prendre le contre-pied de cette utilisation du béton, pour aller vers ce que je qualifierais de chef d’œuvre architectural. »Cette expérience avec la vidéo vous donne-t-elle envie de retenter l’expérience ou de vous diriger vers d’autres moyens artistiques ?
« Bien sûr, je pense que c’est complémentaire. Ce que j’ai aimé avec la vidéo c’est que je peux amener quelque chose qui n’est pas uniquement de l’ordre de la documentation comme quand je présente mon travail. Là, je peux aller capter des choses qui sont plus en lien avec mes idées, mes influences, puisque j’ai toujours été fasciné par les environnements des zoo, sans pouvoir le partager. La vidéo me l’a permis. Dernièrement, j’ai aussi fait de la photo, donc en effet, j’essaye de développer différentes possibilités, matériaux et techniques pour exprimer ma préoccupation d’artiste. »