Avec U2, le chorégraphe Eric Trottier renouvelle le répertoire du Théâtre d’Ostrava
Le chorégraphe canadien Eric Trottier a créé un spectacle pour l’ensemble de ballet du Théâtre national de Moravie et de Silésie à Ostrava, en Moravie du Nord. Pour cette production qui apporte un élément nouveau dans le répertoire du théâtre, le chorégraphe a utilisé la musique du célèbre groupe irlandais U2. Il s’en est expliqué au micro de Jana Hovjacká, journaliste de l’antenne régionale de la Radio publique tchèque à Ostrava :
Je comprends. Mais pourquoi U2 à Ostrava ?
« C’est assez simple. Quand j’ai regardé leur répertoire, j’ai remarqué qu’ils avaient aussi les Beatles, les Doors, c’est comme une petite tradition dans la compagnie de faire des chorégraphies sur la musique d’un groupe ou sur un thème musical. C’est pourquoi je me suis dit : ‘Pourquoi pas U2 ?’. »Vous avez donc commencé à travailler ici avec des danseurs. Vous êtes-vous heurté à des barrières, au niveau de la langue par exemple ?
« Il y a toujours des barrières, barrière de langage, c’est sûr, mais aussi une barrière chorégraphique : ce sont des danseurs qui ont une formation classique. Ici, on ne danse presque que ‘du classique’. Un peu de moderne, un peu de contemporain mais ça reste quand même assez classique. Moi, je suis un chorégraphe d’aujourd’hui. Je ne suis pas un chorégraphe d’il y a cent ans. Habituellement, je travaille, côté chorégraphique, très différemment de la façon dont je travaille ici. Ici, ce sont des danseurs qui font du répertoire, cela veut dire qu’ils ne font pas tellement de créations. Ils en font, c’est sûr, mais ce ne sont pas des danseurs qu’on appelle ‘de théâtre.’ Cela veut dire qu’ils font ce qu’il faut quand on leur dit : ‘Tu vas là et tu fais ça’. Et moi, je ne travaille pas comme ça. Je travaille avec des improvisations, je laisse les danseurs chorégraphier eux-mêmes. Souvent. Il faut toujours être sûr que les danseurs comprennent ton idée de base, qu’ils comprennent ce que tu veux. »Et comment faites-vous ? C’est difficile de transmettre vos idées ?
« C’est assez difficile ici parce qu’il a fallu qu’on leur donne tout à la cuillère, comme à un bébé. Et c’est assez difficile aussi pour moi parce qu’il faut que je change, que je revienne à l’ancienne méthode. Il faut dire : ‘On fait ça sur trois, après sur un et sur cinq’. Moi, je ne compte plus la musique depuis longtemps même si je fais un truc de groupe. Et puis, ici, ils sont habitués à un nouveau système, à amener les danseurs à changer. Et moi aussi, parce que je ne peux pas dire : ‘Vous faites ce que je veux parce que je ne veux pas perdre. Il faut que je gagne’. Et pour gagner, il faut quand même que je prenne leur force là où ils sont bien. Ce n’est pas seulement dire : ‘Vous faites ce que je dis, et le reste on s’en fout.’ Non, il faut quand même avoir du respect pour ce qu’ils sont et pour ce qu’ils font comme travail, et, à partir de là, essayer de joindre les deux. Et c’est difficile mais on y arrive. »Quelles chansons avez-vous choisies et quelle est la dramaturgie du spectacle ?
« La dramaturgie commence par ‘U2 a trente ans – Trois générations.’ J’ai trois héros principaux qui sont la même personne à trois âges différents. J’ai le pianiste qui est âgé de soixante ans, j’ai un gamin de treize ans, et j’ai Lukáš (Lepold) qui en a vingt-cinq. J’ai trois générations totalement différentes. L’âme de U2. Je commence à l’envers, je commence par aujourd’hui et je finis par le début. Ce n’est pas des quatre mecs de U2 dont je parle. Ce n’est pas ça. C’est l’âme de U2, leurs textes, ce qu’ils écrivent, leurs vies. Je connais leurs vies parce que je suis un fanatique. Je connais tout de U2, leurs vies, leur façon de penser, leur côté environnemental, leur côté politique aussi. Je ne parle pas trop de politique mais ça aide à créer. Tu comprends les textes après. Et je crée sur les textes mêmes de U2. »