Les « toiles de Nîmes » de František Matoušek
L’espace d’art contemporain DOX, dans le quartier de Holešovice à Prague, propose parmi ses expositions, celle du peintre František Matoušek. Ses toiles un peu particulières par le support qu’elles utilisent sont à voir dans ce lieu jusqu’au 15 mars prochain.
« Le mot ‘denim’ vient de la ville de Nîmes en France, d’où le tissu provenait et était autrefois exporté vers le reste du monde. Il y a aussi d’autres mots pour caractériser ce tissus. Le mot ‘Jeans’ viendrait de la ville de Gênes en Italie. Et puis il y a le mot ‘riflovina’, qui s’utilisait quand j’étais petit en Moravie, ‘rifle’ (prononcer : riflè, ndlr) qui doit venir de ‘rifle’ en anglais. »
Un support spécial, donc, que František Matoušek utilise depuis le milieu des années 1990 et qui revêt pour lui un sens symbolique :« Ce qui est important c’est que ce tissu, le jeans, a pour moi des significations différentes. C’est lié au fait de grandir dans la Tchécoslovaquie communiste. Les jeans étaient pour moi un symbole de l’Amérique, de liberté. C’était presque totalement interdit, en tout cas, ça l’était dans mon école. A fortiori les jeans déchirés. Je dis presque totalement interdit, ça ne l’était pas vraiment, mais c’est surtout qu’il ne valait mieux pas en porter. D’ailleurs c’était quasiment impossible à acheter si vous n’aviez pas de bons spéciaux. Pour moi c’était aussi lié à tous les groupes de musique que j’écoutais et qui étaient interdits. »
Ces aspirations à la liberté, on les retrouve dans ses toiles de New York, une ville qui fascine évidemment František Matoušek. Matoušek y utilise par endroits la trame du jeans, certains des ses fils blancs pour les contours verticaux des buildings. Des fils pas toujours droits qui donnent à certains tableaux une impression de légère vibration ou comme si le regard était un peu brouillé.
Si František Matoušek peint sur la plupart de ses toiles, il utilise également la trame du tissu brute pour composer des portraits en bleu et blanc, juste en tirant les fils. Comme une sorte de tapisserie, un gobelin à l’envers. Malgré l’intérêt technique de ces portraits, ce ne sont finalement pas ses oeuvres les plus intéressantes. Celles peintes sur les fibres du plus célèbre des tissus, qu’il s’agisse de New York ou de ses paysages, ont une profondeur qui fait défaut aux portraits. Toiles en jeans ou pas, la peinture de Matoušek est classique dans le sens le plus noble du terme :« Je peins également dans la nature. Ça se voit sur certains de mes tableaux, ils ont été faits en plein air. A chaque fois je pense avec affection aux impressionistes français, à Pisaro, à Cézanne, comme ils partaient dans la nature avec tout leur matériel, même quand ils avaient 50, 60 ans. Ils devaient passer pour des espèces d’originaux auprès des gens. »Une chose est sûre, il faut voir les peintures de František Matoušek en vrai. Ce qui est valable pour tout tableau l’est a fortiori d’autant plus pour cet artiste.Car en reproduction, sur catalogue ou internet, ses toiles perdent évidemment tout le relief et la plasticité qui en forment le caractère. On ne saurait donc trop recommander un tour au DOX, avant le 15 mars.